Fyctia
By the river ~Jae
Ain kelfa
Ma curiosité est attisée par l’attitude de Madjib. Son refus, de toucher à mon amulette, réveille quelques soupçons en moi. L’objet est un minuscule cylindre fait d’un mélange d’argile et d’herbe magique à la vertu protectrice, le tout enveloppé dans un cuir épais, pour repousser les esprits du mal.
—Bien. Il n'y a pas eu de manquement de notre part. C’est vous qui avez demandé, puis refusé ce cadeau, fais-je à voix haute, pour prendre l’assistance en témoin.
Le général acquiesce. Je le surveille le reste de la soirée, jusqu’à l’arrivée de notre relève. Lui aussi semble me tenir à l’œil. Nous laissons notre poste au groupe qui vient de poindre.
Les soldats sont répartis en trois troupes, logés dans des campements diffèrent pour couvrir tout le royaume. Il y avait les hommes en charge de la sécurité du palais, installés au centre, disposant de tout le confort que la ville peut offrir. Ils logeaient dans un hôtel, et patrouillent en voiture dans les rues, nuit et jours.
Une seconde troupe est placée dans le sud, où commence le dessert. Les conditions sont moins bonnes de ce côté. Les soldats séjournent dans un grand immeuble inachevé, avec des tentes et des sacs de couchage. Le réseau y passe moins bien, et le transport est assuré par des bus collectifs, qui font des allés-retours entre le centre et leur résidence.
Le dernier groupe, le nôtre, est nomade. On se déplace dans le dessert. Avançant vers les montagnes, pour retrouver les barbares dans leurs tanières. Aussi, nous sommes chargés du strict minimum pour le voyage. Nos voitures blindées transportent l’artillerie, la nourriture, l’eau, l’essence, en plus de nos tentes, ainsi que l’équipement médical.
Le grand dessert d’Aïn Kelfa est entouré par des reliefs importants, les sommets forment un demi-cercle en bordure du royaume. Une chaîne de montagnes allant du Nord-Est au Sud-Ouest. En dix jours de voyage, nous n’avons pas croisé un seul être humain dans cette zone hostile. La carte du royaume en main, nous nous installons aux pieds des montagnes et inspectons les lieux en escaladant et fouillant les caves et les grottes pouvant servir de retraite, aussi bien que les rares forêts aux alentours. Quand nous constatons qu’il n’y a rien à signaler, nous continuons notre route et reprenons le même manège devant. Nous avons ainsi couvert un tiers de l’étendue à inspecter. Cette tâche mesquine est confiée à trois cent hommes, dont cents-vingt Azbardiens. Le reste de nos soldats viendront en renfort en cas de besoins.
Depuis deux jours, nous campons dans la vallée de Roundaya, non loin d’une rivière, du même nom.
La nuit est avancée, quand mon frère et moi retournons à notre tente commune. Une fois seul avec Aké, je lui confie mes suspicions sur Madjib.
—N’as-tu rien ressenti à la présence du général ? Je ne saurais pas l’expliquer clairement, mais l’homme m’inquiète.
—Jae, tu es paranoïaque. Je peux t’assurer que c’est un homme tout à fait correct. Il est un peu apeuré, ce qui est normal dans cette situation, rétorque -t-il.
—Hmm. Je maintiens l’idée que les barbares ont des membres infiltrés aux sein même de notre armée.
—Et d’après toi, Madjib serait du nombre de ces espions ?
—Je n’écarte aucune possibilité. Il est très bien placé pour commettre des meurtres, en catimini sans attirer l’attention. Tu ne trouves pas étrange qu’il soit le seul à retrouver les corps des soldats mystérieusement assassinés ?
—Je dois avouer que lui et nous deux, sommes au-dessus de tout soupçon. Mais tu auras beau établir des hypothèses dans tous les sens, il n'y a aucune preuve tangible de ce que tu avances.
—Il faut trouver un moyen de le démasquer.
Aké éclate de rire. Il se moque ouvertement de moi.
—Tu es embarqué dans une psychose. Avec un raisonnement tortueux et des doutes infondés, que veux tu faire au juste ?
—Un zar. Je veux voir le général passer le rituel. On aura le cœur net avec cela.
—Quoi ?
—Je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre pour le convaincre mais…
—Non , je veux dire … Un zar ? Qu’est-ce donc ?
—Arrête de me chambrer Aké. Tu sais bien.
Une lueur contrariée traverse son regard. Mon frère est tellement investi dans les rituels religieux que je ne doute pas une seule seconde qu’il sait exactement de quoi je parle. Il veut sans doute me pousser à détailler mon projet de vive voix, pour en voir le ridicule. Oui, je souhaite exorciser le général ! Je ne trouve pas cela si choquant. D’habitude, Aké est plus sensible à tout ce qui touche les esprits. Madjib lui a bien retourné le cerveau pour qu’il renonce si facilement à le tester. Ils sont devenus amis dès le premier jour et passent le plus clair de leur temps ensemble. Cela m’aurait rendu jaloux en temps normal, que quelqu’un d’autre soit aussi proche de mon frère. Mais, j’ai mes propres occupations et préfère de loin rester en compagnie de l’équipe médicale.
—Fais ce que bon te semble, Jae. Moi, je vais me baigner. Tu viens ?
—À cette heure-ci ? Je suis mort de fatigue ! Tu devrais l’être aussi. Descendre à la rivière, non merci.
—Paresseux, va. L’eau est plus douce maintenant. J’y vais !
— Fais-toi accompagner. Reviens en un morceau, d’accord.
Il s’éloigne sans répondre. Ni été mon épuisement profond, je l’aurais bien accompagné. Au lieu de cela, je croule sur mon matelas et m’endors aussitôt.
À peine plongé dans les bras de Morphée, un rêve lucide m’accueille. J’y vois mon frère, se débâtant contre quelqu’un, dans l’eau de la rivière. La personne essaie vaillamment de le noyer. Il l’empêche de ressortir sa tête à la surface. Aké peine à respirer, ses mains deviennent de plus en plus molles et son corps finit par se détendre et couler vers le fond. L’assaillant se redresse et je découvre le visage de Madjib, souriant.
En sueur, je me réveille aussitôt en sursaut.
—Aké !
Ma voix inquiétée résonne dans le vide. Il n’est pas encore revenu. Ce n’est qu’un rêve, mais je ne peux retourner à mon sommeil. La crainte me ronge à présent. Il me faut m’assurer que mon jeune frère va bien. Je soupire, m’étire et enfile ma longue tunique de prière pour sortir.
Accompagnée par deux soldats, je me rends au bord de l’eau. Mes yeux s’habituant à l’obscurité, je distingue rapidement trois corps flottants à la surface de l’eau. Le cœur tambourinant, je reste figé un moment, ne pouvant admettre ce qui se passait sous mes yeux. Il me semble être toujours dans mon rêve.
—Aké, hurlé-je, en sautant dans l’eau, pour récupérer un des corps.
Les deux soldats font sortir les autres cadavres. Je retourne chacun d’eux et constate avec soulagement que mon frère n’est pas parmi eux. Tout de même, nous venons encore de perdre des hommes. Je me demande si on aurait pu les sauver en arrivant un peu plutôt. Je ressens l’urgence d’agir. Il faut au plus vite découvrir qui sont les traîtres derrière ces coups macabres. Aussi, je dois retrouver mon frère.
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Alec Krynn
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Il y a 5 ans
Luna-Bella-Me
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Il y a 5 ans
Marie-Eve Tries
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Eugénie Dielens
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Sylvio
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Véronique Rivat
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