Fyctia

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu un fils.

Un garçon que j’aimerai plus que tout et qui m’aimerait tout autant.

Il faut dire que j’avais pas mal comptabilisé de déboires avec le sexe opposé.

Né d’un père abandonnique, sœur de demis frères indifférents, amie de garçons qui auraient souhaité un peu plus, le sexe dit fort m’a très tôt peu inspiré confiance.

Alors parfois, dans l’espoir fou de mon adolescence, je rêvais de toi, de ce petit bout d’homme qui me réconcilierait un jour avec "l’alpha".

Avant même de me projeter amoureuse, je me projetais en tant que ta maman.

J’idéalisais ce lien si fort et précieux que nous ne manquerions pas de tisser jour après jour.

J’avais vingt-cinq ans, lorsque tu es venu te loger au creux de moi.

C’était un jour de pluie, un deux mai, qu’une gynéco peu sympathique m’a annoncé que tu étais un garçon.

Trois ans après ma fille ainée, j’avais le choix du roi bien qu’à l’envers.

Je me suis sentie privilégiée comme jamais ce jour-là, forte de ce petit être qui grandissait et que j’imaginais déjà si fidèle à mes rêves d’antan.

Ta sœur était aux anges.

Elle aussi t’avait rêvé depuis l’annonce de ta nidification.

Elle voulait un petit frère, il ne pourrait pas en être autrement.

C’est en janvier, en plein cœur de l’hiver, qu’après quelques heures de souffrance, tu as poussé ton premier cri.

Je ne vais pas te le cacher, il s’est fait attendre.

Tu avais, dès ta première seconde, un humour un peu douteux.

Tu es né tout bleu.

Tu as refusé de crier pour me rassurer.

J’ai vu, en une seconde, notre chambre se remplir de médecins et d’infirmières trop affairés sur toi pour prendre le temps de me rassurer.

Trouvant que la plaisanterie avait assez duré, tu as fini par lâcher le cri tant attendu.

C’est à ce même moment qu’ils ont enfin laissé ton papa nous rejoindre.

Une arrivée au monde chaotique, comme annonciatrice d’une vie tumultueuse.