Fyctia

Plus tard, je suis seul avec mes pensées sur la terrasse. J'ai fini par accepter de me remémorer la scène d'hier soir. C'est moi qui ai été sauvage. Je me demande si je ne ferai pas mieux de retourner au bar ce soir. Ne sait-on jamais, elle sera peut-être là de nouveau. Enfin, si elle est en vacances... Demain nous serons lundi, peut-être que cette jeune femme travaille dans le coin, alors je ne risque pas de la croiser au bar. Je ne sais rien d'elle et pourtant, j'ai toujours en tête la douceur de sa peau, la chute de ses reins et cette foutue sensation de brûlure sur mes mains.

Il faut que je la retrouve.

Après ce constat, Tom m'appelle pour qu'on passe à table mais je préfère aller me coucher. Demain est un autre jour, et c'est le début de ma quête vers cette fille dont je ne connais rien. Je me sens comme un gamin qui le lendemain partirait à l'aventure.

Le marchand de sable passe et je ne lutte pas. Je sais que de doux rêves vont m'accompagner cette nuit.

Elle est là, sous mes doigts. Mes mains encadrent son visage, mon pouce caresse sa lèvre inférieure et je fonds dessus pour l'embrasser. Je soupire, je la tiens tout contre moi. Elle se love contre mon torse. Sa présence me rend serein, plus que je ne l'ai jamais été il me semble. Nous faisons face au coucher de soleil sur le toit terrasse, et je dépose un dernier baiser sur sa tempe avant que je la porte jusqu'à ma chambre ...

Ma chambre, c'est bien là que je me réveille vers 5 heures du matin, sans Elle. Mon lit n'est défait que par mes rêves et moi-même. Je me retourne sur le dos, fixe le plafond et passe ma main sur mon visage, avant de la glisser dans mes cheveux. Je le fixe attendant en vain une révélation, une apparition. Rien ne vient, si ce n'est que je pense partir travailler plus tôt aujourd'hui. Je dois visiter quelques chantiers, alors tant qu'à faire, je m'y attèlerai avant qu'il ne fasse trop chaud.

En partant, je laisse un mot à Tom pour l'informer de mes visites sur quelques chantiers dans le département, bien sûr je reste joignable.

Je profite de cette journée entre deux chantiers pour me balader en nature, faire le plein des senteurs de la garrigue : le thym, le romarin, la lavande et les pins maritimes. Si les cigales agacent les touristes, leur chant m'apaise, me vide de toutes pensées négatives et/ ou obsessionnelles. J'évite de penser à Elle, qui hante mes pensées, jusque dans mes rêves. Si seulement je n'avais pas voulu jouer au héros, je ne sais même pas comment m'en est venue l'idée. Bref, j'inspire, j'expire et continue ma journée, qui se termine sur les hauteurs de la première fille de Rome. D'ici je la vois dans toute son étendue, avec sa cathédrale qui m'a toujours fascinée. Et le fait qu'elle soit inachevée fait tout son charme. Vers 18h, je prends le chemin du retour, sachant pertinemment qu'il y aura pas mal de circulation, surtout dans le sens du retour des plages.

Lorsque je sors de la voiture, je vois Tom accoudé au portillon, ainsi que Milo assis et tenu par le collier par une jeune femme. Mon regard se pose sur son dos. Quand elle se retourne pour partir, je m'arrête net, alors que j'avançais. Elle entre dans sa voiture et je ne fais rien pour la retenir.

Mais quel con que je suis ! J'aurai dû la retenir ...

Tom m'attend au portail, Milo toujours assis à ses pieds. Essoufflé d'avoir retenu ma respiration, je lâche : « C'est Elle. Je suis sûre que c'était Elle. ».

Tom me regarde, puis regarde la place qui vient de se libérer. Il enfouit ses mains dans ses poches, s'agite. Il regarde le sol. On dirait qu'il ne sait pas sur quel pied danser. Je passe ma main dans les cheveux tout en tournant sur moi-même. Elle est bel et bien partie. Tom jure dans sa barbe. « T'es con ! » qu'il me dit.

Je lui passe devant, pose mes clefs de voiture sur le guéridon, me déchausse et monte m'enfermer dans la salle de bain. Je prends une douche, longue et froide. Si froide que j'en ai la chaire de poule et les abdos contractés. Je serre et desserre les poings, la tête renversée sous l'eau.

M'en vouloir ne fera rien avancer. Il faut que j'arrête d'être lâche et que j'agisse.