Fyctia
Ch.3: Presque comme un jeudi-3
Une cohorte de journalistes fait irruption dans la boutique qui semble brusquement trop petite. Je recule tandis qu’ils avancent, d’un même pas, droit sur M. Pero heureusement protégé par sa banque d’accueil.
— Des passants nous ont dit avoir vu sortir Louisa Augustin de votre boutique, est-ce que c’est vrai ?
— Oui, oui, oui, lâche M. Pero qui ne comprend pas réellement ce qui lui arrive.
— Elle vous a parlé ? Elle a acheté des ouvrages ?
— Oui, oui, oui, répond toujours M. Pero qui semble tourner en boucle.
— Qu’est-ce qu’elle vous a dit ? Elle a parlé du tournage ? Quels titres vous a-t-elle achetés ? Quels sont ses goûts ?
Les questions fusent. Notre patron semble dépassé par la situation. Moi-même, je ne sais plus où donner de la tête. Il répond finalement :
— Je ne peux pas dévoiler les titres, secret professionnel.
M. Pero bombe le torse, satisfait de sa réponse. Une partie des journalistes fond alors sur Suri qui est visiblement très mal à l’aise. Elle ne répond rien. Quant à moi et bien :
— Oui, Madame Augustin est venue, l’instant fut bref. Comme elle l’a déjà dit dans ses interviews, elle profite de ses déplacements pour visiter de petites librairies authentiques comme la nôtre car on y trouve des ouvrages qui ne sont pas disponibles ailleurs. La diversité, c’est important ! Sur cette tête de gondole nous mettons, par exemple, en avant les ouvrages des écrivains locaux auto-édités. Nous avons à cœur de valoriser notre région et nos auteurs. Et regardez ce rayonnage, chacun des titres proposés a été lu par un membre de notre équipe afin de pouvoir donner un réel avis au client. Nous ne nous contentons pas de répéter ce que dit la critique, nous nous forgeons notre propre opinion. Nos clients nous font donc confiance et nous sont fidèles. Ce sont de vrais rapports humains qui se créent et que nous entretenons avec eux. Ainsi, au fil du temps, nous parvenons à connaître les goûts de nos lecteurs ce qui nous permet de leur proposer des ouvrages réellement susceptibles de leur plaire. Ici, c’est une librairie non pas de quantité mais de qualité, car nous aimons réellement notre métier.
Une femme et un homme, face à moi, prennent des notes et agitent la tête de contentement. Je remarque alors subitement le micro braqué sous mon menton et la caméra sur l’épaule du technicien, dans l’angle. En arrière-plan, M. Pero me regarde les yeux brillants :
— Voilà, Camille à tout dit.
— Vous nous avez autorisé à filmer, pouvons-nous également faire des photos ? demande quelqu’un.
— Bien sûr.
Notre patron est fier comme un paon, mais la cerise confite sur le gâteau, c’est quand ils demandent à prendre un cliché de nous 3. M. Pero se tient fier, au milieu de ses deux employées. Les flashes me piquent les yeux. Je me sens comme une star traquée par des paparazzis. Finalement, les journalistes quittent les lieux. Un à un, ils passent la porte, au son du carillon. Le silence devient brutalement total. Suri qui semblait en apnée prend une grande inspiration. M. Pero pose une main sur mon épaule et me regarde droit dans les yeux.
— Bravo, Camille, ce que tu as dit sur la librairie c’était magnifique, c’était…
— Exactement ça, je réponds, en souriant.
J’ai réussi à me faire pardonner ma vente ratée, je suis satisfaite, mais peu de temps, car Suri ajoute :
— Tu as fait une sacrée publicité à la boutique. On va te voir sur toutes les chaînes régionales et peut être même sur les nationales ! C’est dingue !
Je n’avais pas vraiment réalisé, enfin pas consciemment, je crois…
5 commentaires
Nathalie Rachel
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Il y a 2 ans
May Darmochod
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Il y a 2 ans
Ana_K_Anderson
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Il y a 2 ans
larchotte
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Il y a 2 ans
May Darmochod
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Il y a 2 ans