clara.yae The Devil in love Chapitre 01/02

Chapitre 01/02

– Prim, eh Prim, tu m'écoutes ? m'intérogea une douce voix qui dans un léger sursaut m'arracha à mes pensées.

– Désolée, j'avais la tête ailleurs.

– Oh ça tu peux le dire, ça fait au moins dix bonnes fois que je t'appelle ! soupira-t-elle. C'est encore ces cauchemars, c'est ça ? T'en a fait de nouveaux ?

    C'était Sydney. Cette bonne vieille Sydney. Elle était la première personne à qui j'avais pu parler de ces cauchemars incessants. De par ses diverses croyances, de par la façon précise qu'elle avait de décortiquer chacun des aspects spirituels de la vie, mais aussi de par ses racines ancestrales ancrées dans la sorcellerie. Et ses dons n'étaient pas anodins ! Parfois, j'avais la sérieuse intuition qu'elle pouvait être la réincarnation d'une ancienne sorcière.

Sydney et moi étions assises en terrasse d'un café populaire que nous avions l'habitude de fréquenter. C'était notre petit lieu de réunion. On ne se voyait pas pendant des mois et du jour au lendemain, on se donnait rendez-vous dans ce petit lieu chaleureux aux odeurs alléchantes de pain chaud, de chocolat et de café à peine préparé.

Au loin, cachés par de longs arbres aux feuillages gorgés de soleil, l'étoile chatoyante d'été se couchait peu à peu dans les bas-fonds de l'horizon. Il transperçait les cumulus de ses rayons orangés. Ses lueurs à peine perceptibles se reflétaient sur la longue chevelure brune de Sydney, exposant ses éclats violets à la lueur déclinante. Le généreux vent chaud effleurait avec douceur nos visages et une vaste lumière orangée gansait peu à peu l'horizon.

    C'était ce que j'aimais le plus avec l'été : le temps qui restait aussi chaud le soir que l'après-midi, les petits cafés qui ne fermaient que tard dans la nuit, l'ambiance vivante, presque festive propre à la capitale Londonienne et ce vieux monsieur qui jouait de la guitar au centre de la place pour animer ce début de soirée.

    Au loin, dans l'azur aux nuances tantôt bordeaux, tantôt oranges se reflétant sur les cirrus à demi présents, on apercevait une imposante et majestueuse bande d'oiseaux blanc glatir à tue tête, survolant la grande place et les bâtisses au style victorien à coups d'ailes nonchalants. Les chaudes bourrasques qu'ils généraient sur leur passage s'écrasaient avec ardeur sur leur plumage flamboyant, réfractant la couleur des cieux. Quelques mètres seulement nous séparaient d'eux, tant le toit terrasse était haut.

– Alors, tu veux m'en parler ? On peut décortiquer ça ensemble, ça t'aidera peut-être ? Qui sait ! Lança-t-elle en buvant une gorgée de son café fumant.

    Souhaitais-je lui en faire part ? Je savais bien que Sydney n'avais jamais jugé ce qui se passait dans les tréfonds de mon esprit – dont j'avais l'impression qu'il s'assombrissait au fur et à mesure que le temps passait – et m'aidait toujours à déméler le plus probable de l'inconcevable. Elle était toujours bienveillante dans ses propos, même si parfois, ceux-ci n'étaient pas toujours beaux et n'étaient pas toujours ceux que je voulais entendre. Elle était comme ça : elle me confessait toujours le fond de sa pensée avec délicatesse.

    Mais j'avais toujours cet amer sentiment reclu dans les abysses de mon coeur, celui qui me donnait l'impression d'être folle. Ce sentiment qui prenait vie et venait me souffler à l'oreille que je n'étais pas normale, que quelque chose clochait chez moi et que tôt ou tard, cela finirait pas se répercuter sur elle.

    Je soupirais longuement puis pris une bouchée du pain au chocolat fourré à la crème que j'avais commandé plus tôt. Un soupir d'aise s'échappa de mes lèvres. Son goût exquis me fit presque oublier le cœur de tous mes maux. Le pain craquant encore chaud couronné de ses amandes croustillantes me donnait l'impression de pouvoir voyager aux quatres coins du monde. Décidément, ce petit café était de loin le meilleur de tout ceux que j'avais pu testé jusqu'à là. "Mon pain au chocolat préféré" prenait tout son sens à cet instant même.

    Sydney m'observait sans dire un mot, ses yeux sombres braqués au fond des miens. Elle attendait que je lui fasse part de mes préoccupations.

    Reposant mon pain au chocolat sur le petit plateau en bois clair, je pris la parole.

– Tu penses que... j'ai le droit d'aller au Paradis ? lançais-je à voix basse.

    Les yeux écarquillés, elle me regardait avec un large sourire, comme si ma question était absolument dénuée de sens. Comme si je venais de dire quelque chose d'absurde, ou comme si la réponse était évidente.

    Comme si tu étais folle.

– Bien sûr ! Pourquoi est-ce qu'il ne t'ouvrirait pas ses portes ! s'exclama-t-elle. Cependant, je pense que tout dépend de tes propres croyances. De si tu crois en la notion du Paradis et de l'Enfer ou pas. T'as rêvé de quoi ?

    Si tout dépendait de mes croyances, alors envers quelle religion se tournaient-elles ? D'aussi loin que je me souvenais, je ne m'étais jamais surprise à croire en quoi que ce soit mais à contrario, je répétais toujours que je croyais en un tas de choses différentes.

    Par exemple, je croyais en la notion du bien et du mal. Je croyais dur comme fer en celle du mauvais œil, celui qui détruisait un bien cher à notre cœur que quiconque osait complimenter. Lui, il était vraiment mortel. Je croyais en l'existence d'autres espèces et ce, non seulement en ce monde, mais dans l'univers tout entier. Je croyais aussi au multivers. Je me posais souvent cette question, si une "moi" différente vivait sur une Terre différente, aurait-elle une vie bien meilleure que la mienne ? Ou bien pire ? Serait-elle assise en terrasse avec le reflet d'une autre Sydney, comme nous ? Aurais-t-elle eu la chance de ne jamais avoir connu ces cauchemars ? Aurait-elle bénéficier d'un traitement de faveur de la part de l'univers, qui lui aurait offert l'opportunité de moins en souffrir que moi ?

    Oui, je croyais en plusieurs choses. Mais croyais-je en une religion quelconque ? Je ne savais pas.

– "Tu crois vraiment que les gens comme toi vont au Paradis?" c'est ce que le « diable » me disait. Il était tout vêtu de noir, assez chic, accroupi dans une grotte sombre. Il avait des yeux rouge vif, bégayais-je.

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