Fyctia
The game ~ Araya
Dimanche est un soir de match à Glenbrook South High School. L’équipe féminine de basket affronte les joueuses d’Iowa City H.S. Hanna aime ce sport, alors elle a tout de suite rejoint la
« Team GSHS » comme ils l’appellent. Elle pratiquait déjà ce jeu, dans son ancien lycée à Azbar, même si l’établissement d’éducation public, dans le quartier des intouchables n’avait pas de matérielle adéquate. La cour de la vieille bâtisse était improvisée en terrain de football et de basket par les garçons. Il n’a rien à voir avec la prestigieuse salle de sports du GSHS. Celle-ci est grande, climatisée, éclairée et aussi propre qu’une chambre à coucher. Les lycéennes en short, se déplacent sur le sol avec légèreté, elles semblent glisser sur le carrelage lisse.
Ma sœur est assise sur le banc des remplaçantes. Sa tête renversée en arrière, elle n’accorde aucune attention au jeu de ses coéquipières. Son visage morne, ne se détache pas du plafond. Je me penche en avant pour lui parler, puis me retiens. On est toujours en de mauvais termes. Avant, j’étais toujours bruyante pendant ses matchs. Un souvenir de ces jours heureux me revient en mémoire.
**
Hanna, quatorze ans, gambade sur le terrain. Je me tiens parmi les supporteurs, comme toujours. Elle n’est pas vraiment douée, mais cela ne l’arrête pas pour autant. Les autres évitent de lui passer la balle. Je la regarde tristement courir d’un bout à l’autre du terrain, les mains toujours vides. Quand elle attrape le ballon pour la première, je me fraie un chemin, pour être dans la première rangée, et lui crier de courir au panier pour marquer. En ouvrant la bouche, je change d’avis et lui dit simplement :
—Je suis si fière de toi ! Tu es la meilleure.
Elle sourit et fonce vers le but adverse. Émue, j’applaudis à chaque geste, hurlant à la foule qu’elle est ma sœur. Une joueuse lui rentre dedans, et la fait tomber au moment où elle tirait. L’arbitre déclare une faute, et Hanna obtient un lancer franc. Elle me regarde nerveusement, en allant se placer derrière la ligne.
—Hanna ! Hanna ! Hanna, commencé-je à canter pour l’encourager.
Sa main soulève et envoie le ballon en l’air. Elle rate sa cible. Le visage de ma petite sœur se renferme, je décèle le mouvement rapide de sa poitrine, signe qu’elle risquait de fondre en larmes si cela continue. Le cœur serré, je me penche plus en avant et de toutes mes forces, lui lance un énorme « Je t’aime Hanna. » Elle hoche la tête, prends l’objet rond, et fait sa seconde tire. Le ballon frappe le cadran, et plonge doucement dans le cerceau. Hanna lève les mains, surprise, et court dans ma direction le visage illuminé. Elle saute à mon cou, débordante de joie.
—Je t’aime aussi, tu es la meilleur Ary, jubile -t-elle.
—Bien jouer. Je peux vous apprendre à réussir vos lancers plus souvent, si vous voulez, dit une voix.
Cette voix ! Je la reconnais aussitôt, sans avoir à me retourner. Je le fais quand même instinctivement.
—Vous ? Ici ? m’étonné-je.
Hanna essoufflée, se détache de moi, et dévisage le jeune homme. Il porte du blanc cette fois-ci, se confondant presque aux intouchables.
—Si votre proposition tiens après m’avoir vu jouer, on en reparlera à la fin.
—Oh je vous ai déjà vu sur le terrain. Ce n’est pas votre premier match auquel j’assiste. Et je peux vous assurer qu’un coach personnel fera le plus grand bien à votre jeu.
Son jeu à lui, m’échappe. Qui se permet de transgresser les codes couleurs ainsi ? Et observer régulièrement des filles en tenue légère courir après un ballon, est tout de même suspect. Quand Hanna retourne parmi ses coéquipières, je lui en fais la remarque, la mine renfrognée.
—Ce n’est pas pour elles que je suis là. Si vous voulez tous savoir, je n'observe que vous. Je sais que vous ne rater jamais ces matchs.
—Et vous pensez que c’est mieux ? Vous êtes en train de me dire que vous me suiviez tout ce temps ! Au fleuve, notre rencontre, ce n’était pas un hasard ?
—Disons que c’était la première fois que j’osais vous approcher. Vous parlez.
L’œil noir, je croise les bras sur ma poitrine. Peut-être qu’il n’est pas si innocent qu’il paraît. Que me veut-il ? Pourquoi me filer ainsi, comme un bandit ?
—Ne vous méprenez pas, ce n’est pas du tout par mauvaise intention…Enfin, voilà, pour ma défense, je vous trouve belle.
Ça n’arrange rien ! Méfiante, je recule d’un pas
—Artistiquement belle. J’ai l’âme sensible à ces choses-là. J’aime par mon Art, reproduire ce que je trouve beau. Restituer l’impression que me laisse tout ce qui frôle la perfection, à mes yeux. C’est ma façon de remercier la nature de les avoirs créés. Au point de vue moral, je suis un voleur d’image. J’évite d’entrer en contact avec ceux que je représente, parce qu’après ils sont moins naturels que quand on les surprend dans des poses de tous les jours.
Il ouvre une petite sacoche à ses pieds, en ressort un carnet noir. Il le tend vers moi. J’hésite un instant, puis le saisi d’entre ses doigts. En l’ouvrant je tombe sur des croquis de figures inconnues, de plusieurs scènes charmantes, puis de moi-même. Sur plusieurs pages, dans plusieurs postures, mon visage, moi de dos, mes cheveux flottant aux vents… C’est beau et effrayant à la fois. Savoir que quelqu’un d’autre a partagé ces moments qu’on croyait intimes, fait peur. Mais je ne peux pas nier son talent.
—Vous être un vrai artiste, m’entendis-je dire.
—Vous pouvez garder ce carnet.
Je lève les yeux, perplexe. S’il s’est donné tant de mal pour « voler ces images », pourquoi m'en ferait - il cadeau ?
—C’est votre façon de dire : désolé de vous avoir épié et dessiné sans votre consentement ?
—Non. Je mentirai si je me disais désolé. Mais s’il faut me faire pardonner de vous, j’ai d’autres procédés en tête.
Je tourne les pages doucement, sincèrement ébloui par ses œuvres. Son crayon rend fidèlement mon apparence, jusqu’à mes plus petites imperfections. Cette minutie a dû demander beaucoup d’heure de travail.
—Pourquoi distribuer ainsi vos créations ?
—C’est tout à fait inutile pour moi de les garder. Je ne conserve que ceux qui sont inachevés. Les plus complexe, que je peux admirer intensément, sans savoir ce que sera le résultat final. Ceux-là me révèlent à moi-même.
J’écoute l’artiste, attentive à sa voix extrêmement douce. Il continue de causer de sa passion, et moi de fixer ses lèvres bougées. Un tout autre m’aurait abruti en parlant autant, mais lui, je le laisse faire, appréciant même cela. J'oublie pourtant, encore, de demander son nom ce jour-là. Ses dessins sont signé J.L.K.
**
Le match est finis, Hanna n’a pas joué. Je me mets en tête de parler avec le coach. Il ne l’a jamais laissé frôler le terrain, ça commence à m’agacer. Pendant que la salle se vide, les filles vont se changer. Le coach revient ramasser les ballons pour les remettre à leur place. Il dribble avec le dernier et le lance sans effort vers le cerceau. Je le récupère sous le filet.
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Alec Krynn
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Il y a 5 ans
Luna-Bella-Me
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Il y a 5 ans
Véronique Rivat
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Il y a 5 ans
Luna-Bella-Me
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Sissy Jil Adan'S
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Il y a 5 ans
Luna-Bella-Me
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Il y a 5 ans