Fyctia

Depuis notre départ, je n'ai toujours pas osé ouvrir la bouche.

Tout un tas d'émotions et de réflexions submergent mes pensées.

J'ai envie de le maudire de réussir à contrôler aussi facilement mes pensées et mes émotions.

Tantôt de glace en refroidissant mes ardeurs.

Tantôt de feu pour enfiévrer ma chaire et mon âme.

Au début ça m'amusait ce jeu du chat et de la souris, mais maintenant que j'ai compris qu'entre nous deux, que celui qui contrôlait, c'était lui, je n'ai plus envie de jouer. Aucun homme avant lui ne m'avait fait espérer tant et en même temps si peu de choses.

Quoique, ces temps-ci il souffle davantage le chaud.

C'est plutôt paradoxal comme réflexion.

__

Je suis tirée du tumulte de mes pensées lorsque sa voix retentit dans l'habitacle de la jaguar.

– Ça te dérange si nous passons par Covent Garden ? Il faudrait que je m'arrête faire quelques courses.

– Non, non. Aucun souci.

Il bifurque immédiatement en direction du quartier après mon accord. Le regard fixé dans le vide, je me décide à écrire un pavé long comme le bras à Ester. Je lui explique ces dernières heures en insistant particulièrement sur le passage avec Alexander.

Elle ne tarde pas à me répondre avec son entrain débordant.

• - Ester - 16h01 : Attends, tu me dis qu'il t'emmène à Covent là ? Ma parole, il est en train de proposer ton premier date !
• - Ester - 16h03 : Anna, maintenant tu m'écoutes ! Je te le dis depuis le début, il craque pour toi ce mec. Il joue à l'homme inaccessible pour se donner un genre mais je mettrais ma main à couper qu'il est dingue de toi. Et arrête de vouloir te donner bonne conscience avec ton histoire de cabinet !
• - Ester - 16h04 : Fait moi le plaisir de le cuisiner sur-le-champ quand il va te proposer de prendre un café !
• - Ester - 16h04 : Et tu me tiens au courant hein ! Bisous ma poulette !

Je me mets à rire silencieusement devant mon écran.

Elle n'a peut-être pas tort.

Après tout, le marché couvert de Covent Garden est bien l'un des endroits les plus mignons de Londres. Néanmoins, au risque d'être déçue, je ne me fais pas un – énième – plan sur la comète.

Quelques minutes plus tard nous arrivons à proximité du marché de Covent et après un rapide tour dans les rues adjacentes, il se gare. Nous sortons simultanément du petit bolide, et nous nous mettons en marche vers le marché.

Nous entrons dans le grand marché couvert qui a revêtu son habit de Noël. Cette année l'endroit est décoré par d'énormes boules de Noël argentées, de grosses feuilles de houx et par de petits anges suspendus au toit. L'endroit est tellement mythique à cette période, qu'il est quasiment toujours occupé par les badauds qui s'activent à trouver les dernières idées de cadeaux pour les fêtes.

J'emboite le pas à Alexander qui me précède, il semble parfaitement savoir où se diriger. Nous passons devant les grandes enseignes puis arrivons devant le célèbre torréfacteur Whittard of Chelsea. La boutique émet des effluves de café et de cacao qui ravissent mon odorat. - Le paradis sur terre. -

Alexander m'explique être venu pour ramener le meilleur chocolat et le meilleur thé de Londres à sa mère. Son implication pour lui faire plaisir m'attendris, quelle jolie attention.

Nous dégustons les chocolats les plus fins et sentons une tonne de thés plus alléchants les uns que les autres. Durant nos dégustations, Alexander n'hésite pas à solliciter mon avis pour orienter son choix. C'est finalement après une bonne demi-heure - et un indice glycémique dans le sang qui bat des records - que nous repartons de la jolie petite boutique.

A peine sortis du magasin, nous marchons tous les deux d'un pas engourdi. J'ai comme l'impression qu'aucun de nous deux souhaite mettre un terme à notre sortie.

Enfin, pour mon plus grand plaisir, je l'observe se tourner vers moi.

– On s'arrête prendre un café ? - finit-il par m'adresser complice -

Une petite voix me dit qu'Ester avait raison.

– Avec plaisir. Viens, je vais te montrer le plus bel endroit de Covent !

Arrivés à la sortie du marché, j'entraine Alexander avec moi vers un petit bar qui possède une terrasse en hauteur. Conduit par un serveur, nous atteignons la terrasse et trouvons une petite table donnant vue sur la place.

L'endroit est décoré pour les fêtes et la place centrale met en valeur un immense sapin illuminé par de jolies guirlandes vertes et rouges.

Nous passons un moment à contempler le lieu qui baigne dans un brouhaha ambiant. Etre là, tous les deux dans cette ambiance plutôt feutrée donne davantage l'impression à une entrevue romantique, qu'à autre chose.

Je lui laisse plusieurs minutes avant que je ne me décide à entamer la conversation.

J'ai la ferme intention d'en apprendre plus sur l'énigmatique Alexander.

– C'est plutôt sympa comme endroit pour un premier date, non ? - débuté-je en beauté, rieuse -

Je sens que je l'ai piqué lorsqu'il se met à rire doucement. Il secoue doucement la tête en se passant sa main dans les cheveux.

– Un premier date ? - me lance-t-il avec un sourcil arqué et un sourire de biais -

– Ouais ! Je suis certaine que tu emmènes tes conquêtes dans ce genre d'endroit, non ?

– Non, pas vraiment. C'est charmant, mais trop romantique pour une première rencontre. - me dit-il pendant qu'il allume sa cigarette - Tu en veux une ?

J'accepte sa proposition et allume à mon tour ma cigarette.

– Dis-moi, depuis tout à l'heure je me pose une question. Pourquoi tu as choisi de te mettre Tinder ? Ce n'est pas trop ton truc ce genre de site, si ? - m'interroge-t-il -

Je hausse doucement les épaules en triturant mes doigts.

Comment pourrais-je lui dire qu'il est à l'origine de cette initiative ?

– Non, c'est sur que c'est une première... - dis-je en expirant la fumée - Mais, une chose est sur, c'est que ce n'est pas au cabinet que je risque de rencontrer quelqu'un. Et puis... Je trouve ça fun de tester mon potentiel de séduction aussi...

Ma réponse n'a pas l'air de lui plaire à voir ses sourcils se froncer pendant qu'il me jauge.

De mon côté, mon sang est précisément en train de bouillir dans mes veines pendant que je tente d'afficher une parfaite décontraction de façade.

– Tester ton potentiel de séduction... - poursuit-il en soupirant incrédule - Et alors, ton charme a fait effet ?

– Je n'en ai aucune idée... Je me suis inscrite hier ! - rétorqué-je avec insouciance -

– Ah ! D'accord, je vois, tu es vraiment novice ! - me lance-t-il avec un léger rictus -

Son visage prend une nouvelle lueur, affichant ses grandes iris dilatées pétillantes de malice. Un large sourire étire ses lèvres pendant qu'il me fixe en tapotant d'impatience sur la table.

Avant même qu'il n'ait ouvert la bouche, je sens déjà son piège se refermer sur moi.

– Puisque tu débutes, j'ai bien envie de jouer à un petit jeu avec toi !