Fyctia

Coupé net, à bout de souffle et emprunt à laisser aller mon ardeur sur ses lèvres, l'ampleur du désir que je dissimule depuis bien trop longtemps allait éclater au grand jour.

J'étais prêt à faire voler en éclats toutes mes convictions, à briser mes chaînes imaginaires.

Malgré ça, c'est excédé que je mets fin à cet instant en détachant ma prise sur Anastasia et en relevant le menton. Mes yeux se posent sur l'homme qui s'approche de nous en titubant.

Il s'agit bien de Logan, sa voix rauque et railleuse est reconnaissable entre mille. C'est l'un de mes vieilles connaissances, resté ici à Dumfries.

Il nous fixe en marchant droit vers nous, je devine sa tête pleine de sombres pensées pendant qu'il détaille des yeux Anastasia. Cette vision met sous pression mon sang-froid quand je vois son expression infâme sur son visage.

– Alors mon pote, tu reviens au pays et tu ne dis rien ! - me crie Logan -

Je réprime un petit rire en pensant que je n'avais pas prévu de prévenir tout court. Les soirées avec eux se terminent toujours en traquenard mais cette fois-ci, je retiens ma franchise pour ne pas le vexer. Malgré mon énervement, je pose un sourire sur mon visage en lui adressant une accolade pour le saluer.

– Nous sommes arrivés hier avec ma collaboratrice, pour régler une affaire avec le père Douglas.

– Ah. C'est vrai. Tu es devenu le grand avocat dont tu rêvais mon pote ! - rétorque Logan entre deux hoquets -

Tandis qu'il se remet à toiser Anastasia d'un regard graveleux, je ravale péniblement ma bile.

Je scrute rapidement Anastasia qui elle, n'a pas bougé d'un pouce. Elle affiche une mine contrite en ayant croisé les bras sur sa poitrine. Je ne peine pas à comprendre dans son attitude qu'elle tente aussi de contenir sa déception du mieux qu'elle le peut.

– Tu l'as déjà baisé celle-là ? Elle me fait bander ta British. - me questionne Logan en gaélique écossais -

J'hésite un moment entre lui mettre mon poing dans le nez ou lui répondre qu'il n'est qu'un pauvre type. Contre toute attente, c'est Anastasia qui répond avant moi.

– Non. Il ne l'a pas encore baisé, celle-ci. Gros porc. - balance-t-elle avec d'une voix glaciale -

Logan se met à rire dans sa barbe et je soupire une ultime fois quand je le vois se mettre à sortir son engin à la vue de tous pour uriner au-dessus de la rambarde du pont. Son comportement m'exaspère. Il n'a aucune tenue quand il est soûl.

J'adresse un long regard désolé à Anna qui me fixe les yeux ronds.

– Oui je sais – Me dis-je en fulminant intérieurement.

C'est tout naturellement que pendant qu'il urine, qu'il se met à m'expliquer que plusieurs amis de mon ancienne bande – les vrais – sont à deux pas d'ici. Connaissant le loubard, c'était prévisible qu'il commence à me supplier pour que je finisse la soirée avec eux.

– Evidemment –

Même si je n'en ai pas vraiment envie, Logan me sors ses meilleurs arguments en me faisant culpabiliser de les avoir abandonnés en partant à Londres. Selon lui, une petite bière entre amis ne changera rien à demain. Et à force de persuasion, je finis par accepter sa proposition mais à la condition de ne boire qu'une seule bière.

Une seule.

C'est ainsi que nous nous mettons à rebrousser chemin.

Je me mords la langue en sachant d'avance que ce n'est certainement pas de cette façon-là que j'aurais voulu terminer la soirée. Jusqu'ici, j'ai pris soin de rassurer visuellement Anastasia, mais désormais, je l'observe me suivre d'un pas las.

– Ils ne sont pas tous aussi bourrus que Logan, rassure-toi... - finis-je par lui confier -

Elle n'a pas l'air convaincue lorsqu'elle se résigne en haussant les épaules.

– Je pense que c'est mieux que je rentre à l'hôtel. Je vais appeler un Uber, je suis vraiment fatiguée et...

– Mais non, viens. Tu ne peux pas rentrer comme ça, et puis... Tu verras ce sera sympa, l'ambiance dans les pubs Ecossais est cool. - poursuivis-je en lui coupant la parole en souriant -

Elle finit par hocher doucement de la tête sceptique après être restée un long moment silencieuse comme pour peser le pour et le contre. Même si elle ne m'adresse pas sa mine la plus radieuse, je me décide à poser une main dans son dos pour l'accompagner.

Je sais qu'elle est déçue, je le suis aussi.

Je sais aussi que je vais craquer, ce n'est plus qu'une question de temps maintenant.

L'échéance n'est plus très loin, que ce soit ce soir ou plus tard, rien ne presse pour l'heure.

__

Après quelques mètres supplémentaires nous arrivons devant le The Cavens Arms.

Evidemment, c'était et c'est toujours le lieu de ralliement.

Aussitôt rentrés à l'intérieur, je redécouvre mon ancien QG. Le pub baigne toujours dans son jus des années 70. Pris entre de grandes accolades, je découvre un bon nombre de visages familiers. Parmi eux, Eliott, mon plus ancien et toujours plus proche ami. Il y a aussi Scott, Harry et Lewis, trois excellents amis. Nous nous saluons tous chaleureusement, heureux de nos retrouvailles surprises.

J'observe Anastasia qui semble s'être détendue au fil du temps. La scène est saisissante, tant elle est d'une beauté incroyable dans sa petite robe noire. Elle est tellement raffinée par rapport à l'endroit que ça détonne.

Je prends le temps de la scruter dans sa splendeur. Ses longues boucles blondes, presque rousses, brillent à chacun de ses mouvements et malgré la faible luminosité, ses yeux verts émeraude restent extraordinairement perçants. Elle ne peine pas à exciter mes sens lorsqu'elle laisse apercevoir par-dessus ses longues cuissardes, ses jolies cuisses.

Pendant que je reste béat à l'observer, saluer mes amis et leurs petites amies, je ne trompe personne. Même pas, elle, qui finit par trouver mon regard.

C'est évident comme le nez au milieu du visage.

Elle m'a ensorcelé.

Pour la première fois depuis quelques années, je n'ai pas envie de prendre mes jambes à mon cou quand je ressens tout l'effet qu'elle me fait.

En vérité, même si mon cœur a tendance à battre plus vite en sa présence, ce n'est pas lui qui manifeste le plus de sentiments. C'est mon cerveau qui lui, tombe doucement amoureux.

Je sors de ma rêverie lorsque Eliott et Lewis viennent s'attaquer à mon cas. Avant de détacher mon regard d'Anna pour me consacrer à mes amis, je constate qu'elle discute avec les petites amies des garçons et qu'elle semble à l'aise.

– Qui l'eût cru qu'une petite British ferait battre ton cœur de pierre ! - débute Eliott avec un large sourire -

Nous nous mettons à rire pendant que je leur raconte notre rencontre, mon comportement machiste, tous mes sauts d'humeurs et tout ce qu'il nous oppose. Alors qu'ils m'écoutent malicieusement, à voir leurs mines, ils semblent avoir une idée en tête pendant qu'ils me fixent tous les deux avec un air bien trop complice pour être innocents.

– Même pas en rêve les gars ! Je ne me ridiculiserais pas. - lancé-je rieur -

– Oh que si ! C'est le rite de passage obligatoire mon gars ! - rétorque Lewis -