Aurélie.Lily Tout ira bien Chapitre 1 (partie 2)

Chapitre 1 (partie 2)

Si Émilie fit son possible, Magali dut terminer seule d'ajuster son corsage. Une sonnerie imitant un air de guitare populaire eut raison de ses plus louables intentions.

La comptable s'était précipitée, identifiant son interlocuteur grâce à la mélodie qu'elle lui avait attribué. Nicolas, qui après avoir essayé de joindre sa dulcinée, employait une voie détournée. Il exécrait l'absence de succès !

La fiancée leva les yeux au ciel. Pas d'inquiétude à avoir !

Elle allait venir, elle avait promis.

Tout laissait supposer qu'Émilie ne tarderait pas à lui passer le téléphone, mais celle-ci, prolongeant la discussion avec son patron, partit s'accouder au mur opposé, en vue de délivrer le contenu de sa matinée. Et tout ce qu'elle avait eu l'honneur de faire, pour la promise de cet homme qu'elle espérait impressionner.


Son amie décida de lui offrir l'intimité qu'elle souhaitait avoir, en prétextant l'urgence d'une pause. Magali allait sortir, prendre l'air, marcher, et cela ferait le plus grand bien.

La sicilienne allait ordonner son esprit, et reprendre la maîtrise de sa vie. Ce n'était pas un petit rituel chétif et vide de sens qui la pousserait à reculer.

S'engouffrant dans le couloir, elle ne tarda pas à rejoindre le toit. L'escalier débouchait sur un passage à ciel ouvert, en ce dernier étage. Une vue dégagée sur la partie ouest de la capitale l'encercla, les vents étreignirent son corps de part en part, en le revigorant, transportant déjà la jeune femme vers l'avant ; toutefois Magali refusa de s'aventurer plus loin.

Elle risquerait de salir la blancheur de sa dentelle voilée, de déchirer sa traîne sur une aspérité.

Personne ne devrait voir la mariée, avant le futur marié. Cela paraissait logique.


Et surtout, Nicolas serait fâché, s'il apprenait qu'elle s'était baladée.

L'italienne pestait. Elle vendrait son âme pour une bouffée d'air pur, et pourrait tuer pour une cigarette. Elle s'accouda à la balustrade ornant les escaliers de fer, se pencha au-dessus du vide. Ce néant constituait l'illustration de la béance qui la remplissait. Magali s'en retourna vers l'espace confiné d'où elle provenait.

La mariée ne pouvait pas courir le risque de déclencher l'alarme, moins encore de sentir le tabac, plus tard, en embrassant son mari, ou ses hôtes.

En bref, avoir l'imprudence de se comporter comme à l'accoutumée. Rien qu'aujourd'hui, elle ferait les choses avec dignité et sérieux.


Rien qu'aujourd'hui, c'était sa promesse. Sa promesse cruciale et secrète, envers elle-même.

Des promesses, Magali en avait fait un grand nombre ; elle allait en faire une nouvelle. La plus importante de toutes, prétendait-on.

Pourtant, elle n'était pas du genre à faire des promesses.

Le monde faisait tant de promesses que cela ne voulait plus rien dire.

Des promesses faites à l'emporte-pièce, la plupart du temps. Les promesses signifiaient au mieux, une intention passagère, sincère à un moment bien particulier.

À se demander pourquoi elle avait accepté, et fini par admettre l'idée de cette mascarade.


Une seule personne aurait pu lui donner la force d'y croire, peut-être, à son serment.

Oui. Probablement qu'elle aurait été honnête en se promettant à cet homme. Heureuse de se relier à lui. Mais cet individu, ce spécimen masculin doué pour illuminer les jours de ses pairs, et qui la faisait rêver, ce n'était pas Nicolas.

Le rêve était une chose, la réalité toute autre. Magali savait cela.

Pour résumer sa pensée autour du sujet, le mariage se définissait par un espoir impalpable que l'on s'acharnait à matérialiser. Idéaliste. Trop pour elle, qui venait tout juste, il y a peu, de vivre dans sa chair, la preuve, que le partage avait ses limites ; et la passion, menait à une fusion, qui n'amenait nulle part.

Ce mariage, Magali y avait consenti par nonchalance, pour apparaître agréable, fiable ; parce qu'elle avait senti que cela comptait grandement pour Nicolas.

Inexplicable d'ailleurs, que cet être qui lui ressemblait sur tant de points, ait pu ressentir l'envie, le désir, le besoin de prononcer des vœux. D'unir sa vie à la sienne, de les guider vers un serment prononcé en costumes ridicules ; comme si un rite d'officialisation suffirait à figer l'instant, et empêcher la débâcle.

Qu'il posséderait une sorte de capacité à les canaliser, en somme, ou un pouvoir d'influence sur leurs destinées.

Nicolas s'était autorisé à y croire, apparemment. Et voir dans cette union le signe d'un profond changement.

Mieux valait ne pas penser dans le détail, ne pas philosopher à outrance, si elle voulait avoir la force d'aller jusqu'au bout de ses projets.

Ce mariage, Magali l'avait accepté par... Amour ! Cela devait être le mot qui convenait. Le mot à employer, et elle s'en tiendrait là.


Magali reprit ses esprits, traça quelques pas, puis s'arrêta devant l'imposante sculpture composée de plantes diverses qui ornait avec élégance le corridor déserté.

La jeune femme en toucha les feuilles ; elle aimait le contact, et la compagnie des végétaux, plus que celle des humains. Les arbres ne mentaient pas.

Entravée dans ses gestes, la mariée fixa son attention sur ses ongles manucurés, l'œil médusé. Garantis « effet naturel », et nonobstant, les artifices de sorcière scotchés par le fils de son ami Daniel, le soir d'Halloween, lui avait fait une impression similaire. La fiancée mesura combien elle allait prendre plaisir à s'en défaire, après l'office.

Pour l'heure, elle allait devoir prendre son mal en patience.


En conclusion, l'italienne croisa son reflet par hasard, dans le miroir de l'ascenseur, dont les portes firent le choix de s'ouvrir face à elle, presque par accident.

Et c'était vrai, qu'elle était belle ! Elle était même resplendissante. Une femme rayonnante dans une robe étincelante. Cela correspondait du moins, à ce qu'elle en aurait pensé, si ce n'était pas elle qu'elle avait aperçue.

Si cette image avait été celle d'une autre, cette rebelle parfois très assombrie aurait su l'apprécier, l'estimer à une toute autre valeur.


L'homme sortant de l'ascenseur se dressa juste devant elle, s'apprêtant à demander son chemin. Il s'était trompé d'étage. Cette partie ne contenait que trois chambres, et toutes avaient été réservées par Nicolas, en vue de privatiser les lieux.

Prête à le renseigner, la future mariée souleva les yeux avec lenteur, en débutant par la veste à l'étoffe précieuse qu'il portait, et reconnut aussitôt l'alignement parfait de ces dents.

Elle n'osa plus croiser le regard brun, qui tentait d'accrocher le sien.

Sous la pression qui l'avait assaillie, Magali hésita entre s'effondrer sur le sol, ou sauter par-dessus de la rambarde.

C'était Lui.


- Quelle précision remarquable ! Sourit-il. On croirait que tu m'attendais !

Magali trembla.

Jean suggéra qu'ils devraient regagner un lieu clos. Magali suivit avec docilité, bien qu'elle eut à indiquer le chemin.



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