Fyctia
Je les ai laissé faire
J’ai peu de remords ni de regrets dans la vie.
J’ai tendance à regarder devant plutôt que derrière.
A viser le soleil plutôt que m’attarder sur les jours de pluie.
Mais je crois que je porterai pour toujours la culpabilité d’avoir été complice de maltraitance.
Tu ne t’en souviens pas, me dis, tu.
Moi, si.
Mon cœur de maman est marqué au fer rouge à l’idée de ce que j’ai pu accepter.
La réunion pédagogique s’est tenue dans les dix jours, et dès l’arrivée de ta psy, nous étions dans l’ambiance. Regards fuyants, bouches pincées, bonjour du bout des lèvres.
Encore une fois, j’avais le sentiment de me rendre au tribunal, condamnée à parler à la partie adverse.
Heureusement que nous devions travailler « main dans la main »
Ton avocat, ta psy je veux dire, commence son plaidoyer.
Elle détaille le test, l’explique posément point par point, sous le regard outré de la directrice, de ta maitresse et de la scribouillarde qui a fait , pour l'occasion, son grand retour.
S’en suit un échange hallucinant entre les deux psys, l’une remettant en cause les diplômes de l’autre.
Ta psy finit par s’énerver.
-Vous vous plaignez d’un élève ! Vous demandez à ses parents de prendre rendez vous chez un psy. Ils l’ont fait dès le lendemain. Que vouliez-vous de plus ? Et maintenant qu’en moins d’un mois ils ont fait tout ce que vous leur avez demandé, le résultat ne vous convient pas ! Je travaille avec de nombreuses écoles, je n’ai jamais vu ça ! Quoi qu’il en soit, la seule chose qui devrait compter est le bien être de Donovan ! Pour moi il a besoin de faire deux années en une . Etes vous en capacité de vous adapter ?
La directrice boue, je le sens mais ne dit mot, et comme tu le sais qui ne dit mot, consent .
Ta maitresse prend la parole.
-Je veux bien tout ce que vous voulez mais à mon avis vous faites erreur. Cet enfant n’a rien d’exceptionnel.
Ca me fait mal, si mal d’entendre tout ça.
Bien sûr que tu es exceptionnel, pas du fait de ton qi, mais parce que tu es toi, mon fils, mon garçon adoré . Les voir se battre sur ton cas comme des chiffonniers me brise le coeur littéralement.
Mais je reste muette, interdite devant cette nauséabonde pugilat.
Il est convenu que dès le lundi suivant tu devras rattraper l’année de CP.
Nous sommes en mai.
Tu as un mois pour faire tes preuves, à l’issue duquel tu passeras des tests pour savoir s’ils te laissent passer directement en ce1.
Tu vas perdre tes copains, être projeté dans une classe que tu ne connais pas, contre l’avis général du corps enseignant.
J’aurais dû tout arrêter.
Je pouvais encore le faire.
Je me suis tue, résignée.
Complètement perdue, incapable de savoir ce qui serait bon ou non pour toi.
Nous avons passé le week end à te briefer.
Tu t’es montré ravi de tout ce changement.
Enfin tu allais apprendre.
Enfin tu aurais un but le matin.
Ta réaction m’a un peu pansé le cœur.
C’était sans compter ce qui t’attendait vraiment.
Dès le lundi matin , tu te retrouvais séparé de ta classe, sur un petit bureau seul face à un mur.
Tu en étais comme exclus.
Seul, à longueur de journée avec des dizaines de fiches.
Les larmes me montent encore aux yeux en repensant à ce bureau devant la porte, loin de tes copains, face à ce mur blanc.
Je n’ai rien dit.
Je lais ai laissé faire.
Moi d’habitude si rebelle, comment ai-je pu les laisser te faire ça ?
Le soir tu es rentré.
Tu avais un grand sourire.
- j’y arrive trop bien maman, c’est trop chouette !
- Mais ça ne t’ennuie pas d’être tout seul toute la journée ?
-Ben non, je travaille.
Tu étais heureux c’est vrai.
Apparemment tu ne vivais pas mal cet apartheid immonde.
En deux semaines , tu savais lire.
Au bout d’un mois tu as obtenu la meilleure note des Cp aux tests de fin d’année.
Du bout des lèvres, ta maitresse m’a annoncé tes résultats et ton passage en CE1.
Le plus dur était derrière nous, n’est ce pas ?
10 commentaires
nofaceuser
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Il y a 8 mois
Véronique Rivat
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Il y a 8 mois
Vinnie Catz
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Irma Ladousse
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Vinnie Catz
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Lys Bruma
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Il y a 8 mois
Vinnie Catz
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Il y a 8 mois