Fyctia

Ça fait maintenant une semaine que l'épisode du chalet a eu lieu.

Mon père a essayé de me contacter seulement au bout de quelques jours. Un appel par-ci par-là. Sûrement pour me montrer qu'il est là. Qu'il veut tenir sa promesse.

Cependant je n'ai pas envie de passer du temps avec lui, et encore moins de le rejoindre pour dîner un soir.

Il m'a trahie et je me suis sentie de trop.

Il doit me laisser le temps de redescendre, bien qu'il ne doit pas avoir conscience de ce que j'ai ressenti ce week-end là.

Ma mère, quant à elle, ne m'a donné aucune nouvelle. J'ai essayé de l'appeler cet après-midi pour lui rendre visite mais elle n'a pas décroché. Ce qui ne lui ressemble pas puisque les dernières fois où je l'ai vu, elle sautait sur son téléphone dès que la sonnerie retentissait.

Je termine mon poste à dix-sept heures, j'ai prévu d'aller lui rendre visite. Elle ne doit pas être ailleurs que chez elle.

De ce fait, je n'ai aucune idée de comment s'est passé ce merveilleux week-end entre parents d'enfants pas tous désirés et divorcés. Il a dû être trépidant ! J'espère au moins qu'ils ont terminé l'inventaire que je puisse commencer à préparer les listes de courses, seconde raison pour laquelle j'ai besoin de la voir.

Au fond de moi, j'aimerais savoir ce qu'il s'est passé. J'ai presque regretté d'avoir quitté le chalet à la seconde où ma voiture a quitté le sentier. J'aurais aimé y retourner telle une souris dans son trou, cachée mais à l'affût.

Parce que, certes, ils m'ont tous deux cachés le retour de Papa mais leurs retrouvailles physiques n'avaient pas l'air d'être les bienvenues.

- Allez, va pointer Inès, s'écrie ma collègue en me faisant un signe. Il est l'heure, je te reprends.

- Oui tout de suite, j'arrive !

Nous travaillons tous en demi-journée, soit du matin, soit d'après-midi mais nous ne pouvons pas pointer si la personne à notre poste n'est pas encore partie alors nous ne quittons jamais en retard, pour ne pas pénaliser la personne suivante.

- Quelque chose de prévu ma belle ?

- Aller voir ma mère, pesté-je.

- Ca a changé les samedis soirs de célibataire, ricane-t-elle.

- Si je pouvais être devant ma télévision avec mon fast-food je l'aurais fait, crois-moi, j'en rêve !

- Oh j'imaginais plutôt les sorties en boîte.

- Tu connais ça toi ?! lui demandé-je sur un ton rieur.

Je la taquine.

Marie approche de la quarantaine et est en couple depuis près de vingt ans avec le même homme, mariée depuis quinze ans minimum, et deux enfants presque adolescents sur les bras.

Elle est adorable mais je ne l'imagine en boîte pour rien au monde.

- Bah bien sûr Inès ! Je ne suis pas une de ces mères coincées ! s’indigne Marie, presque offensée par l’allusion péjorative de son âge.

- Sérieux, je n'en crois pas mes oreilles !

- Toi t'as besoin de sortir. On dirait que tu découvres le monde !

- Ce n'est pas du tout mon genre. Je ne suis même jamais allée en boîte, lui avoué-je.

À son tour de me regarder, ébahie.

- Pas une seule fois ? Même pour découvrir ?

- Jamais, lui réponds-je simplement, ne sachant pas comment l’expliquer.

- Et beh ! Tu es censée être la jeune et moi la vieille !

Elle me fait rire et ça me fait du bien après ces dernières journées compliquées.

J'ai toujours eu de la chance d'avoir une équipe comme elle au musée.

Mes collègues sont tous très chaleureux. La plupart se connaissent depuis des années et sont comme une famille maintenant.

Lorsque je suis arrivée, ils n'ont eu aucun mal à m'intégrer. Ils m'ont tendu la main aussitôt. Et je leur en suis reconnaissante d'avoir autant facilité ma reconversion. J'aime vraiment ce métier et cette équipe.

- Une soirée entre filles ça ne te dit pas ? Pour se défouler, allez !

J'ai envie de me laisser faire pour une fois.

Je me suis toujours bridée et refermée dans mon caractère solitaire.

Je n'ai jamais eu trop d'amis. Parce que je n'ai jamais été le genre de fille à sortir ou aller en soirées.

Ça a commencé à changer lorsque j'ai rencontré Ethan. Il m'a rapidement présenté à sa bande de copains.

Lorsqu'il était seul avec moi, il était calme, posé, gardait même quelques fois la fille de son amie mais en présence de ses amis, il n'était plus le même. Il aimait sortir, faire la fête, mais il ne buvait presque pas, ce qui me rassurait et m'a poussée à l'accompagner de plus en plus. Il avait enlevé l'étiquette de l'homme alcoolique que je lui avais collé à cause de son comportement au bar. Il avait réussi à se montrer responsable malgré son côté fêtard.

Alors j'ai commencé à sortir, à apprécier et à me faire quelques fréquentations.

Ce soir était peut-être le bon moment pour recommencer à sortir. Je ne l'ai plus fait depuis la rupture.

Seule ou avec des personnes que je connais peu ne m'intéresse pas mais avec Marie, pourquoi pas.

- Vendu.

Je vis son visage s'illuminer.

Elle devait penser que je n'accepterai pas. Moi la première je suis surprise de ma réponse.

- Allez file voir ta mère et reviens vite. Ce soir je t'emmène. Tu es de sortie ma belle ! s’exclame-t-elle en sautillant sur place, enjouée. Sors ta plus belle tenue !