Fyctia

Septembre 2016

Il était dix-neuf heures trente.

L’heure à laquelle les couples se retrouvent après leurs journées de travail respectives.

L’heure à laquelle les familles se retrouvent après les séances de sport des enfants.

L'heure du repas où les commérages sont fréquents et sont appréciés.

L'heure à laquelle nous débriefons tous de la journée que l'on avait passée.

L'heure à laquelle nous sommes reconnaissants de la vie que nous menons.

Pourtant, la mienne venait de s'effondrer.

Ma vie n'était plus. Les cinq années que je venais de passer ont été réduites en cendres. Comme si elles n'avaient jamais existé. Jamais compté pour personne.

Mon cœur brûlait dans ma poitrine, mes mains tremblaient et mes jambes se dérobaient sous moi. En l'espace de quelques minutes, je devenais fébrile. Je ne me reconnaissais plus. L'adulte que je devenais laissait place à nouveau à la fragile jeune femme que j'étais.

Il avait tout détruit là où il m'avait tout promis.

L'esprit embué, je me raccroche à la première chose qui se trouve près de moi. La poignée de la porte d'entrée.

- Inès !

Il a l'air effaré, plus que moi, alors que lui est en mesure d'expliquer ce que je viens de voir. Lui savait que notre vie allait partir en vrille. Il a fait le choix de tout réduire en miettes. De tout effacer comme si ça n'avait jamais existé. Comme si je n'avais jamais existé.

Je suis incapable de lui répondre. De lui parler. Je le déteste. Pourtant je reste là, en attendant je ne sais quoi. Sûrement que je me réveille. Je me crois dans un rêve.

Il s'approche de moi, précipité, et me prend les mains. Comme si ce n'était pas trop tard. Comme si je n'avais jamais assisté à cette scène.

- Inès, me répète-t-il. Regarde moi.

Non. Je n'arrive pas et ne peux pas le voir. Je ne peux détacher le regard de la jeune fille qui s'habille en hâte devant moi. Elle enfile sa robe et ses chaussures à talons en omettant ses sous-vêtements. Elle s'apprête à repartir avec sous le bras. Sûrement pour gagner du temps. Mais du temps, elle en aura, elle a gâché le mien. Est-ce qu'elle savait qu'il avait une fiancée depuis des mois ? Un projet bébé ? Est-ce qu'il lui a dit ? Bien sûr qu'il a dû lui dire. Je suis bête, ils sont complices.

- Inès ! Tu m'entends ?

Oui. Je t'entends. Elle t'entend aussi, elle te regarde d'un œil peu sûr de lui, elle attend un signe d'attention, que tu ne lui donnes pas. Alors elle prend ses affaires, me frôle l'épaule, t'évite et part dans le couloir derrière nous, sans un mot ni regard supplémentaire. Elle est dans notre immeuble, elle est venue chez nous. Elle a violé ma vie, mon espace vital. Elle a détruit ma relation, elle nous a détruit. Tu l'as laissée faire. Je suis dévastée.