Fyctia

Un quart d'heure plus tard, Charli me presse pour descendre à la station de London Bridge. Sans avoir besoin de le concerter, je sais déjà où nous allons.

A cette période de l'année, c'est ici que se trouve l'un des plus beaux marchés de Noël.

A peine sorti du Tube, nous gagnons rapidement les quais longeant le London Bridge et en quelques minutes nous arrivons sur le grand marché de Noël. J'avoue que son idée est simplement parfaite. Une bonne dose de douceur, c'est tout ce dont j'avais besoin, maintenant.

Des petits chalets sont disposés ici et là, joyeusement décorés aux couleurs de Noël. Leurs occupants s'activent à promouvoir leurs produits. Certains vendent des babioles pendant que d'autres nous allèchent en mettant sous notre nez de grosses pommes d'amour.

Des sapins jonchent les allées en venant donner une atmosphère enchanteresse au lieu. Le clou du spectacle se trouve en plein centre du marché, il s'agit de l'incontournable carrousel qui trône ici depuis des années, avec son style venant tout droit des années 70, c'est le rite de passage obligatoire pour tous les Londoniens de naissance.

Tandis que les yeux de Charli se braquent sur le carrousel que nous admirons, une drôle de lueur émane de ses grandes iris. - Je sais déjà à quoi il pense, c'est non. -

-Non, Charli ! - anticipé-je en riant aux éclats devant son air malicieux -

-Aller Anna ! Ca fait quoi ? Au moins 10 ans qu'on n'a pas fait un tour de carrousel, viens ! - me dit-il en me trainant par le bras -

-Même pas en rêve !

-Aller, arrête de faire ta rabat-joie, ça va être drôle !

Sans vraiment avoir le temps de faire ou de dire quoi que ce soit, il me traîne jusqu'au guichet et prend deux places. - La dame a-t-elle bien compris que c'était nous ? Je n'en suis pas certaine. - Comme la chance est avec nous, le tour de carrousel se termine pile au moment où nous partons du guichet.

Toujours tirée par mon ami, nous prenons place sur deux petits chevaux. - Dans mes souvenirs, ils étaient plus impressionnant que ça me dis-je riant. - Le tour débute sous la petite musique de Noël diffusé par le manège et je ne manque pas de remarquer les regards réprobateurs des mères qui accompagnent leurs enfants.

Qu'à cela ne tienne, Charli se met à faire le pitre accroché à son petit cheval et la scène me fait pouffer de rire. Les regards des badauds deviennent de plus en plus accusateurs à chaque tour et pour cause, Charli s'en donne à cœur joie pour amuser la galerie. L'avantage est qu'il fait mourir de rire les enfants et moi aussi au passage. Finalement, je passe un agréable moment en effectuant un petit retour en enfance, me faisant regagner mon insouciance d'autre fois pendant quelques minutes.

Après notre tour de manège et de longs fous rire ensemble nous finissons par une longue promenade dans les allées du marché, et c'est Charli qui cède à la tentation en premier. Il se laisse allécher par l'une de ses grosses pommes d'amour, et évidemment, étant une amie au soutien indéfectible, je craque aussi pour cette sucrerie.

Nous trouvons un petit banc pas trop enneigé sur lequel s'installer pour déguster notre remontant sucré.

Je prends un dernier croc dans ma pomme et je me tourne vers mon ami.

-Mission réussie ! - lui lancé-je en souriant -

-C'est le carrousel ça. Je le savais que ça marcherais à coups sûrs !

-Tu as vu la tête de la mère qui nous fixait ! Ses yeux lui sont presque sortis de la tête ! - nous nous mettons à rire aux éclats en chœur en visualisant la scène -

Nous continuons à épiloguer encore un moment au sujet de cette femme jusqu'à ce qu'il se remette à neiger de plus belle sur la ville.

Alors que nous prenons la direction du métro, je n'ai pas envie de clore de si tôt notre soirée. Pendant que nous marchons, je me souviens qu'Ester m'avait conseillé un petit pub se trouvant dans cette partie de la ville. J'informe Charli que c'est à mon tour de prendre en main le programme de la soirée et il ne se fait pas prier pour se laisser guider.

Un rapide check sur mon téléphone et je retrouve le fameux Pub. Nous prenons la direction du George Inn, et quelques minutes plus tard nous y arrivons.

Un immense comptoir nous accueille, et je découvre l'atmosphère intérieure. Les murs sont en bois, les tables sont anciennes et limées par les pintes, de grandes banquettes marrons semblent nous appeler et de petites guirlandes avec le drapeau du Royaume-Uni sont pendues au plafond. Pas de doute, ici l'âme du lieu est authentiquement British.

Installés à une petite table, une charmante serveuse vient prendre notre commande. Ce sera une Guinness brune pour Mr et une bière au gingembre pour moi.

-Alors, est-ce que j'ai gagné le droit de savoir ce qu'il te tracassait ce soir ? - me questionne Charli -

Il me fixe avec ses grandes iris noisette et je sais qu'il meurt d'envie de tout savoir. Pour le moment, je me contente de hausser doucement mes épaules en buvant une gorgée de ma bière.

-Plein de choses... Le boulot, notre dossier, peut-être bien un futur déplacement avant les fêtes...

-Et Alexander ? - me dit-il en surenchérissant -

Cette fois-ci je me tais et je hoche fébrilement de la tête en signe d'affirmation avant qu'il ne reprenne.

-Ecoute Anna, je ne sais pas ce qu'il se passe entre vous mais... Peut être que si vous appreniez à faire connaissance, vous seriez amis.

-Non. Nous ne serons jamais amis Charli. Ca crève les yeux, non ? - retorqué-je sur la défensive -

-Ah, pour une fois, je suis d'accord avec toi ! Si ça crève les yeux, alors, qu'est-ce que vous attendez ?

Je reste stupéfaite un moment pendant que je sais parfaitement où il veut en venir. Tandis que je reprends une grande gorgée de bière en tenant mon verre à deux mains, les mots me manquent quand je m'aperçois que Charli me fixe.

-Tu sais que c'est trop compliqué, avec le cabinet et tout... Une histoire comme ça, c'est bancal et ça mettrait en péril notre avenir, mon avenir.

-Et bien, puisque toute ta vie tourne autour de ce cabinet, fait ta vie avec, marie toi avec, et puis fait des enfants avec aussi ! Tu mets un point d'honneur à être digne de ce que ton père veut que tu sois, mais tu n'es pas fatiguée de jouer à ce jeu Anna ?

Cette fois-ci, je reste muette pendant que Charli termine sa bière d'un seul trait.

Il a raison, je suis dévouée à mon père, dévouée à ce cabinet, tellement dévouée que je me suis oubliée dans tout ça. Sans prendre en compte Alexander, ceci fait des années que je me suis mise des barrières à tous les niveaux et surtout au niveau sentimental.

Pensive, je termine ma bière et nous partons.

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Nous marchons silencieusement jusqu'à la bouche de métro, les paroles de Charli résonnent encore dans ma tête.

Même si la soirée ne s'est pas terminé de façon aussi festive que je ne l'avais imaginé, j'avais peut-être besoin de cet électrochoc pour ôter le voile que j'avais devant les yeux depuis bien trop longtemps.