Fyctia

| Jeudi 17 Décembre - 8h56 |

C'est encore d'une humeur massacrante que je me réveille.

J'ai passé une bonne partie de la nuit à rêvasser d'Alexander.

Ca me met sur les nerfs.

J'ai l'impression que plus je me force à l'oublier et plus mon cerveau s'applique à faire tout le contraire.

C'est un peu comme une gangrène vous voyez ?

Ca commence avec une petite infection, ce n'est rien donc pas besoin de s'inquiéter.

Puis ça prend de l'ampleur, les amis le font remarquer – ça ressemble à une gangrène ça – disent-ils. Mais non, il n'y toujours pas de raison de s'inquiéter.

Jusqu'au jour où ta jambe est rongée par cette foutue gangrène et que tu te rends compte qu'il est trop tard !

Alexander est ma gangrène à moi.

Ma métaphore gangréneuse m'arrache un sourire. C'est un peu sordide comme comparaison, mais dans l'idée, c'est pareil.

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Prise d'une drôle d'énergie, je me décide à enfiler un jogging, un gros sweat, mes baskets et je pars pour un petit footing matinal.

Je m'attaque à faire le tour de mon quartier, je longe les différentes rues autour de chez moi et passe même faire un petit détour par Hyde Park.

De retour chez moi, je me sens à présent, bien plus apaisée qu'au réveil.

Le soleil étant de la partie, j'en profite pour aller m'étirer dans le parc juste en face de chez moi. Quelques minutes plus tard, j'entre dans le joli petit parc baigné par le soleil mettant en valeur ce joyau à deux pas de chez moi. Tandis que je marche dans la grande allée faisant face à une statue, une silhouette me semble étrangement familière.

Devinez qui est là, tranquillement installé sur un banc, lunette de soleil sur le nez. – Ma gangrène favorite –

– Je ne te pensais pas si sportive Anastasia. - m'adresse-t-il taquin -

– Je ne te pensais pas si lève-tôt Alexander. - rétorqué-je sur le même ton -

– Justement. C'est Mr Douglas qui m'a tiré du lit, il veut fixer le rendez-vous le mardi 22 décembre. Je pense que nous devrions partir samedi, histoire d'avoir le temps de nous préparer pour le lundi. Qu'en penses-tu ?

Je digère cette dernière information.

J'avais oublié pendant quelques minutes cette histoire de déplacement, en tête à tête, avec lui.

– D'accord. Oui. C'est parfait, départ samedi alors.

– On se voit demain au cabinet pour préparer notre départ ?

Je réponds favorablement d'un simple hochement de tête tout en pivotant sur moi-même. Je lui adresse un drôle de geste pour dire au revoir qui ne ressemble à rien.

J'ai honte.

J'ai honte qu'il m'ait scruté de la tête aux pieds dans cette affreuse tenue. Si j'avais un peu de sex appeal à ses yeux, là je suis certaine que je suis à 0 sur l'échelle de richter de la sexitude.

Et la gangrène progresse inexorablement.

Il m'a déjà coupé une jambe, la deuxième commence à nécroser.

Si je ne fais pas attention, c'est bientôt cul-de-jatte que je vais finir avec ces conneries !

Au risque de passer pour une folle, je me mets à rire seule en imaginant la scène. - C'est peut-être mignon une femme qui est devenue cul-de-jatte par amour, non ? -

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Un peu échaudée mais pas démotivée, c'est Ester qui arrive cette après-midi pour m'inscrire sur Tinder et elle n'aurait raté pour rien au monde ce moment historique où je suis rentrée dans l'ère de l'amour 2.0.

Avant son arrivée, j'ai passé un temps monstre en cuisine à confectionner des scones à la crème et à la cannelle. Pas très light, mais délicieux !

Quelques minutes plus tard elle arrive. Elle grimace un peu en voyant ma terrible tenue. - Toujours vêtue de mon vieux jogging. -

Qu'importe, elle rentre et découvre les sucreries que j'ai préparé. C'est presque dans un élan hystérique qu'elle se jette dessus. Après s'être enfilé un, deux, puis trois scones, son cerveau semble reprendre le contrôle.

– Tes scones sont incroyables, c'est dingue ! Mais bon, trêve de plaisanterie, on a du pain sur la planche ma cocotte ! - m'ordonne-t-elle gaiement -

Nous nous installons dans le salon et je dégaine mon arme de guerre - mon Iphone - pour débuter cette séance.

Ester commence à m'expliquer le fonctionnement de l'application qui est en réalité bien plus complexe que je ne le pensais. Elle rentre dans une histoire l'algorithme que je dois visiblement respecter et elle me dicte les règles à suivre avec un air vraiment sérieux.

– Bon, déjà, pour commencer tu dois mettre trois belles photos de toi. La première photo est déterminante ! Donc on va les choisir ensemble parce que je te connais par cœur ! Je t'interdis formellement de mettre tes photos d'avocate coincée hein !

Dès le début, nous nous chicanons sur le choix des photos. Elle m'incite à mettre en avant tous mes atouts. Moi, je veux tout le contraire. Et après avoir passé une quantité industrielle de selfies, j'ai terminé par trouver mes trois fameuses perles rares, qui par miracle, sont validées par mon amie.

– Bon maintenant, fais moi une belle présentation !

– Un truc genre : Bonjour, je m'appelle Anna, j'ai 23 ans, je suis avocate d'affaires...

– Non, non, non ! Enlève moi ça tout de suite ! - me lance-t-elle hilare - T'es pas à un entretien d'embauche, écris quelque chose de concis mais cool et laisse une part de mystère aussi ! - poursuit-elle en ricanant -

Je ris de bon cœur avec mon amie qui sait mieux que quiconque que la spontanéité n'est effectivement pas ma qualité première. Je réfléchis plusieurs minutes avant de reprendre mon sérieux pour trouver une description à mon image.

– Alors, j'ai écrit : « Hello, avocate d'affaires à Londres, si tu veux décrocher un rendez-vous avec moi, pas besoin de trop en faire, il te suffit de trouver mon article préféré du code civil et on pourra négocier. Et sinon j'aime aussi la Reine, l'art et surtout bien manger ! ». Ca va, ça ? - lancé-je à mon amie qui me fait déjà les gros yeux en riant -

– Bon, on va dire que oui, sinon on n'est pas sorti des ronces ! - poursuit-elle en plaisantant -

Chapeauté par mon amie, nous nous attaquons à valider mon profil. - Ok c'est fait, je suis sur le marché à présent. - Elle poursuit ses explications en se dressant face à moi, l'index en l'air.

– Maintenant, retiens ces deux règles d'or. Pour être visible tu dois te connecter tous les jours mais par contre attention, tu ne dois pas liker à tout prix Anna !

Compris chef.

Elle s'installe sur mon épaule pour me faire une démo. Swipe à gauche c'est non. Swipe à droit c'est oui. Après ça, elle m'explique que lorsque je swipe en faveur d'un homme, il reçoit une notification et décide d'y répondre favorablement ou non. Si c'est favorable, j'ai donc un match.

Elle m'explique que c'est là que les choses deviennent intéressantes. J'ingère les informations au fur et à mesure pendant qu'elle continue de me donner quelques explications.

Après ça, nous avons passé le reste de l'après-midi sur cette application alternant fous-rires et surprises tout dégustant nos scones. Je découvrais cette, soit disante mine d'or avec elle.