Fyctia

C’est curieux tu sais.

Quand un enfant est malade, que l’école nous le signale, on va chez le médecin. Parfois on fait des analyses, on obtient un résultat, puis on gère le diagnostic.

Mais quand le mal dont on souffre n’est pas un virus, chacun y va de son petit avis et d’un coup le diagnostic du médecin est remis en cause par les maigres connaissances de l’oncle du voisin de la cousine qui a connu un type qu’on disait surdoué et qui en fait était juste très con.

J’en souris évidemment mais tu n’imagines pas les inepties que j’ai pu entendre.

Tu n’avais pas encore passé les tests que, ou bien les gens étaient eux même haut potentiel, ou bien tu ne pouvais absolument pas l’être ou bien ah oui « surdoué », c’est le nouveau mot pour enfant roi, non ?

Parce que c’est une spécificité qui fait fantasmer à tort.

Parce que le cinéma et la littérature représentent cette différence par des bêtes de foire.

Parce que j’ai la bêtise d’être un livre ouvert et de ne jamais pouvoir garder pour moi ce qui hante mes nuits et pèse sur mon cœur.

J’ai eu une longue discussion avec ta mamie à ce sujet. Elle m’a remémoré cet épisode de notre vie dont nous avions peu fait cas.

Entre autres choses, j’ai appris à lire seule très jeune, j’avais des centres d’intérêt curieux ainsi que des passions morbides.

C’est en début de Cp que mon enseignante s’est enquis de cette différence estimant qu’il serait bon d’accélérer le programme pour lutter contre l’ennui.

A l’époque, les rendez vous médicaux et ce genre de test se faisaient à l’école, par, je l’imagine, le psy de l’éducation nationale.

Je n’en ai aucun souvenir.

Ta grand-mère, pensant à mon bien, au fait que je ne supportais pas les changements, que j’avais déjà du mal à me lier d’amitié et qu’il serait finalement plus simple d’être excellente dans une classe moyenne que moyenne dans une classe supérieure a refusé catégoriquement.

La vie s’est enchainée et nous n’en avons rien fait.

Comme tu le sais, bien que brillante élève, j’ai claqué la porte de l’école à dix huit ans, à la consternation générale. Je me souviens encore du principal du lycée me suppliant de ne pas faire cette bêtise.

J’y repense parfois.

Ma vie serait-elle meilleure si j’avais fait les longues études auxquelles je me préparais ?

Non, je ne le crois pas.

J’aurais, c’est sûr, une belle carrière qui m’obsèderait et prendrait tout mon temps mais, dans mon for intérieur, j’en suis certaine, je serais passée à coté de ma vie.

Pour les gens qui te connaissaient vraiment, il n’y eut pas de surprise. Après tout ça expliquerait bien des choses. Le discours de ta psy paraissait cohérent.

Ton papa s’en remettait un peu à moi mais était d’avis que ce test était une bonne chose.

Moi, je doutais beaucoup, mais lâchement j’ai suivi l’avis général.

Et puis de toutes façons, sans résultat, l’école ne nous aurait pas lâché.

A l’école justement, ton institutrice, d’ordinaire plutôt bienveillante a levé les yeux aux ciels.

-Madame, ma fille a appris à lire à 4 ans, ça ne fait pas d’elle ni une surdouée ni une enfant turbulente.

-Je vous fais juste part du premier bilan du psy que vous m’avez demandé d’aller voir !

Encore une fois j’étais coupable.

Du moins, je le vivais comme ça.

C’est là que j’ai compris (et oui que veux tu , je suis longue à la détente) que ce qu’espérait l’école c’est qu’on me dise que tes problèmes venaient de mon éducation .

Ca contrariait leur plan. Et même les plus bienveillants d’entre eux se sont retournés contre nous, et malheureusement contre toi, si tant est qu’ils ne l’étaient pas déjà.

Tu as passé les tests deux semaines plus tard.

Tu as trouvé ça drôle.

Les résultats sont tombés quarante huit heures après me semble t’il.

C’était sans appel.

La psy avait visé juste.

Je garderai pour moi le « chiffre », tout ce que j’en dirai c’est qu’aux dires de la psy il est significativement élevé et que tu raisonnerais comme 0.5 pour cent de la population.

C’est donc armée d’un bilan détaillé que ta psy a demandé en urgence une réunion pédagogique exceptionnelle à ton école.