Fyctia

- Inès, je te parle ! s’indigne ma collègue en faisant de grands gestes avec ses mains pour capter mon regard.

- Oui, excuse-moi, chuchoté-je. Je ne le connais pas Marina.

- Tu rigoles, rassure moi ?

- Pourquoi ce serait le cas ? lui réponds-je, ne comprenant pas ses questions.

- J’ai voulu lui servir un verre, il m’a répondu que beau sourire l’attendait et qu’elle allait venir s’occuper de lui en te désignant.

Je me tourne vers lui et jette un rapide coup d'œil. Il est en train de me regarder, il doit sentir que l’on parle de lui et me salue d'un signe de la main, remarquant que je capte son regard. Jamais je ne lui esquisserais un sourire, ce serait trop facile. Je détourne alors le regard pour le poser à nouveau sur ma collègue. Je suis incapable de décrire ce qu’il se passe depuis hier. Je n'ai pas l'habitude de me faire aborder, encore moins de cette manière.

- Non, je ne le connais pas. Il est venu hier pour la première fois et me surnommait déjà comme ça. N’en tient pas compte. Je vais le servir puisqu’il le souhaite et ça s’arrête là, lancé je sans lever un seul regard vers lui.

Il ne mérite pas plus.

- Moi je pense qu’il s'intéresse à toi, continue-t-elle de commenter.

- Je ne le connais pas Marina ! Arrête-toi.

Notre discussion s’arrête là parce que je vois le cuisinier furieux de l’autre côté, j’aurais déjà dû commencer à emmener les desserts de la douze et je ne l’ai pas fait. Il est inadmissible que les clients attendent près de cinq minutes alors qu’ils voient qu’ils sont prêts au bord du passe qui nous sert à communiquer entre cuisine et comptoir. De toute manière, discuter de ça avec Marina m’exaspère. Je ne connais pas Ethan et n'ai pas envie de parler de lui sur mon lieu de travail. Il reste un client comme un autre.

J’emmène les différents desserts avant de rejoindre le vestiaire pour pointer et récupérer mes affaires. Je détache mes cheveux, relevés jusque là en chignon, et enfile un chemisier au lieu de mon tee-shirt que je ne crains pas de tâcher ici.

Je sors du vestiaire et fais un signe de la main à Marina avant de partir du restaurant. Depuis ses questions, j’ai évité Ethan, je n’avais pas le temps pour ses provocations. Pour une fois, j’ai la chance de partir plus tôt et je ne compte pas la gâcher. Je traverse la rue pour rejoindre ma voiture que j’ai garée de l’autre côté. Je vais mettre mes affaires sur le siège arrière droit lorsque je me rends compte qu’il y a quelque chose d’anormal.

Il ne manquait plus que ça. Mon pneu est crevé. Je sais déjà que je ne possède pas de roue de secours. J’en ai changé une il y a quelques semaines et je ne suis pas retournée en chercher une. Je n’ai plus qu’à appeler un taxi avant d’appeler le dépanneur demain pour venir me chercher et l’emmener au garage. Je ne rentrerai donc pas aussi vite que je le pensais chez moi.

- Quelle perte de temps, réponds-je en pestant.

Avant de réserver une course en taxi, je tente tout de même d’appeler mon frère. Peut-être qu’il pourrait venir me chercher, ce qui me coûterait moins cher. Il habite le quartier d’à côté mais ne répond pas. Évidemment.

Je lance l’application des taxis de la ville adossée contre ma voiture, dos au restaurant, lorsque j’entends siffler derrière moi.

Je me retourne et, sans surprise, Ethan est en train de me rejoindre. Il m'a forcément suivie lorsque je suis sortie.

- Un problème, beau sourire ?

- Non, aucun, je vais juste fumer avant de partir. Bonne soirée !

- Tiens, une cigarette, me répond-il en en sortant une pour lui.

Je regarde le paquet avec dégoût. Je ne fume pas, je voulais juste le faire fuir et lui faire comprendre que je n'ai pas plus de temps à lui accorder mais jamais je ne me forcerais pour faire genre. Raté.

- D’accord, tu ne fumes pas.

Il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour lire en moi et comprendre que je le piégeais.

Il penche la tête vers ma voiture et s’aperçoit du pneu crevé. Il sourit d’un air sûr de lui.

Ne me propose pas ça, pitié.

- Je te raccompagne ? Ma voiture se trouve plus bas dans la rue. Promis, je n’ai pas autant bu qu’hier, je suis en mesure de conduire.

Et me voilà, deux minutes plus tard, à descendre la rue à ses côtés comme si je le connaissais assez pour lui faire confiance et le laisser me ramener chez moi.