Fyctia
Chapitre 5.03
– Et en conclusion à tout ça, en observant la treizième carte, l’arcane sans nom, et avec la déduction de toutes les autres, même si tu as peur et que tu sais pas encore trop où aller, la fin de tes tourments et proche et t’ouvrira les portes vers un futur plus coloré et plus heureux !
Elle termina son monologue en m’accordant un énième sourire. Celui-ci empli de bonté, de sincérité. Il était doux et chaud. Il sentait l’amour et la compassion. Il m'adoucit directement.
Au final, les cartes ne reflétaient que mon état actuel et me disaient que je devrais bientôt pouvoir sortir de ce sombre gouffre que j’imaginais depuis sans issus. Je voyais désormais la lumière au bout d’un long tunnel emplis de mauvais cauchemars et de possessions sauvages.
Je pouvais enfin souffler un peu.
Même si les tirages de Sydney, comme elle me le disait, ne s’avéraient pas toujours se réaliser, j'espérais que le mien prendrait vie dans un proche futur. Que je puisse aller me coucher une nuit sur mes deux oreilles sans avoir à rêver de diable aux tentations mortelles et sexuelles, et me réveiller un matin à l’aube d’une belle journée sans éveil effrayant.
Vivre normalement, quoi ?
J’accueillais toutes ces pensées avec un grand sourire au lèvres, profitant d’une seconde part de pizza. Même si elle avait un peu refroidi pendant le tirage du jeu de carte, son goût et son odeur étaient toujours exquis.
Elle avait beau m’expliquer que quelque chose de beau finirait par se produire et que le soleil chasserait les nuages de mon esprit assombri, je ne pouvais m’empêcher de me poser certaines questions qui jusqu’alors restaient toujours sans réponses.
C’était Sydney, ma meilleure amie depuis déjà longtemps, je savais que je pouvais y aller directement sans avoir à tourner autour du pot.
– Donc aucune carte est liée à ce fameux “diable” dont je rêve tout le temps ?
Elle s’arrêta net face la bouche grande ouverte face à sa part de pizza de laquelle s'écoulait des petits goûtes d’huile et de miel.
Elle m’observa, comme cherchant à déceler l’indécelable, puis lança un long soupire avant de prendre la parole.
Mais je la coupais dans son élan.
– Pas de mensonges, crois-moi que si tu mens je garde les dernières parts de pizza pour moi toute seule, lançais-je en croquant dans un carré d’ananas juteux.
Elle écarquilla les yeux.
– T’oserais jamais faire ça à ta meilleure amie !
– La nourriture c’est sacré.
Puis elle éclata de rire.
Un rire vivifiant qui illuminait la pièce de rayons colorés emplis d’amour et de joie, d'émotions intenses qui n’étaient destinées qu’à moi. Un rire franc qui me réchauffait la poitrine et emplissait mon coeur de bonheur.
C’était le soleil caché derrière les nuages, craquelant les ténébreux cumulus de lumières d’amour doré.
Et sans m’en rendre compte, je riais avec elle aux éclats.
C’était toujours comme ça, ça partait d’un rien, et ça durait des heures.
– Ok, t’as gagné, laisse-moi une part.
– Allez raconte, lui dis-je en cessant de rigoler.
– Je pense que si tu décides que ton âme n’appartient qu’à toi, alors aucun diablotin mal intentionné viendra te chercher des noises. Parce qu’elle serait déjà prise. Par toi.
Elle soupira en voyant mon air perplexe.
– Ah.. Une âme, tu peux voir ça comme ce qui fait tout ton être : tout se construit autour de l'âme, les organes, le veines, le sang, la peau… C’est comme une petite lumière chaude qui fait que tu sois toi. Ce qui te rend humaine, c’est pas le fait d’avoir un cœur qui bat, des yeux qui bougent, du sang qui circule, c’est le fait d’avoir une âme.
Je l’écoutais attentivement, fascinée par ces propos.
– Pas d’âme, pas de toi.
– J’ai toujours cru que ce qui faisait que j’étais en vie, c’était mon cœur.
Elle rit à nouveau à gorge déployée.
– Non, c’est un organe comme un autre, je pense qu’il a juste le petit + d’être le réceptacle physique des émotions, il bat quand même grâce à ton âme.
– Je trouve que c’est fascinant, j’ai l’impression d’être moins bête qu’il y a deux minutes, lui souriais-je.
– Ouais, j’ai pensé la même chose quand je l’ai appris, répondit-elle en croquant dans sa part.
– Tu devrais faire des études de médecine, à ce stade.
– Même pas en rêve !
Puis on se mit à rire de nouveau.
– D’ailleurs, un jour on m’a expliqué que les rêves sont la véritable réalité, et que notre réalité n’est en fait qu’un rêve. C’est fou parce que plus je pense à ton cas, à quel point ils sont lucides et surtout précis, que tu puisses le contrôler comme tu le souhaites, et plus je me dis que ça pourrait être vrai. Tu te rends compte ? Si notre vie n’est qu’un rêve ? Imagine si un matin je me réveille en chèvre ? L’angoisse quoi..
Et le pire dans tout ça, c’est qu’elle était vraiment sérieuse. J’avais la ferme impression qu'elle ne voudrait jamais se réveiller un beau matin dans le corps d’une chèvre.
Mais elle se trompait, je ne pouvais les contrôler que jusqu’à un certain point.
Jusqu’à ce qu’il en prenait le contrôle.
Autrefois, il m’arrivait de penser que ce n’était que mon subconscient qui tentait de me faire comprendre certaines choses vis-à-vis de ma vie et des problèmes que je pouvais rencontrer au quotidien. Et même si cela avait été parfois le cas, comme cette sombre nuit où il s’était montré face à moi arborant mon propre corps mutilé de toutes parts et en se pinçant la gorge jusqu’au sang, je pouvais toujours le contrôler.
Les seules fois où mes rêves m’échappaient, c’était lorsque cet homme mystérieux décidait d’en changer le cours des événements.
Et ça ne se passait jamais bien.
A chaque fois que cela arrivait, je me remémorais toujours les paroles de Sydney, les passant en boucle dans mon esprit comme une chanson qui s’était enracinée et qui ne voulait plus quitter son nid.
“Le mal ne vient que si tu lui ouvres la porte.”
– Tu te souviens de la première fois que c’est arrivé ? me lança Sydney, m’arrachant à mes pensées dans un sursaut brusque.
La toute première fois ?
– Je crois que tu me l’as jamais raconté, comment ça s’est déclenché.
J’observais le vide lumineux au centre de la chambre coloré, me rappelant des premières manifestations qui s’étaient produites au sein de mon esprit.
A cette époque-là, ce n’était presque rien.
Je réfléchissais quelques instants, le temps d’organiser mes pensées, de trouver les bons mots, puis j’avala la bouchée aux goûts sucrés et salés que j’avais machouillé et commença mon monologue.
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