Fyctia
Talk to me~Araya
Le coach réprimande le jeune à son tour, puis me fait signe de le suivre. Il s’arrête dans une petite pièce lui servant de bureau. Un ordre impeccable règne dans ses affaires. Les piles de documents sont classées par couleurs sur la table, les objets sont placés dans une symétrie parfaite dans toute la pièce. Il s’assoit sur une chaise derrière son bureau et m’invite à prendre place en face. Un tableau dans son dos, affiche des photos alignés. Elles semblent disposer à distance égales les unes des autres.
—Je tenais juste à vous remercier. Hanna doit m’attendre, je ne vais pas tarder, signifié-je, en restant debout.
Sur un porte-nom, je lus son patronyme : Mr Eperly.
— Tutoie-moi s’il te plaît. C’est plus sympa. Le vouvoiement me stresse, m’avoue-t-il.
—Entendu coach. Ce sera tout ?
—Non. Je n’aime pas me mêler de ce qui ne me regarde pas…Mais je le fais tout le temps, monologue –t-il. Je crois qu’Hanna n’est pas la seule dépressive de votre famille. Il y a cette même tristesse dans ton regard, ton habillement reflète l’état de ton âme. Je me trompe ? Vous avez traversé le même enfer, me paraît –t-il.
Il décortique encore ma personne de la tête aux pieds, provoquant chez moi un sentiment de malaise. Je me tape le front et soupire bruyamment pour marquer mon exaspération. Comment peut-on déduire l’humeur d’une personne par son apparence seule ? Il ne me connaît même pas, ne sait pas mon nom, mais croit deviner ce qui se passe au fond de moi.
—Quand bien même cela serait vrai, je n’en parlerai qu’avec mes proches. C'est un sujet bien délicat, vous ne trouvez pas ?
—Vous, vous, vous…Tu vas me rendre fou, fait-il, riant doucement.
—Eh bien ‘tu’, si cela vous chante…Te chante.
—C’est quoi ton petit nom déjà ?
—Ara…
—Ara, je veux juste aider, me coupe –t-il. Je sais que vous êtes nouveau dans le coin. Chicago est une grande ville, difficile de s’y faire des amis, alors si tu veux rencontrer du monde, découvrir les bons coins, je suis ton homme. Et je connais plein de boutiques où on vend de jolies fringues. Hanna aussi a besoin de sortir un peu, il y a pas mal d'endroit que je peux vous conseiller.
Je le vois gribouiller dans ce qui me semble être un agenda et remarque malgré moi, qu’il est gaucher. Comme Jae. À part ce détail, les deux hommes n’ont rien en commun. Mr Eperly est énergique et grand, à la carrure imposante, alors que Jae est svelte et élégant, toujours gracieux dans ses mouvements. L’un est un athlète musclé, l’autre un prince charmant.
Le coach prend une règle et l’utilise pour découper un bout de papier de l’agenda.
—Je croyais que vous n’étiez pas un homme facile, fais-je quand il me tend son numéro sur la feuille.
—Ara vouvoie-moi encore, je te tues-toi, me menace –t-il du doigt.
Son jeu de mots terrible me fait rire. Il en sourit. Je le dévisage un instant. Les gens que je croise dans ce pays n’ont jamais le temps de s’intéresser à quelqu’un d’autre. Ils sont toujours pressés, courant derrière mille choses à la fois. Il est différent. Mon regard traîne un peu sur les photos. Plusieurs d’entre eux représentent une fillette, d’environ six ans. Mr Eperly et une jeune dame apparaissent à ses côtés sur quelques-uns de ces clichés. Un surtout me plaît particulièrement plus. Un trophée de basket brandit vers le ciel, elle est assise sur l’épaule du coach, un sourire énorme aux lèvres. Je détourne les yeux des images de sa femme et de son enfant sans doute, pour ne pas paraître trop curieuse.
—Tu as une jolie famille, complimenté-je. Ta fille est magnifique.
Son sourire disparaît aussitôt. Son visage se renferme sans raison apparente. Il tire un sac de sport de sous la table, en sort une serviette et se lève de sa chaise sans me regarder. Il ne brise le silence que pour me congédier poliment. Ai-je fait ou dit quelque chose de mal ?
—Mr Eperly, je suis…
—Dylan, murmure -t-il. Monsieur machin chose, ça fait vieux.
Ses yeux reprennent leur lueur amusée et il s’éloigne me laissant sur le pas de la porte. Sans tarder, je sors des vestiaires et retrouve Hanna. On traverse tout le lycée et le parking sans un mot. Dans la voiture, elle met ses écouteurs, s’enfonce dans le siège et ferme les yeux attendant que je démarre. Je suis déterminée à briser la glace entre nous ce soir même. Où tout du moins entamer, avec une petite fissure. À mes risques et périls, je lui enlève doucement son téléphone de la main et arrête la musique.
La tête de ma petite sœur tourne lentement dans ma direction, ses yeux fatigués me fixent avec incompréhensions.
—Il faut qu’on parle Hanna. Ça ne peut plus continuer. Tu ne peux pas m’en vouloir ainsi pour le restant de tes jours, entamé-je doucement soupesant mes mots.
L’adolescente regarde devant elle par la pare-brise. Sa figure jadis ouverte et franche ne laisse rien paraître à présent.
—Je n’ai pas besoin de te rappeler combien je t’aime. Ni tout ce que je suis prête à faire pour toi. Si tu savais combien je regrette tout ceci entre nous… Mais il n’y a pas de retour en arrière possible. On doit continuer d’avancer. Je suis désolé, Hanna. De t’avoir arraché à ta vie d’Azbar. Je sais que ce n’était pas le paradis, mais c’était chez nous. Tu y avais des amis, des souvenirs, des habitudes et tellement plus d’amour. Là-bas, tout le monde s’entraide, on formait cette grande famille qui se serre les coudes pour que personne ne dorme le ventre vide. On était heureux, même sans grand-chose. La solidarité qui nous liait me manque terriblement. J’ai tout bouleversé par la stupidité de mon amo…mes actes.
Il m’a rendu sotte. J’ai cru que notre histoire allait bien se terminer, alors qu’il n’y avait aucune possibilité de fin heureuse. Je ferme les yeux, ressassant dans ma tête toutes les promesses qu’il avait faites. Qu’on c’était fait. Mes moments de bonheur me manquent. Quand je repense à notre douce folie, je tressaillis. C’était tellement merveilleux d’être avec lui et oublier tout le reste. Juste nous, nos cœurs qui se répondent, nos âmes qui s’accrochent l’une à l’autre. En vérité, nous savions tous les deux que la réalité allait nous rattraper. Mais c’était si bon de rêver ensemble. Erreur, péché, quel que soit le nom que les autres donnent à notre relation, elle n’en restait pas moins délicieuse. Chaque jour, heurs, minutes on s’aimait un peu plus. Sans pouvoir, sans vouloir s’arrêter. C’est atroce comme rien de tout ceci ne subsiste plus que dans mon esprit. Comme si j’avais tout inventé. Je n’ai nulle part où me réfugier contre la solitude qui a débarqué dans mon cœur après lui. La seule chose qui m’aide à tenir le coup est ma famille. Pour eux, je vais me remettre, me reconstruire et oublier Jae.
Cette résolution, je l’avais pris depuis cinq mois maintenant, pourtant, je n’ai pas encore réussi à arracher de mon cou le collier qu’il m’a offert. Mon cœur est en feu, chaque fois que j’essaie d’une main tremblante de m’en débarrasser. Je ne sais pas quand, ni comment, mais j’y arriverais un jour.
18 commentaires
Alec Krynn
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Il y a 5 ans
Marie-Eve Tries
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Il y a 5 ans
Luna-Bella-Me
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Il y a 5 ans
quelquesmotsd'amour
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Il y a 5 ans
Luna-Bella-Me
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Il y a 5 ans
Véronique Rivat
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Il y a 5 ans
Luna-Bella-Me
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Il y a 5 ans