Fyctia
8 - MAINTENANT
J'arrive au musée seulement quelques minutes avant treize heures. Je vais déposer mes affaires dans le vestiaire avant de commencer ma journée. Je dois débuter avec l'installation du sapin de Noël. Pour moi, ce n'est pas à mettre avant le premier décembre mais ici, le dix-sept novembre leur semble être une date idéale.
Mes visites guidées ne débutent qu'à seize heures aujourd’hui alors j'ai deux heures devant moi. Je me rends dans la réserve et tente de trouver parmi les centaines de cartons, le sapin et les décorations avant de retourner à l'accueil. Je garde le sourire parce que je suis ravie d'être la personne choisie pour décorer le hall du musée. J'aime tellement Noël.
Je commence à installer ce fichu arbre vert artificiel, (j'aurais préféré un vrai et naturel) et dispose de la neige artificielle, elle aussi, à son pied. Une stagiaire présente pour la période hivernale vient ensuite m'aider à disposer les diverses boules et guirlandes avant d'envelopper le sapin d'une longue guirlande de flocons lumineux. Au pied, nous disposons de nombreuses petites maisons et certains Père Noël pour imaginer un village de Noël.
L'heure des visites approche. Je termine les dernières décorations lorsqu'une voix m'interpelle dans mon dos. Une voix que je ne peux que bien connaître.
- Inès ! Tu travailles encore ici ?
Ethan. En chair et en os, derrière moi. Mais qu'est-ce qu'il fait là ? Pourquoi maintenant ? Une boule au ventre me gagne instantanément.
Après trois mois sans l'avoir vu, en évitant tous les endroits que nous aimons tous deux fréquenter.
Je ne crois pas être prête à le voir, ni à l’affronter.
Quand je l’ai découvert chez nous avec une blonde, soit tout l’opposé de moi, je suis partie sans lui dire un mot. Sans lui donner le moindre signe d’intérêt. Il ne méritait pas de me voir dans un état blessé.
Je n’ai ensuite jamais répondu à ses messages, ses appels, ni quand il a sonné à l’interphone de mon nouvel appartement. Je ne suis jamais allée récupérer mes affaires non plus. Le lendemain, je suis uniquement passée faire une valise de ce qui était le plus important pendant qu’il était à son travail. Je pense qu’aucune situation n’a jamais été aussi difficile pour moi. Pas même ma fausse couche, c'est personnel mais il m'avait détruit comme personne ne l'avait jamais fait auparavant. Je n’avais plus l’impression d’être chez moi. Elle avait réussi à hanter cet espace, qui m’avait toujours été cher. Alors même que j'étais seule pour faire ma petite valise, j'avais l'impression qu'elle était encore là, sur le canapé, à croiser mon regard.
Au moment de quitter l’immeuble, j’avais déposé mon double des clefs dans la boîte aux lettres sans un mot, pour ne plus jamais avoir à revenir.
Je ne voulais plus jamais le revoir ni avoir à faire à lui. Il ne devait plus exister pour moi. Je souhaitais aller de l'avant.
D’ailleurs, je me suis toujours demandée comment il avait su où j’habitais. Sûrement ma mère, du coup. Elle me l’aurait bien mise à l’envers avec ses histoires où les femmes n’ont pas besoin d’hommes.
- Inès, répète-t-il.
Je me retourne, pas sans effort.
Il n’a pas changé.
L’Ethan charismatique que j’ai connu et tant aimé se trouve devant moi, toujours avec sa chemise et ses mocassins, les cheveux bien en place, la barbe entretenue.
Qu’il est beau.
Mais ça ne fait pas tout.
Il a abusé de sa beauté pour me faire du mal, pour me mentir, m’humilier en me trompant avec la première fille qui ne me ressemblait pas du tout. Une blonde, fine, avec de belles formes, probablement sportive, tout ce que je ne suis pas avec mes kilos en trop sous mes airs de belle brune.
Le mal qu’il m’a fait l’a rendu vraiment très laid et peu attirant. Il a très rapidement baissé dans mon estime.
Pourtant, ça ne l'empêche pas de se trouver en face de moi, sur mon lieu de travail, trois mois plus tard, le lendemain où j’ai découvert qu’il parlait avec ma mère.
- Salut Ethan.
Je ne sais pas quoi lui dire.
- Tu vas bien ? Ça commence à faire longtemps que je ne t’ai pas vu, dit-il en se passant une main dans les cheveux et en souriant.
S’il veut jouer les mélodrames, il peut passer son tour, c’est de sa faute après tout.
- Oui depuis que j’ai réalisé qu’habiter avec toi ne m’intéressait plus du tout.
Nous sommes bien loin du surnom “beau sourire”, non, nous retrouvons plutôt mon côté glacial qu’il avait tenté d’esquiver lorsque nous nous sommes rencontrés lors de nos premiers échanges et c’est mieux comme ça. Il ne mérite que ça.
- Oui tu n’as répondu à aucun de mes signaux, me reproche Ethan. Tu as disparu de la surface de la Terre.
- Sérieusement Ethan, tu veux vraiment discuter de ça ? Tu ferais mieux de retourner à tes affaires, répondis-je en me fermant face à lui.
- Inès, je voulais simplement savoir comment tu te portais, les dernières nouvelles.
- J’allais bien jusqu'à il y a cinq minutes. Noël approche, c’est ma fête préférée et tu le sais, je décorais ce sapin, ne viens pas tout gâcher et repars.
- Je voulais simplement prendre des nouvelles de ta famille et de toi, ose-t-il me dire sans sourciller.
Je ne vois vraiment pas ce que ma mère lui trouve. Pourquoi discute-t-elle avec lui ? Il est tellement agaçant.
Il feins me poser des questions sur eux alors qu’il sait pertinemment comment ma mère va, il lui parle. Quel manipulateur.
Je ne comprends pas ce qu'il me veut. Surtout maintenant.
- Et je n’ai pas envie de répondre à une quelconque question venant de toi. Ethan, va t’en s’il te plaît, je travaille. Mes visites commencent dans cinq minutes et je perds mon temps à être ici à t’écouter.
Je le vois se résigner. Il comprend enfin que sa présence n’est pas ce que je souhaite. Pour le moins du monde.
- Je m’excuse Inès, je suis venu discuter communication avec le patron du musée et je t’ai vu, je voulais bien faire. Je ne reviendrais pas. Promis
Il a l’air peiné de me voir réagir ainsi et je le trouve sincère. Je retrouve en l’espace d’une minute le Ethan que je connais.
- Ce n’est rien Ethan mais désolée je n’ai pas le temps de te parler.
Sur ces mots, je me dirige vers le groupe de touristes qui m’attend du côté droit de l’accueil. Ils sont une vingtaine avec leurs casques, leur permettant de compléter mes explications que je donne en anglais. Cela leur permet de choisir la langue qu’ils maîtrisent le mieux entre le français, l’allemand, l’espagnol, l’italien et le mandarin. Je distingue deux femmes enceintes au cœur du groupe et mon cœur se serre, des larmes commençant à me monter aux yeux.
En parallèle, je vois Ethan sortir du musée, toujours sûr de lui, comme si notre altercation n’avait pas eu lieu. Il ne jette aucun dernier regard vers moi.
Dans d’autres contextes j’aurais apprécié le voir ici, pendant mes heures de travail mais tout a changé depuis. Je suis désolée pour lui, je lui ai sûrement fait de la peine mais je ne suis pas prête.
Ce que j’ignore en revanche, c’est qu’il s’apprête à appeler ma mère à peine sortie. L’histoire n’allait pas s’arrêter là.
5 commentaires
JustineSt
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Il y a 3 jours
Chloé Hazel
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Il y a 8 jours
Emmy Jolly
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Il y a 11 jours
Juxbook
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Il y a 11 jours