Milie Ben Un billet pour Tobermory Changement de Cap

Changement de Cap

Impossible de la dénicher au milieu de toute cette cohue. J’essayais encore de la joindre. En vain. Je tombais sur son répondeur. Lorsque je réussi enfin à me faufiler entre les grappes de voyageurs pour trouver un point d’accueil, une hôtesse m’apprit que l’avion pour Chichicastenango venait juste de décoller. Sûrement attendrie par mon visage liquéfié, elle me proposa un verre d’eau que j’acceptai volontiers. L’eau fraîche me ramena à l’instant présent. Je la sentais glisser le long de ma trachée. Je fermais les yeux. Que ne donnerai-je pour plonger dans un lac glacé au milieu d’une corolle de montagnes ? Puis, je rouvris lentement les yeux. Les cheveux de l’hôtesse ressemblaient à un champ de blé. Elle était encore très jolie pour son âge. Sous ses quelques rides, la jeunesse embrassait son front et son regard. Elle s’inquiéta de savoir si tout allait bien. Je la rassurai, la remerciai pour sa délicatesse et continuai mon chemin. J’ai déambulé quelques minutes dans le hall central puis je suis sortie. Il était tard. Le soleil s’était couché. J’avais faim. Il y avait des distributeurs de chips et de soda à l’entrée du parking. Je glissais quelques pièces, tapais le code H5 et attendis que le tourbillon d’acier libère ma commande. Un paquet « saveur provençale » tomba dans l’habitacle. Ces chips ne possédaient rien de la Provence. Ni le charme, ni le goût. L’on aurait dit des bouts de carton peint en jaune saupoudrés d’herbes à chat. La date de péremption indiquait un salto arrière de quelques mois. Des chips pouvaient-elles véritablement se périmer ? Voilà à quoi j’étais réduite… à me demander la durée de vie d’un paquet de chips, assise dans ma vieille « panda », contemplant des rangées de voitures aucunement classées par couleurs… et le vol des avions, bruits d’ailes de fer dans le ciel, me rappelait la sédentarité de ma vie. Mon téléphona vibra. C’était les coordonnées de MacDowell. Je lançais le portable dans le fond de mon sac et soufflais un « il me barbe celui-là ! ». J’allumais le contact et roulais en direction de Paris. Beaucoup d’embouteillages, de klaxons, de fumées s’échappant de cylindres vétustes. J’avais l’impression de ne plus pouvoir respirer. Je suffoquais. C’était ce que l’on appelait communément une attaque de panique. Serrée dans des files et des files de voitures, il m’était impossible de m’arrêter sur le bas côté. La sueur perlait sur mon front. Ma vision se troublait. Fort heureusement, nous roulions au pas. Je devais faire quelque chose. Quelque chose de nouveau. Je devais repeindre ma vie aux couleurs de l’arc-en-ciel. Je devais lui trouver un sens véritable. Non, ce que la société attendait de moi mais plutôt ce que j’attendais d’elle. Et pour cela, je devais répondre aux questionnements qui chahutaient mon cœur et mon esprit. Revenir aux sources. Ma mère avait raison, il devenait impératif que je profite de la vie. Je fis demi-tour dès que j’en eus l’occasion. Je m’engouffrai de nouveau dans le gigantesque parking d’Orly. Je remontai les allées au pas de course et arrivai à un point d’accueil. Un jeune homme était là qui semblait s’ennuyer. Essoufflée, je réussi à peine à lui demander un billet.


– Bien sûr Madame… mais il me faudrait la destination.


Un détail que j’avais omis de lui donner. L’air hagard, je marmonnais une chose incompréhensible. Une sorte de bouillie inaudible. Il m’observa s’interrogeant certainement sur ma lucidité et ma capacité à prendre des décisions.


– Tobermory… articulais-je plus clairement.


Il pianota quelques instants sur son clavier. Ses grands cernes noirs indiquaient le peu d’heures de sommeil qu’il devait avoir.


– Pour quand ?

– Le plus tôt possible.

– Il y en a un pour demain matin 6h15.

– Parfait !


Je réglais et m’en allais tremblante… heureuse. La lourdeur, que je ressentais dans mon ventre depuis quelques heures, s’était volatilisée. J’étais légère, euphorique… j’allais quitter Paris pour quelques jours. Je me fichais de ce que le notaire pouvait bien avoir à me dire. Ce n’était en rien ce qui stimulait mon voyage. J’aurai pu partir n’importe où ; même à Chichicastenango si ma mère ne s’y était pas déjà trouvée. Mais après tout, pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable ? MacDowell ne me lâcherait pas alors j’allais régler cette affaire qui ne me concernait pas, une bonne fois pour toute ! Il suffisait de prendre quelques sous-vêtements, une chemise de nuit, ma trousse de toilette, un bon livre, et ma petite palette d’aquarelle portative. Mon sac fut bouclé en quelques minutes. J’avais tout roulé minutieusement grâce à un tuto « Comment plier et ranger dans votre valise pour gagner de la place ». Comme il était minuscule, je n’aurai pas besoin de le mettre en soute. Il serait considéré comme un bagage cabine. Mon passeport était en règle. Je ne voyageais jamais or comme j’étais préventive, il était disponible « au cas où ». Il devait être 2h du matin lorsque j’eus terminé les préparatifs. Cela ne servait à rien de dormir. Je pris alors la route pour l’aéroport. Je préférais attendre là-bas plutôt que de trépigner chez moi en fixant désespérément l’horloge. Je n’avais plus qu’un seul désir contempler les creux des landes, les monts sauvages et le bleu turquin de la mer du Nord …



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8 commentaires

Marie Colençon

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Il y a 6 mois

Bonne chance pour le concours

Milie Ben

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Il y a 6 mois

C’est très gentil 🙏 à toi également si tu participes ! ☀️

Anthony Dabsal

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Il y a 6 mois

J'aime vraiment ta protagoniste :-)

Milie Ben

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Il y a 6 mois

J’en suis ravie ! Je l’aime beaucoup également 😅☺️

Anaïs MDC

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Il y a 6 mois

Bon concours à toi. 🌸😊

Milie Ben

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Il y a 6 mois

Oh c’est adorable 😘🙏🌻

Ava Montastier

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Il y a 5 mois

Let's go pour l'aventure ! 😊

Milie Ben

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Il y a 5 mois

Yes 😅🥰☀️
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