Fyctia
Chapitre 1 - La rencontre (1)
Les mains moites, je vérifie une nouvelle fois le tchat de l’application : pas de nouveau message. Mon coeur bat un peu plus fort, je suis stressée, trop stressée. Se pourrait-il qu’il y ait un problème de réseau ? La 4G a pourtant été déployée sur toutes les lignes, il y a quelques années. Je soupire, j’espère qu’il va m’attendre. Mon arrêt est enfin annoncé.
— Pardon !
La voix grave résonne près de mon oreille. Moi aussi, je suis en retard, mais je prends mon mal en patience. La ligne de métro A a été interrompue à cause du signalement d’un colis suspect. Je lève rapidement les yeux de mon téléphone, agacée, pour laisser passer cet homme particulièrement pressé. Soudain, un détail m’interpelle. A la lisière de sa casquette, ce tatouage, se pourrait-il que... ? Je n’ai pas le temps de finir de formuler ma pensée que déjà on me bouscule. Les passagers se pressent les uns contre les autres pour sortir tandis que, hors de la rame, une foule forme un bouchon compact devant les portes. Il va falloir jouer des coudes. Je range précipitamment mon smartphone dans ma poche avant qu’il ne lui arrive malheur et essaye d’observer, entre une aisselle et un bras tendu, l’homme qui m’a dépassée. Je me tortille, ce serait vraiment incroyable ! Mes efforts sont malheureusement vains, car déjà il s’extirpe de la rame. A contrario, c’est lentement, petit à petit, que la bête mécanique finit par me recracher. Immédiatement, je le cherche du regard. Personne. Je me suis, de toute évidence, fait un film. Une conséquence du stress, sans doute ! Ce rendez-vous me met la boule au ventre et le fait que je sois en retard n’arrange rien. Alors, sans plus attendre, je file dans le long couloir en forme d’intestin puis emprunte les escaliers de la bouche de métro quatre à quatre. Enfin, je suis libre !
À la moite chaleur des boyaux souterrains, vient succéder un vent frais qui me pique immédiatement le visage. Je rabats ma capuche sur mes longs cheveux bruns. La fourrure qui l’ourle vient me chatouiller le front. Je me demande instantanément quelle image je peux bien renvoyer puis je décide de m’en moquer. Nous sommes en novembre et il fait froid. Je réprime un frisson tandis que mes yeux se plissent à la recherche de la statue de Louis XIV qui doit nous servir de point de ralliement. Rapidement, je la repère, elle trône fièrement à plusieurs mètres. Je réalise alors, qu’une fois de plus, je n’ai pas pris la bonne sortie de métro. Je me fustige intérieurement. La place Bellecour est immense et j’en prends brusquement conscience puisque je dois la traverser au pas de course sur mes talons hauts.
Il est près de 18h, la nuit vient de tomber et les lampadaires ont déjà relayé le soleil. Je distingue plusieurs silhouettes au pied du cheval de bronze sans pouvoir encore déterminer s’il est là. Je parcours les derniers mètres, rapidement. L’excitation décuple la boule dans mon ventre qui semble, à présent, peser dix tonnes et me ralentir. Ma respiration est saccadée, mais j’accuserai l’incident dans le métro, s’il s’en aperçoit ! Pour l’heure, c’est moi qui le vois. « Conforme à sa photo », pensé-je immédiatement puis, soulagée de l’avoir reconnu, je le détaille rapidement du regard. Vêtu d’un long manteau gris, il se tient debout, son téléphone à la main. Il m’a attendu. Après avoir tant couru, je marque une pause et lisse les mèches de cheveux qui dépassent de ma capuche avant de la quitter finalement. Je prends une grande inspiration et avance vers lui.
— Jules ? demandé-je, d’une voix stridente que je ne me connaissais pas.
L’homme se retourne et me détaille, un instant, avant de sourire. Je suppose que c’est bon signe.
— Tu dois être Camille ?
Je hoche de la tête, intimidée, comme une enfant. C’est la première fois que je fais ça, rencontrer un inconnu. Enfin, rencontrer un « ami » virtuel. Il est plutôt joli garçon, sinon je ne serais pas là, je dois bien l’admettre. Il m’impressionne. J’énonce toutefois :
— Merci de m’avoir attendue, le métro A a eu un souci et…
— Pas de problème, t’inquiète, je connais.
Son sourire s’agrandit.
— On va boire un coup ?
— Oui, tu m’as dit que tu connaissais un bar sympa ?
— Tout à fait !
Décontracté, il se met en marche alors je le suis. Je ne sais pas trop quoi dire, je ne suis pas habituée à ce genre de rencards. Heureusement, il amorce la conversation :
— Qu’est-ce qu’il fait froid aujourd’hui…
J’acquiesce tandis qu’il poursuit :
— On nous rebat les oreilles avec le réchauffement climatique. Là, tout de suite, je ne vois pas où il est ! Je dirais même plus, ça ne me gênerait pas qu’on gagne quelques degrés.
Je n’arrive pas à déterminer s’il plaisante ou non. Jules ralentit tandis que l’enseigne d’un bar se dessine « Maker of stories ».
— C’est ici ? demandé-je.
— Yes, quel meilleur lieu pour commencer à « écrire notre histoire » ?
Il insiste lourdement pour vérifier que j’ai compris le jeu de mots. En un sens, je trouve cela mignon, car il sait que je suis une littéraire dans l’âme. J’aime les histoires sous toutes les formes : films, pièces de théâtre, livres... J’ai ce besoin de m’évader constamment ! J’aurais rêvé de devenir actrice, mais après quelques castings ratés, je me suis résignée et reconvertie en libraire. C’est bien, aussi. On ne peut, hélas, pas toutes être Marion Cotillard...
12 commentaires
Aurélie Benattar
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Il y a 2 ans
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elia
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Emmy Jolly
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