Fyctia
14 - MAINTENANT (2/2)
Je vais aller en boîte de nuit.
Pour la première fois.
De ma vie.
Je pars à peine cinq minutes plus tard en direction de la maison de ma mère.
Elle me manque et j'ai hâte de la revoir.
J'ai tout de même envie de lui reparler du week-end dernier, j'aimerais comprendre ce qu'il s'est passé et être rassurée. Je suis une adulte mais se sentir de trop fait toujours ressortir ce sentiment d'insécurité d'enfant où tu as besoin qu'on te rassure et dise les choses telles qu'elles sont.
Au bout de quelques kilomètres, je me gare devant son allée et voit le rideau de la cuisine s'agiter. J'imagine qu'elle se trouve derrière, à regarder qui peut bien lui rendre visite à l'improviste, à cette heure-ci. Bien qu'elle ne serait pas surprise si elle avait daigné me répondre au téléphone.
Je sors de ma voiture et à peine arrivée au patio de la maison, la porte d’entrée s’ouvre, ma mère s’affichant toute radieuse.
- Inès ! Je suis contente de te voir.
Elle est comme d’habitude. Apprêtée comme si elle se préparait à sortir alors qu’elle a dû passer la journée dans sa cuisine ou sur des blogs de cuisine. Elle porte un ensemble tailleur noir et blanc, avec une paire d’escarpins noire. Elle a cinquante-six ans et elle en paraît quarante à peine, vêtue de cette manière. J’ai la sincère impression d’être la seule adulte de France à traverser sa maison pieds nus ou en grosses pantoufles. Jamais personne ne m’a vu avec de telles paires de chaussures pour être chez moi. Ça doit être tellement inconfortable mais ça lui ressemble. Et elle est belle. Alors je l’aime comme elle est et je ne la jugerai jamais directement.
- Salut maman, lui réponds-je, en la prenant dans mes bras. Tu vas bien ?
- Oui, mais allez rentre ! Discutons à l’intérieur.
S’il y a bien une chose qui me dérange à l’heure actuelle, c’est son accueil. Elle n’ouvre jamais la porte.
Nous pouvons, que ce soit mon frère ou moi, rentrer comme si nous étions chez nous sans avoir besoin d’attendre derrière la porte après avoir sonné ou toqué.
Elle n’a jamais été nous ouvrir la porte alors pourquoi aujourd’hui ?
Je préfère ne pas poser de questions, pour ne pas en rajouter à celles que j’ai déjà. J’aurais probablement la raison rapidement.
Pourtant, je suis encore loin d'imaginer ma mère me cacher quelque chose…
Nous nous rendons, sans surprise, dans la cuisine où une odeur de pain d’épice flotte dans l’air. Noël se rapproche de plus en plus et j’aime cette période. J’aime la magie, la nourriture, les moments en famille que nous permet de vivre cette fête. Chaque année, j’y retrouve mon âme d’enfant que je n’ai jamais perdu au fond de moi. Depuis mon plus jeune âge, cette fête a toujours permis à mes parents d’être complices et attentionnés l’un envers l’autre même pendant les moments compliqués entre eux, y compris après le divorce. Ils ont toujours montré que les différends ne devaient pas entacher ces évènements là.
Noël est le symbole de la générosité, de l’amour, de la résilience et de la famille.
Je prends place sur un des tabourets de l’îlot central alors qu’elle me prépare un chocolat chaud.
- Ils ont l’air délicieux tes bonhommes dans le four !
- Ah oui ? me répond ma mère, étonnée de mon entrain. J’ai testé une nouvelle recette. Tu en prendras quelques-uns chez toi si tu veux. Tu pourras me dire ce qu’il en est.
- Volontiers, je ne peux pas dire non à une telle proposition, lui réponds-je en lui faisant un clin d'œil.
Elle ne poursuit pas la conversation. Ma mère dépose ma tasse sur le plan de travail et me contourne pour se rendre dans le salon.
- Je reviens.
Elle s’absente plusieurs minutes alors j’en profite pour vérifier l’heure sur mon téléphone. Il ne faudrait pas que je reparte tard de chez elle et que je manque la soirée filles avec ma collègue.
- On a fini l’inventaire avec ton père, me dit-elle en revenant, plusieurs feuilles à la main. Je t’ai tout listé au propre, tu n’as plus qu’à faire tes listes de courses.
- Oh super, lui réponds-je.
Je prends les diverses listes qu’elle me tend et les lit rapidement en diagonale. En effet, ils ont tout fait.
- Tu aurais dû m'appeler ! Je serais passée les prendre plus tôt dans la semaine…
- Oui, je n'y ai pas pensé, me coupe rapidement ma mère, pensive. J’étais assez occupée.
Elle a l’air distraite, très peu présente dans la discussion, la tête dans le four pour vérifier la cuisson de ses biscuits.
- Comment ça s’est passé avec papa ?
- Comme ça aurait dû se passer. Froid, glacial mais nous devions faire ces listes comme tu es partie sur un coup de tête alors nous avons pris sur nous.
- Tu sais pourquoi je suis partie, maman.
Je sens qu’elle est blessée, elle aurait sûrement voulu que je reste passer ce week-end avec elle, comme nous l’avions imaginé.
- J’avais besoin de toi, moi !
- Non, d’ordinaire, une seule personne se rend au chalet. Je t’ai aidé volontiers pour que tu passes une journée de plus en cuisine mais tu aurais très bien pu gérer seule.
- Peu importe, l’inventaire est fait. Prochaine étape, les courses.
La discussion pourrait s’achever là mais ça ne me convient pas. Je décide de me renseigner, pour savoir la vérité.
- Maman ! Pourquoi papa était-il là ?
- Je ne sais pas, Inès, me répond-elle en se retournant et me regardant, assez agacée par mes questions. Il avait envie de venir j’imagine.
- Tu ne lui as pas posé la question ?
- Non, Inès ! Tu as fini oui ? Il avait besoin de venir il l’a dit. Peut-être était-ce une excuse pour simplement passer du temps au châlet je ne sais pas. En tout cas, le week-end est passé, nous devrions passer à autre chose.
Elle ne s’en est pas rendue compte, moi non plus, mais je l’ai piégée. Je lui ai posé une question, sans penser qu’elle aurait répondu autre chose mais mon père nous a dit pourquoi il était là. Il venait récupérer du matériel pour son client.
Pourtant, sa première réponse était qu’elle ne savait pas ce qu’il était venu faire au chalet avant d’ajouter qu’il avait peut-être menti pour simplement passer du temps à la montagne.
Elle sait pourquoi il était là et je ne pense pas que ce soit pour son client.
Je commence à comprendre son comportement assez atypique de ces dernières semaines.
Ils me cachent tous les deux quelque chose et je finirai par savoir quoi. Je me fais confiance.
Chaque chose en son temps.
Sans avoir à lui demander, je saurai la vérité.
8 commentaires
Chloé Hazel
-
Il y a 8 jours
Emmy Jolly
-
Il y a 8 jours
petites.plumes
-
Il y a 9 jours
Beryl L
-
Il y a 9 jours
Juxbook
-
Il y a 9 jours
Beryl L
-
Il y a 9 jours
Juxbook
-
Il y a 9 jours
Sarael
-
Il y a 9 jours