Fyctia
The invincibles~ Jae
À Aïn Kelfa, trois ans plus tôt,
Après une brève entrevue avec Maa, pendant laquelle elle m’inonde de prières et de bénédictions, je reprends la route, pour rejoindre mon convoi. Ses yeux, rougis par les pleurs, me font encore de la peine le long de mon trajet. Elle avait l’air déchiré de me voir partir et craignait pour moi autant que pour ses propres enfants et son époux. Je n’ai pu m’empêcher de prendre son visage meurtri entre les mains et lui baiser le front avec toute la tendresse dont j’étais capable. Ce geste m’a fourni un apaisement profond.
La reine m’a simplement souhaité de remporter la bataille, cela ajouterait à la renommée d’Azbar. Au fond, je sais qu’elle aussi s’en fait beaucoup, mais elle n’en parlera pas, pour me montrer qu’elle a une confiance aveugle en nos chances de réussir.
Les Barbares ont une réputation d’invincibilité. Lorsqu’ils triomphent dans un royaume ou un pays, ces despotes y étendent leur pouvoir et règnent indéfiniment sur ce territoire. Ils prétendent mener une guerre sainte, en terrorisant les peuples pour les inciter à les suivre et se soumettre à leur dieu. Leurs conquêtes se font en versant du sang, et des larmes jusqu’à ce que l’adversaire baisse les armes et mette genou à terre en acceptant de croire au dieu unique. Le dieu Soleil. Ils déclarent la guerre en plantant leur drapeau sur la terre qu’ils prévoient d’attaquer.
J’ai accompagné nos hommes et mon frère à Aïn Kelfa. Les barbares s’étaient introduits par les montagnes, séparées du centre du royaume par un grand dessert. On croit qu’ils se réfugient dans les vallées, faisant régulièrement des descentes meurtrières vers le centre.
Ils étaient surtout rusés et habiles pour se cacher et monter des coups contre l’ennemi. Ils n’attaquent jamais de front. Ils se servent de la peur palpable liée à la sorcellerie pour ourdir des machinations sanglantes. Ces ennemis invisibles sont difficiles à traquer. La force physique de nos hommes et leurs armes semblent inutiles contre ces sorciers et ces magiciens attroupés en une bande de malfrats ingénieux. Ils sortent de nulle part, frappent et disparaissent. On ne connaît encore rien de leurs procédés, tous ceux qui les croisent ne survivent pas. Impossible d'avoir un rapport cohérent sur eux. Le plus irritant, c’est qu’on n’arrive même pas à attraper un seul de ces bandits, alors que les corps jonchent le sol de notre côté.
Je passe mon temps à me demander s’ils sont réels au moins. Plusieurs légendes sont racontées
sur eux. Il parait que leur magie est très forte. C’est soi-disant un cadeau de leur dieu, pour les aider à combattre les mécréants ou à les convertir. Naturellement, nos Dieux sont les seules vraies divinités pour nous. Certes, les barbares possèdent des dons indéniables, mais cela ne suffit pas pour déclarer l’existence d’un dieu inconnu de nous autres.
Debout sur une table au milieu des soldats, la poitrine bombée, mon arme chargée à la main, je vocifère :
—Nous allons mener cette croisade jusqu’à la fin. Nous sortirons victorieux, parce que nos dieux sont puissants. Ils nous mettent à l’épreuve, en laissant ces barbares prendre quelques vies dans nos rangs, mais ne perdons pas la foi. Restez sur vos gardes, scrutez autour de vous à toute heure. Ils surgissent dès qu’on détourne l’attention quelques instants. Ils se sont sans doute tapis dans l’ombre pour nous observer, en attendant le bon moment pour accomplir leurs forfaits. De même, continuons à les chercher sans relâche. Pour la gloire d’Azbar ! Nous allons terrasser les invincibles. On les écrasera, comme les vermines qu'ils sont.
Le canon dirigé vers le ciel, j’émets un tir, suivi par les grognements puissants de nos hommes. Le tout résonne comme un orage qui éclate. Je laisse la place à mon frère, qui entame les éloges des hommes de notre royaume, tombés dans la journée. Le général des soldats d’Aïn Kelfa fait de même. Et une prière collective s’ensuit. La liste se rallonge de trois cadavres chez les Azbardiens. Sans compter les intouchables, dont les noms ne sont pas cités. Ils s’éteignent dans le silence le plus total, leur sort est désormais entre les mains des dieux. De retour à Azbar, leurs familles viendront les attendre à la frontière entre le quartier des intouchables et celui des braves. Ceux qui ne verront pas leurs proches arriver, sauront qu’ils ont péris. Ce traitement indécent me révolte. Mais Aké ne veut rien entendre. C’est bien le cadet de ses soucis.
Alors qu'on monte la garde devant notre campement pour la nuit, je l'écoute parler avec le général de l'armée ami. Madjib.
—Croyez-vous qu'ils sont vraiment des hommes ? Ces barbares ? demande Madjib.
—Je crois que ce n'est pas important. Esprits du mal ou êtres humains, cela ne les sauvera pas quand on posera la main sur eux, répond mon frère avec entrain.
—Vraiment ? C'est quand même effrayant de se battre contre ceux-là. Ils sont capables de tout ! Même de se rendre invisible à nos yeux. Je ne peux m’empêcher d'imaginer qu'ils sont peut-être là, juste sous mon nez, à m’écouter parler...
Aké dégaine son épée et balaie l'air avec, pour débusquer un hypothétique barbare.
—Vous voyez bien qu’il n y a rien, ni diable ni homme, fait – il. S’il y en a, je suis prêt à les affronter et je n’en ferais qu’une bouchée.
—Vous êtes un prince. Alors j’imagine que vos prêtres vous ont donné plein de grigris pour assurer votre sécurité. Il est plus facile de rester calme face au danger quand on est protégé de la sorte.
Le ton sur lequel il emploie ces mots ne me plaît guère. En vrai, l’homme même ne m’inspire pas confiance. Bien qu’il ait un comportement exemplaire dans son rôle et envers nous. J’ai un flair certain pour les hommes faux. Et le général ne me semble pas net. Il a plusieurs fois insinué, de cette façon subtile, que nous, mon frère et moi, étions comme immunisés contre les barbares.
—Eh bien que dire ? Nous avons la foi. Les protections ne sont qu’un plus. Mais si vous voulez, je suis tout à fait d’humeur à vous prêter les miennes, propose Aké.
Madjib affiche un sourire carnassier, qui me fait froid dans le dos. Il me paraît évident que c’est ce qu’il visait tout ce temps. Le plus tranquillement du monde, il tend la main vers mon frère pour recueillir son talisman. J’interviens pour arrêter Aké, juste avant qu'il ne le lui donne.
—Non !
Outre Madjib, mon frère et moi, il y a cinq autres soldats qui suivent la scène avec intérêt. Si je reviens sur la parole que mon frangin a donnée, cela serait mal vue. L'incident aura sans doute des répercussions sur notre réputation.
—Prends le mien plutôt. Je suis l’aîné, mon devoir m’interdit de le laisser se débarrasser de son fétiche.
—Cela me va parfaitement ! s’exclame le général.
Je glisse ma main sous mon uniforme et décroche l'amulette que Maa m'a remise. Elle est censée chasser les djinns, les mauvais esprits. Le général la regarde longuement quand je la sors.
—Tout bien réfléchi, je n'en veux plus, dit -il .
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Alec Krynn
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Il y a 5 ans
Marie-Eve Tries
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Luna-Bella-Me
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Lyaminh
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