Fyctia
Charlie.
La sonnette retentit.
J’avais peur qu’il se défile mais il est là.
J’ouvre la porte et je vois tout de suite qu’il n’est pas à l’aise.
— Hé ! Fais pas cette tête ! Je suis pas mourant !
Il rit.
— J’avoue que pour un malade, tu as bonne mine !
— Rien de tel que d’esquiver une interro de fin d’année et un exposé, tu devrais essayer. Suis-moi !
Je l’entraîne dans la cuisine où j’ouvre le frigo et en sort deux panachés. On s’assoit l’un en face de l’autre autour de l’ilôt central et il a l’air de se détendre.
Le silence s’installe. Nos regards se croisent et il rougit.
D’un ton que j’espère innocent, je lui pose la question qui me taraude :
— Comment ça va chez toi en ce moment ?
Il boit une gorgée et hausse les épaules :
— Tu te rappelles l’histoire dont je t’avais parlé dans mon ancien lycée ?
Évidemment. J’avais été tellement choqué de ce qui lui était arrivé ! Entre les insultes dont il avait été victime quand on l’avait cru gay et ses meilleurs amis qui lui avaient tourné le dos… ça m’avait retourné l’estomac. Ce même jour quand je l’avais raccompagné, sa mère m’avait envoyé bouler. J’étais rentré chez moi bouleversé et j’avais attendu que Camille monte dans sa chambre pour aller discuter avec maman. On avait parlé jusque tard dans la nuit, elle était peinée pour Théo et m’avait alors dit que c’était probablement la raison de ses craintes et de son refus d’ouvrir les yeux. Même si elle était en colère contre sa mère qui m’avait si froidement accueilli, on en avait ri juste après quand je l’avais imitée.
— Bien sûr que je me rappelle, pourquoi ?
Il boit une autre gorgée.
— Mes parents étaient au courant.
J’écarquille les yeux :
— Quoi ??
Il soupire :
— Quand elle t’a envoyé chier le jour où tu m’avais ramené, en rentrant, elle a explosé. Soit disant, ils auraient appris la rumeur par un collègue de boulot et on aurait déménagé à cause de ça. Enfin, c’est le déclic qui aurait fait accélérer leur décision.
J’hallucine :
— Et ils ne t’en auraient même pas parlé ? C’est impossible !
Il sourit tristement :
— Tu sais Charlie, chez moi, on parle pas. Pas de chose comme ça en tout cas. Je crois que ma mère a fermé les yeux la première fois car elle ne voulait pas y croire. Si tu avais vu comme elle était excitée à chaque fois que je lui parlais de Sara. Sur le coup, je trouvais sa réaction un peu trop euphorique, maintenant je comprends mieux… Et je crois que quand elle t’a vu, tu sais tu es un peu…
Il rougit.
Je l’aide :
— Efféminé ?
Il me regarde droit dans les yeux :
— Non ! Mais tu prends soin de ton apparence, tu as un style aussi particulier qui te va très bien, d'ailleurs. Bref, quand elle t’a vu, elle a dû se prendre une claque dans la gueule.
Je ne peux pas m’empêcher :
— Et moi alors avec son accueil !
On se regarde et nous partons dans un fou rire. J’essuie des larmes au coin de mes yeux, quand soudain il me demande d’une voix grave :
— Comment tu as su que tu étais…
C’est vrai que je commence à connaître Théo mais lui ne sait pas grand-chose de moi finalement…
Alors je me lance :
— C’est comme si je l’avais toujours su. Avec le travail de mes parents, je baigne depuis toujours dans le milieu de la mode. Les gens sont plutôt décomplexés et ouverts d’esprit. Depuis que je suis gamin, j’ai côtoie des gays, des bi, des hétéro évidemment, si bien que je n’ai pas eu qu’un seul modèle, mais plusieurs. Et donc, quand je me suis senti plus attiré par les garçons que par les filles, c’était juste une option parmi d’autres.
Théo m’écoute attentivement et il continue :
— Et tes parents, ils l’ont bien pris ?
— Je crois qu’ils s’en doutaient avant que je le leur dise ! Ils n’ont pas été surpris en tout cas. Au collège, je suis sorti avec une fille pendant quelques semaines. Mais quand on s’est séparé, c’était surtout son nouveau copain que j’avais envie de croquer !
Théo recrache la gorgée de panaché qu’il était en train d’avaler et explose de rire. Je me lève pour lui tendre un torchon.
Il s’essuie et me demande :
— Tu n’es jamais sorti avec un mec alors ?
Je lui fais un clin d’œil :
— Tu veux savoir ?
Il rougit, j’adore.
Je ne le laisse pas répondre et lui raconte :
— Quand je suis arrivé au Lycée, j’étais impatient de rencontrer quelqu’un. Et j’ai été déçu car finalement à notre âge, il n’y a pas beaucoup de gay qui… s’assume. Mais cet été, j’ai fait un stage de 15 jours à Paris avant ton arrivée dans une maison de haute couture, et j’ai rencontré un italien charmant. Je pigeais que dalle à ce qu’il me racontait, mais avant mon départ, on s’est embrassé plusieurs fois, et j’ai su que j’étais… dans la bonne direction !
L'interrogatoire se poursuit :
— Camille, elle en pense quoi ?
— Tu sais, la famille, généralement, est là pour te soutenir hein ? Après, Camille, elle perd pas le nord. Elle m’a fait jurer de ne jamais lui piquer un de ses mecs.
On explose de rire.
Soudain, on entend la porte d’entrée s’ouvrir. Théo sursaute et je file dans le couloir pour voir de qui il s’agit.
Oh, punaise, j’en étais sûr !
— Maman ! Qu’est-ce que tu fais là !
Elle réprime un sourire en coin :
— Ton père m’attend dans la voiture, je suis passée en coup de vent changer de chaussures, celles-ci sont atroces !
Mais bien sûr. Je me tiens toujours devant l’entrée de la cuisine quand elle articule silencieusement :
— IL EST LA ?
Qu’elle m’énerve ! Et maintenant, elle s’avance vers moi :
— Maman, ta chambre n’est pas par là…
Elle sourit franchement cette fois :
— Je peux prendre un verre d’eau ?
J’abdique en soupirant. Elle entre dans la cuisine et fais mine d’être surprise. Je fais les présentations.
Théo se lève précipitamment pour venir à sa rencontre et lui dire bonjour. Je le sens hyper gêné et je comprends bien.
Ma mère lui sourit :
— Ravi de faire enfin ta connaissance Théo, depuis le temps que j’entends parler de toi. Je ne vous embête pas plus ! Charlie, tu m’as l’air d’aller beaucoup mieux, tu iras chercher ta sœur à la danse ? On doit faire quelques courses avec papa et j’ai peur d’arriver en retard.
Je lui tend un verre d’eau, vite qu'elle s'en aille :
— Oui maman, c’est bon.
Au moment où elle passe la porte, c’est plus fort que moi :
— Et n’oublie pas de changer tes chaussures avant de partir hein ?
Elle me fait un clin d’œil en sortant.
Je me tourne vers Théo :
— Désolé, j’aurai dû m’en douter. J’avais dit à ma mère que tu passerais et évidemment, c’était plus fort qu’elle, il fallait qu’elle vienne voir de quoi tu avais l’air.
Il a l’air surpris :
— Tu… lui as parlé de moi ?
Je le rassure :
— Je lui parle de tout. Et ne t’inquiète pas, elle ne dira rien à Camille.
Il soupire. Ça m’attriste de le sentir si démuni et de ne rien pouvoir faire. J’essaie de donner le change :
— Bon après, quand ma mère se prend pour ma copine et passe à l’improviste, c’est un peu moins drôle. Bientôt, elle va m’envoyer des snaps.
Il rit et ça le rend encore plus charmant.
Sa bouche... J'y poserai bien la mienne.
29 commentaires
Fanny, Marie Gufflet
-
Il y a 7 ans
Émilie Parizot
-
Il y a 7 ans
LunaJoice
-
Il y a 7 ans
Émilie Parizot
-
Il y a 7 ans
CaroMélu
-
Il y a 7 ans
Émilie Parizot
-
Il y a 7 ans
Alex In the club
-
Il y a 7 ans
Émilie Parizot
-
Il y a 7 ans
anciencompte
-
Il y a 7 ans
Émilie Parizot
-
Il y a 7 ans