Fyctia

Toutes les mères sont-elles comme moi ?

Ma plus grande angoisse au sujet de mes enfants, c’est qu’ils se retrouvent seuls .

J’ai passé l’été de ton changement d’école à te briefer sur la meilleure façon de te faire des copains.

Quand j’y repense aujourd’hui, je me dis que c’était absurde, que ça a dû générer en toi une terrible angoisse.

Le premier midi de ton premier jour tu m’as sauté dans les bras .

Tu es d’ailleurs le seul enfant que je connaisse à être sorti de l’école et du collège jusqu’en 4e en te jetant dans mes bras et en hurlant « Maman » comme le ferait un petit enfant.

Quand je te demandais si ça ne te gênait pas vis-à-vis des autres enfants , tu ouvrais de grandes billes hallucinées et me répondait simplement « ben non tu es ma maman, on en a tous une »

Cette petite phrase m’a si longtemps réchauffer le cœur.

Ce premier midi, donc, tu es rentré victorieux à la maison.

-Je me suis fait un copain , et c’est moi qui suis allé l’aborder.

-C’est vrai ?

-Oui, je t’avais promis.

-Je suis très fière de toi ! Alors qu’a-t-il ce petit garçon ? Pourquoi l’as-tu choisi ?

-Il était tout seul, il me ressemblait. Je lui ai demandé si je pouvais rester avec lui. Il a dit oui.

AH ! TOM !

S’il savait comme je lui suis reconnaissante ! Il n’imagine pas une seconde à quel point il nous a été précieux. A quel point sa simple présence dans ta vie a aidé à te guérir.

Le soir même tu as donc tenu à me montrer ce petit Tom.

J’ai été saisie !

Il te ressemblait tellement

Pas nécessairement physiquement, bien que vous étiez tous deux de petits blondinets de taille et de style similaire.

Mais son attitude a immédiatement attiré mon attention.

Il avait ce regard brillant et fuyant que je ne te connais que trop bien, cette forme d’humilité maladive dans le geste que je ne connaissais qu’à toi.

Tom est vite devenu ton essentiel. J’ai aussitôt copiné avec sa maman sautant sur l’occasion de te lier enfin .

Tom avait un frère jumeau avec lequel il ne s’entendait pas très bien.

Tom était un petit garçon éminemment intelligent, renfermé, taiseux, tandis que son frère Noé était un petit garçon plein de vie, excessivement dynamique et un brin obsessionnel.

Ils s’aimaient autant qu’ils se détestaient.

Toi tu aimais les deux, différemment mais tu les appréciais tous les deux.

Tu te reconnaissais en Tom, tu étais avec lui profondément serein, quand Noé lui t’égayait et t’amusait .

Tom avait un langage un peu châtié.

Alors que chez n’importe qui d’autre cela t’insupportait et te rebutait, chez lui tu en faisais abstraction.

Tom a été ton grand complice toute ta fin de primaire.

Quand sa maman m’a annoncé en fin de cycle qu’ils quittaient la région, ça m’a déchiré le cœur une nouvelle fois.

Tom et toi ne vous êtes jamais revus, jamais donné de nouvelle, alors que j’ai, moi, gardé contact avec sa maman.

Ton détachement au passé m’a toujours étonnée, moi qui suis née nostalgique.

Tom , tout comme Matthis, Clément ou d’autres, est rangé à présent dans ton passé.

Quand je te demande s’ils te manquent, ta réponse est invariablement la même.

C’était un bout de passé, c’est tout, tu leur souhaites d’être heureux mais savoir ce qu’ils deviennent t’indiffère.

Parfois je me demande si un jour tu tourneras les talons me reléguant à mon tour dans une bulle du passé.

C’est idiot, je le sais. Pourtant depuis toujours, la peur de te perdre me tenaille.

Je n’ai jamais éprouvé cela pour tes sœurs.

J’espère me tromper.