Fyctia

| Jeudi 24 Décembre |

Ce matin, c'est dans une forme olympique et de parfaite humeur que je me réveille.

J'ai dormi comme un loir et les odeurs de sucres, de cannelles et de préparation en rapport avec le repas de ce soir embaument la maison. Malgré mon désaccord de la veille avec mon père, rien ne pourra m'atteindre aujourd'hui, car toutes les conditions sont déjà réunies pour que passe une excellente journée.

Ce sentiment de bien-être et de satisfaction extrême de savoir qu'une belle journée s'offre à vous. J'adore ce sentiment et d'autant plus qu'il est largement multiplié en période de fêtes.

Je m'active à ouvrir mes grands volets, ce sont une pluie de flocons de neige gelés qui m'accueillent. Mon frère ne m'avait pas menti quand il m'a dit qu'une tempête de neige allait s'abattre sur ma jolie London.

Je profite un instant du spectacle qu'offre cette tempête pour découvrir un paysage tout de blanc. J'ai rarement eu l'occasion de voir ma ville aussi bien ensevelie sous la poudreuse qui continue de tomber. Pendant que j'observe un moment la multitude de flocons flotter dans les airs, je sors de ma rêverie lorsque j'entends Ester ricaner dans mon dos.

– Tu regardes si ton prince charmant n'est pas accroché à ta fenêtre ? - m'adresse-t-elle rieuse -

Je tourne la tête vers elle en exagérant une mine niaise à souhait et en pouffant de rire devant son imagination qui est déjà en route de bon matin.

Quelques minutes plus tard, j'enfile mon épais peignoir en molleton et nous nous attaquons à dévaler les escaliers. C'est côte à côte que nous nous dirigeons en direction de la cuisine pour déguster un avant-goût du repas de ce soir.

Aussitôt arrivées à hauteur de ma mère, nous l'embrassons simultanément en découvrant le champ de bataille. La cuisine envahie de mignardises en tous genres, sucrées, salées et ainsi que le plat principal que ma mère s'active déjà à préparer.

Chaque année je me dis que je voudrais apprendre à cuisiner comme elle et à chaque fois je me lève bien trop tard pour prendre une leçon.

– Le sommeil vaut-il plus cher que de savoir se remplir le ventre ? –

Je n'ai pas vraiment le temps de méditer à la question lorsque mon frère arrive dans mon dos en me donnant une petite tape sur l'épaule. A voir son visage rayonnant, je ne peine pas à deviner que cette ambiance de Noël le met également d'excellente humeur.

Ni une, ni deux, nous nous installons tous les trois au comptoir pour déguster quelques mignardises mises à notre disposition. Chaque année nous faisons office de juges culinaires et chaque année ma mère attend de voir nos yeux s'écarquiller de plaisir lorsque les saveurs réveillent nos palais.

Cette année nous avons droit à une déclinaison de mini parfait pistache-coco, irish-coffee et chocolat-poire-châtaigne, du côté sucré. Et pour le côté salé, c'est une déclinaison de mini saint-honoré façon forestière, mignardise aux dattes et sésame et mini panna cotta curry-poivron-coco.

Dès que nous entamons nos dégustations, c'est comme d'habitude une pluie – Mmh – et – Oh mon dieu – qui se déverse dans la cuisine.

A vrai dire, même si la présentation est toujours impeccable, je pense que la plus belle des gratitudes pour ma mère est de voir nos mines aussi surprises, qu'admiratives devant ses talents culinaires.

Nous passons un bon moment à déguster ses délicieuses préparations et à papoter de choses et d'autres tous ensemble. Ma mère nous explique, les yeux brillants, qu'elle prépare ces petites merveilles depuis plusieurs jours déjà.

Je ne peine pas à imaginer sa charge de travail lorsque j'aperçois en arrière plusieurs de ses livres de cuisine ouverts. Sans oublier la fameuse dinde de Noël qui trône sur le plan de travail, sa farce à ses côtés et tout l'attirail de légumes qui n'attendent que d'être cuisinés.

Je remarque que mon père n'est pas de la partie et ce n'est pas plus mal, après notre discussion de sourds hier soir, je n'ai pas envie de me confronter à son air réprobateur de bon matin. D'autant plus que je suis bien trop joyeuse pour réussir à sortir mes griffes pour me défendre en bonne et due forme face à lui.

Après cette mise en bouche, c'est vers 11h30 qu'Ester s'en est allé.

Avant de me quitter, c'est pendant une longue embrassade en se souhaitant chacune un joyeux Noël qu'elle m'a soufflé à l'oreille que son plus beau cadeau de Noël serait de me voir enfin profiter pleinement de ma vie. Ce, à quoi je lui ai répondu que mon plus beau cadeau serait de la voir avec l'homme incroyable qu'elle mérite. Suite à ça, elle m'a fait promettre de tout lui raconter s'il se passait quoi que ce soit entre Alexander et moi.

– Du grand Ester dans toute sa splendeur. –

C'est finalement avec beaucoup d'émotion qu'elle s'en est allée rejoindre son clan familial. Je me sens vraiment chanceuse et gratifiée d'avoir une amie aussi bienveillante qu'elle, à mes côtés.

Pendant que je m'installe au coin du feu en feuilletant le New Statesman de mon père, j'avoue ne pas avoir la concentration suffisante pour aligner plus de quatre mots. C'est un mélange d'appréhension et d'excitation qui prennent possession de mon cerveau, alors qu'une sournoise idée me vient en tête.

Habituellement, Charli et John logent chez nous après le repas car, nous avons instauré la tradition de prendre le petit déjeuner du matin de Noël ensemble en ouvrant nos cadeaux au réveil puis de passer la journée tous ensemble. Je sais aussi que d'habitude, John dort dans la chambre d'amis et que Charli dort avec moi.

Mais cette année, les cartes sont redistribuées.

Vont-ils rester ici ou vont-ils rentrer ?

Dans l'hypothèse qu'ils restent tous les trois ici, je me mets à échafauder un plan pour que je puisse passer la nuit avec Alexander sans éveiller les soupçons et surtout ceux de mon père.

Demander à Charli de dormir avec son père ? Non puisque ce serait trop flagrant et puis ça sauterait aux yeux de John qui semble être de mèche avec mon père.

Rentrer avec Alexander une fois que tout le monde est couché ? Oui mais, non. Niveau logistique, ce serait trop compliqué. Il faudrait que je sois rentrée, ni vue, ni connue avant que tout le monde ne soit réveillé, une mission impossible.

Proposer à Alexander de dormir sur le canapé ? Bof. Pour un premier accueil, ce ne serait pas très chaleureux de lui proposer de dormir sur le canapé comme un malpropre.

Alors que je m'active à réfléchir en me mordillant frénétiquement les ongles, un bruit de pas me distrait et c'est de là que mon messie est apparu en plein dans mon champ de vision.

– Je tiens ma solution miracle ! –

Tout comme un ange, c'est mon frère qui débarque dans le salon avec sa petite mine innocente.

Et par la même, ma meilleure idée machiavélique.

– Josh ! Viens par là ! - l'appelé-je légèrement pressante -