Fyctia

Elle a l’air comme pressée d’en finir avec cette première prise de contact. Il faut que je trouve un moyen de la retenir encore un peu. Aller, faut que je me lance.

« Serait-il possible d’avoir votre numéro de téléphone afin de vous joindre autrement que par mail ? Notamment pour vous prévenir d’un éventuel retard. »

J’incline la tête légèrement sur le côté pour scruter son visage caché derrière une partie de ses cheveux.

« Je … bien sûr, je vais vous laisser ma carte de visite. »

C’est sur ces dernières paroles qu’elle met fin à notre rencontre. Notre deuxième rencontre et pas la dernière.

Elle m’indique la sortie, reste sur le pas de la porte alors que je lui tourne le dos pour partir et raconter cette entrevue à Tom aussitôt que je le vois.

Sur le chemin du retour vers le cabinet, les mains dans les poches, je m’y prends à marcher lentement et à profiter de la vue que m’offre ma belle ville du Sud.

Arrivé au cabinet, je trouve Tom assis à son bureau, semblant dépassé par son travail. Il se déconcentre bien vite quand il entend la porte se refermer. Il me dévisage avant de lâcher :

« C’est quoi ce sourire d’idiot sur ton visage mec ? ».

Je mets mes mains dans les poches, appuie mon dos contre le mur avant de lui répondre.

« Tu ne me croiras jamais quand je vais te dire à quel point le destin est bien fait des fois !

- Alors là, je suis vraiment curieux de ce que tu vas me raconter, parce que j’ai l’impression de ne pas te reconnaître, dit-il en croisant les bras et s’appuyant de tout son poids contre le dossier de fauteuil de bureau.

- Je l’ai revu !

- Qui ?

- Elle, l’inconnue du bar Tom, celle que Milo n’arrête pas de renverser dans l’eau. »

Tom se lève d’un bond de sa chaise, l’air plus intrigué que jamais.

« Attend, attend un peu, j’ai loupé un épisode non ? demande-t-il. Comment est-ce que tu l’as retrouvée ?

- C’est là qu’intervient le destin mon pote. Tu te souviens quand on parlait boulot au bar, ce même soir ? Quand je t’ai soumis l’idée d’élargir notre champ des possibles en répondant à des appels d’offres pour des marchés publics.

- Euh … j’avais bien abusé sur la boisson ce soir-là, avoue Tom.

- Et sur les filles, je lui confirme. Bref, en tout cas, pour en revenir à nos moutons, Mon Inconnue a un cabinet de conseil spécialisé dans le domaine dont je te parle. Je l’ai découvert par hasard en triant nos mails et en me rendant au cabinet pour solliciter leur aide. »

Tom me jette un de ses regards sceptiques. Et, bien qu’il soit mon meilleur ami depuis des années maintenant, je n’arrive pas à savoir ce qu’il pense. Je ne sais pas s’il est content pour moi, ou peut-être un peu déçu quelque part de ne rien pouvoir tenter avec Elle, maintenant qu’il sait qui elle est. Enfin, il sait surtout mon obsession pour Elle depuis cette fameuse soirée.

Il finit par me demander :

« Tu comptes faire quoi maintenant que tu l’as retrouvée ?

- J’ai rendez-vous au cabinet avec elle la semaine prochaine. Tu peux venir également. Après tout, cela nous concerne tous les deux. Et puis, c’est strictement professionnel, rien de plus, j’ajoute.

- Enfin, j’espère que c’est professionnel juste pour cette fois-ci, dit Tom en se marrant. »

Sur ces dernières paroles, je lui jette une boule de papier avant que nous nous remettions à travailler. Je continue de traiter quelques mails, pendant que Tom fait le point avec certains de ses clients. On sent la fin de l’été et la rentrée approcher. Les activités reprennent pour tout le monde.

Il faut que j’arrive à patienter quatre jours. QUATRE JOURS bon sang ! Avant de pouvoir revoir son visage, son sourire et ses yeux qu’elle cache derrière ses cheveux. Ses joues légèrement rougies. Je suis fasciné par cette transformation qui s’opère chez elle dès qu’elle parle de son métier. Sa timidité et peut-être même son manque de confiance en elle disparaissent aussitôt qu’elle laisse transparaître son assurance, lorsqu’elle traite des sujets relevant de son domaine de compétence. Je trouve cela, comment dire … mignon.

Pendant ces quatre jours qui précédent le fameux rendez-vous, je vais courir tous les matins. Le soir, je m’occupe de préparer le repas après avoir nagé. Je profite également du week-end pour me balader en nature avec Milo. Ces quatre jours défilent, ponctués par des rêves froissant mes draps et permettant à mes désirs les plus fous de se réaliser. C’est ainsi que je me retrouve, dans mon costume des grands jours, en compagnie de l’assistant du cabinet, à 9h45, jour du rendez-vous, pendant qu’il m’installe dans la salle de réunion. Tom n’est finalement pas venu, et j’en suis bien content, je ne vais pas vous mentir.

« Est-ce que je peux vous proposer un café ? Ma cheffe ne va pas tarder à arriver.

- Oui, s’il vous plaît, ça ne serait pas de tout refus, je m’entends lui répondre. »

Il faut croire que je suis un peu plus fatigué que ce que je ne le pensais suite à ces nuits solitaires au sommeil agité, même si c’était pour le plus grand plaisir de mon inconscient.