Fyctia
Le confinement
En mars 2020, la désormais culte « crise COVID » frappait le pays.
T’en souviens tu ?
Nous étions « en guerre », bouclés à la maison.
Plus de travail, plus d’école, plus de vie, que des masques et de l’isolement.
Chaque soir nous entendions le nombre de décès, chaque soir on nous parlait de dépressions chez la jeunesse, des conséquences dramatiques qu’elles auraient.
Nous avons éteint la télévision pour nous épargner cette affligeante dramaturgie.
Toi, tu exultais !
Quel soulagement pour toi d'être juste en famille, sans aucune possibilité de sortie, personne à fréquenter, pas de prof, de trajet, de camarade de classe.
Je crois ne t’avoir jamais vu aussi heureux qu’à cette époque là.
Nous jouions à des jeux de société, Nous faisons de la peinture, des photographies, nous passions beaucoup de temps dans le jardin au bord de la rivière.
Alors qu’en moins d’une semaine ta sœur tournait comme un lion en cage toi tu aurais voulu que ça dure toujours.
Même si cela m’amusait, quelque part ton bonheur et ta profonde sérénité liés à cette privation de liberté m’interrogeait.
Quand le monde entier vivait un drame, toi tu semblais te sentir protégé.
Mais à l’époque, j’étais terrifiée à l’idée que ta grand-mère attrape le Covid. On ne savait rien de cette maladie. On m’avait juste briefé sur le fait que le moindre rhume pouvait la tuer alors cette maladie étrange dont on ne savait rien…
J’ai eu beau la supplier, elle n’a pas souhaité passer le confinement chez nous.
"Si je l’attrape, et que par malheur c’est par vous, vous ne vous le pardonnerez jamais."
Je lui amenais donc ses courses une fois par semaine, sans l’embrasser, en gardant une distance.
Je lis encore le chagrin dans son regard de me voir lui déposer des sacs sans même lui effleurer la joue.
La solitude est un poison.
Et le cancer est un vicieux.
On baisse la garde quelques secondes et il en profite pour grossir, grossir jusqu’à vous dévorer tout entier.
Je culpabilisais à mort de ne pas réussir à raisonner ta grand-mère, alors je me contentais de ton bonheur du moment en me disant que ma foi , après tout, pourquoi chercher des problèmes où il n’y en a pas ?
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