Aurélie.Lily Tout ira bien Chapitre 1

Chapitre 1

Aujourd'hui s'annonce triste,

Aujourd'hui, je me marie.


Aujourd'hui je souris,

Dès demain, je sortirai de l'utopie ;

Car après tout, je me marie !


Magali avait griffonné ces quelques mots à la hâte, sur un fragment de papier ramassé au hasard d'un tiroir.

La mariée relut ses mots. Un manque flagrant d'inspiration, pour exprimer un sentiment qu'elle ressentait si présent, et restait enclavée en elle. Impossible de l'en déloger, elle n'arrivait plus, à coucher ses pensées pour les réaligner. Ces vers n'étaient que des simulacres de rimes, sans la moindre poésie. Cela correspondait à la musique de son âme.

Afin de s'assurer qu'il ne tombe pas entre de mauvaises mains, l'italienne s'empressa de chiffonner son brouillon, puis le projeter dans la corbeille qui se dressait à ses pieds. C'était comme une prière. Elle confiait au sort, le soin de la rendre heureuse.

Tout irait bien, si elle se défaisait de l'empreinte de son passé et qu'elle allait de l'avant.

- Alors ? Tu m'ouvres ? La pressa une voix provenant de l'extérieur.

Émilie Deslandes, intruse survoltée par l'événement, tambourinant contre la porte scellée. La comptable de l'entreprise dans laquelle œuvrait le futur marié.

- J'enfile mon corsage !

Ce n'était pas vrai, elle l'avait déjà placé. Dès l'aube, pour être plus sûre.

Comme si s'engoncer dans un corset pouvait contenir sa gêne, et drainer son mal-être. Contraindre son indécision à déserter sa raison.

Cela avait fonctionné. Magali se trouvait un air redoutable, dans son déshabillé. L'allure d'une étrangère, elle avait forcé le trait. Lingerie fine et bas. Son soupirant allait être content. Du moins, elle l'espérait. Bon gré mal gré, elle y avait travaillé, à se rendre présentable.


Ainsi, avant la fin de cette journée, elle serait mariée. La femme de quelqu'un. L'élu survivant à l'apocalypse qui l'avait traversée. Un homme et un seul, pour l'éternité.

Bien que tout cela illustra l'antithèse de ses désirs, cette idée l'apaisa, en la visualisant.

La réussite d'un mariage se mesurait dans le temps. Or, en ce qui les concernait, il s'agirait d'une autarcie. Les tourtereaux n'avaient aucune famille, et n'auraient aucun enfant.

Est-ce que Nico saurait entendre, à quel point elle pouvait être opposée à la maternité ?

Qu'importe ! C'était illimité. Terrifiant. Ouvert, en un mot, l'espace de possibilités qui s'offrait à eux.

- Tu ne veux pas que je t'aide ? S'inquiéta la brunette.

- Non, ça ira ! S'écria Magali en ramassant ses cheveux dans un chignon qu'elle fixa à l'aide d'un bâtonnet en bois.


- Merci, tu es d'une aide précieuse ! Prononça la future mariée lorsqu'elle fit tourner le verrou.

- Waouh !! Fit la brune aux fines lunettes carrées. Alors là ! C'est certain que...

- Quoi ? S'étonna Magali, anxieuse d'avoir omis un détail capital.

- C'est certain que tu es un vrai canon !

Pour Émilie, cette réunion prénuptiale s'annonçait pénible à supporter.

Cette fille possédait une chevelure souple et ondulée, un être hors du commun voulait se relier à elle, et puis elle était taillée comme une gravure de mode.

De plus, la comptable, qui voyait souvent son amie se dissimuler sous des vêtements informes, découvrait que la fiancée avait l'air très à l'aise, en matière de mise en exergue de sa féminité.

Ce n'était pas étonnant qu'elle épousât ce séduisant patron que la comptable chérissait déjà tant. Mais cela rappelait à Émilie que le train de sa vie de femme passait sur un quai sur lequel elle ne se trouvait pas.

Émilie avait trente-deux ans, des cheveux filasses, personne dans sa vie depuis trois longues années, les épaules carrées et des hanches aussi réduites que l'embouchure d'un flacon, selon ses propres convictions. De fait, elle avait beau fournir de gros efforts, elle ne dégageait pas, ce qu'elle aurait tant voulu inspirer aux hommes.

- Merci ! Prononça l’intéressée sans comprendre la raison de cet élan.

Magali songea que c'était son rouge à lèvres, si bien posé, avec un contour dessiné au crayon, qui plaisait à Émilie. Ou bien la manucure. Cela tenait au maquillage. Car pour le reste, elle n'avait encore rien fait.


- Oh c'est pas vrai ! T'en es que là ? Grogna son amie. Allez dépêche-toi ! Il faut qu'on t'habille ! Qu'on te coiffe mieux que ça !

- Il nous reste au moins deux heures ! Je ne vais pas m'habiller maintenant ! Tu crois que je peux utiliser le verre qui est là ? Enchaîna-t-elle en désignant un récipient dont l'opacité témoignait de la propreté douteuse.

Émilie extirpa de son sac à main une fine pochette d'où elle fit apparaître une bouteille d'eau qu'elle déboucha sous les yeux de sa compagne déshydratée. Magali but, reconnaissante.

La mariée n'aurait pas refusé une bière, ou une vodka, or ce n'était pas au menu.

- C'est bien ce que je te dis ! Remue-toi ! S'agaça la petite brune dont la patience n'était pas le trait de caractère dominant.

Magali rit, puis se releva pour partir en quête de ses bagages, dans l'espoir de dénicher un chewing-gum. Elle avait envie de mastiquer, besoin de reprendre le contrôle de sa destinée.

Cette fiancée de la dernière heure avait peur. La mariée avait des doutes. Elle déballa avec fracas l'ensemble de ses affaires en culbutant le contenu de son sac sur le couvre-lit.

Émilie observa avec précaution cette forme de mouvement d'humeur.

- Hum pardon ! Corrigea la comptable. Je pense qu'il ne faudrait pas risquer d'arriver en retard. Ce ne sera pas possible de faire attendre M. Thomas. Ni le reste des invités. Il y aura beaucoup de monde. Une quantité de gens importants pour l'entreprise. Il faut que tout se passe bien !

L'italienne ne comprit pas la raison de ce changement d'attitude. Est-ce qu'elle donnait l'impression d'être le genre de femmes à qui il faudrait faire des politesses ?

- Oh ! Comment tu veux faire tenir un voile sur une coiffure aussi simple ? Désespéra sa compère en tirant sur la brindille de bois.

Les cheveux noirs épais retombèrent en cascade, libérés de leur entrave. Avec le temps, ils se mettaient à onduler. Et Magali préférait, parce qu'Eva n'avait pas les cheveux bouclés.

S'évader. Se sentir différente de sa mère. Voilà ce qui lui importait en ce jour.

Et même s'il n'y entendait rien - précisément parce qu'il ne comprenait rien à rien - Nicolas savait l'y aider.

La sicilienne se détourna du miroir qui la pourchassait et désigna la robe d'un signe de tête.

- Cesse de te plaindre, et aide-moi à enfiler cet engin !

- Cet engin... c'est... Une pure merveille ! Rectifia Émilie étonnée par ce manque d'emphase.

Il y avait si peu d'entrain chez cette mariée que c'en devenait insolite. Émilie se plongea dans une intense réflexion, visant à déterminer si elle devait bousculer son amie.

Le rire tonitruant de son acolyte, se moquant des yeux éberlués qu'elle déposait sur sa robe, la ramena définitivement à la réalité.


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5 commentaires

Jonaka

-

Il y a 2 ans

On rentre direct dans l'histoire ! La première phrase est vraiment forte !

anna.rd

-

Il y a 2 ans

Petit coup de pouce 🥰

Aurélie.Lily

-

Il y a 2 ans

merci 😊💕
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