Vinnie Catz Tu voyais juste la vie en bleu Le déconfinement

Le déconfinement

Nous avons passé un peu plus de deux mois en vase clos, un moment suspendu dans le temps.

C’est horrible à dire, mais nous avons été profondément heureux à ce moment-là.

Nous avons savouré le bonheur du temps qui s’arrête. Nous étions comme seuls au monde dans un décor de paix absolue.


Nous n’imaginions pas alors que ce temps de pause ne serait que le calme avant la tempête et que le bonheur nous tournerait le dos pour de longs mois.


Le jeudi 7 mai, Edouard Philippe , alors Premier ministre, nous annonçait le déconfinement tant attendu de nombreux français .


Le vendredi 15, Maman entrait à l’hôpital sans que je puisse l’y accompagner, ni la prendre dans mes bras, ni l’embrasser, sans même savoir si je la reverrai un jour.


« Ca va aller mon cœur, ne t’en fais pas, j’ai juste trop mal au ventre, je préfère être hospitalisée »

Non , maman, je n’étais pas dupe, si toi , phobique de l’hôpital , tu y allais de ton propre chef, c’est que ça n’allait pas bien. Je le savais.


Le personnel soignant a géré la crise comme il a pu, loin de moi l’idée de le juger, mais objectivement, je suis, à l’époque , tombée sur de véritables pourritures.


Ca parait aberrant aujourd’hui , mais durant le « confinement », aucun malade n’était en droit d’être assisté pour peu qu’il tienne debout un minimum. Je n’ai donc rien su de son rendez vous trimestriel avec l’oncologue.


« le traitement ne répond plus trop, on envisage un autre protocole, mais moi je ne veux pas hein, ça fait deux ans qu’il me sauve la vie. Je suis contente , j’ai convaincue l’onco de me le laisser »


Voilà tout ce que j’en ai su.

Je n’ai pas cherché à approfondir, elle était évasive, et je n’étais pas prête, alors je n’ai pas cherché…


Pendant son hospitalisation je l’avais au téléphone dix fois par jour.


Là encore, elle était évasive sur son état.

Elle, de nature si bavarde, ne lâchait rien.

J’ai appelé l’hôpital, de nombreuses fois. Personne n’était capable de me parler de ta grand-mère, personne jusqu’à cette horrible bonne femme.


-Bon, écoutez, tant qu’on vous empêche de la voir, soyez satisfaite, le jour où je vous autoriserai à venir c’est que ce sera la fin.


Je l’aurais étranglé de mes mains si je l’avais eu face à moi. Protégée derrière son téléphone et son anonymat, elle s’est défoulée ce jour là, et moi je suis allée prendre une douche pour vomir ma colère et mon chagrin loin de vos oreilles inquiètes.


Elle a passé un mois à l’hôpital, privée de ses filles, de ses petits-enfants, de son chien, de son chat, et nous, privés de vraies nouvelles quant à son état.


On m’a annoncé sa sortie mi-juin, froidement et c’est là que j’ai découvert les raisons de son hospitalisation


-Votre mère sort lundi 15 juin, pouvez-vous venir la chercher ?


-Biensur , mais quelqu’un va t’il enfin me dire ce qui s’est passé ? (En tant que personne de confiance il avait été décidé dès le départ que rien ne me serait épargné mais que du coup, on ne me laisserait pas dans l’incertitude)


-Occlusion intestinale, logique dans son état, c’est de ça qu’on part avec ce cancer là.


Oui oui, c’est bien du personnel médical qui nous parlait comme ça, qui me parlait comme ça de celle à qui je devais la vie. Je n’aimais déjà pas l’hôpital, on me faisait haïr les soignants.


J’ai appelé ta grand-mère sur le champs.


-Je vais venir te chercher , maman, tien encore quelques jours, tu seras bientôt à la maison.

Elle était aux anges et m’a même concédé de l’héberger quelques jours le temps d’être sur pieds.


Quand mardi 12 juin vers minuit le téléphone a sonné, mon cœur s’est figé.


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