Fyctia

Il y avait deux tours principales destinées aux dortoirs : la Tour Solaris, réservée aux garçons, et la Tour Lunaris, sanctuaire des filles. Chacune s’élevait majestueusement vers le ciel étoilé. Guidée vers la tour Lunaris, baignée d’une douce lueur argentée, Céleste ne put s’empêcher de remarquer que la tour semblait presque vivante, capturant la lumière de la lune comme si elle la tissait dans la pierre elle-même.

La lumière lunaire… Céleste ressentit une vague de nostalgie. Sa mère, autrefois reine de Netheris, avait excellé dans cet art. Cette lueur familière apportait à la fois une paix fragile et un poids lourd sur son cœur, alors qu’elle ignorait toujours si sa mère était en vie.

« Chaque étage de la tour est dédié à une promotion, » expliquait Nigel, le responsable de la surveillance, tout en guidant le groupe de nouvelles arrivantes.

Les premières années logeaient dans les niveaux inférieurs, proches du sol, tandis que les deuxièmes années s’installaient plus haut, au cœur de la tour. Quant aux troisièmes années, elles résidaient tout en haut, dans des chambres réputées pour offrir une vue imprenable sur les jardins de Nyxeria.

« Apparemment, il y a un accès secret à un rooftop, murmura l’une des élèves à côté de Céleste.

- La chance… soupira une autre première année, visiblement fascinée par cette idée. »

Céleste, elle, était plutôt rassurée de ne pas devoir loger tout en haut. Rien que de penser aux hauteurs faisait resurgir une sensation de chute, celle de ses derniers souvenirs avant le coma, lorsqu’elle avait dégringolé de la plus haute tour du château de Netheris. Les fragments de son passé refaisaient surface comme des fantômes, la hantant, tout comme ils l’avaient tourmentée dans ses cauchemars entre ses brèves phases de lucidité.

« Chaque niveau dispose d’une salle commune, » poursuivit Nigel en ouvrant une porte sculptée qui donnait sur l’une de ces pièces.

La salle commune était un véritable cocon, un havre de chaleur et de magie. Elle disposait d’une petite bibliothèque garnie de livres anciens aux reliures de cuir et aux runes luminescentes, ainsi que des sièges moelleux disposés autour de tapis épais. Des chandeliers projetaient des ombres dansantes sur les murs de pierre. Une grande cheminée, au centre de la pièce, abritait un feu crépitant d’une flamme bleutée, sans doute alimenté par un enchantement. Au-dessus de la cheminée, gravé dans la pierre, se dessinait le symbole sacré de la lune croissante, représentant l’essence féminine de la magie lunaire, une force douce mais indomptable.

Autour de cette pièce commune se trouvaient plusieurs portes de bois , menant aux chambres, un escalier central desservait deux étages dans un même niveau offrant une double hauteur spectaculaire.

Pendant que Nigel parlait, elle laissa son regard dériver sur les tableaux accrochés aux murs et les décorations magiques qui peuplaient la pièce. Ses doigts s’égarèrent sur un artefact posé sur un meuble.

«  Je vais maintenant vous répartir dans vos chambres, » annonça-t-il avec un sourire chaleureux, toujours une liste à la main.

Redressant ses lunettes, il offrit un regard bienveillant à chacune des élèves.

« Dans la première chambre, L01 : Lyanna Dornel, Nimera Kaelith, Iris Valon, et Isolde Thaeris. »

Céleste observa les filles, toutes excitées, se rassembler immédiatement pour chuchoter entre elles. Un sentiment de solitude l’envahit. Cette scène de rentrée des classes lui était étrangère, une expérience qu’elle n’avait jamais connue. Ses pensées dérivèrent vers ses anciens amis, ceux qui l’avaient défendue au prix de leur vie, sacrifiant tout pour protéger son royaume.

« Vos bagages ont déjà été déposés dans vos chambres. Les badges pour vos chambres se trouvent sur vos bureaux, » ajouta Nigel. 

Les quatre filles s’apprêtaient à se précipiter vers leur nouvelle chambre, mais Nigel leva la main pour les arrêter.

« Attendez, j’ai encore quelques consignes à donner. Patientez jusqu’à la fin, s’il vous plaît. »

Les filles gloussèrent doucement avant de revenir dans les rangs, légèrement impatientes.

« Pour la chambre A02 : Alyss Eldwen, Raven Solviar, Lyra Alderan, et Vesperia Moon. »

La rouquine, Lyra, se rapprocha de Céleste avec un grand sourire. Cette dernière lui rendit un signe amical, bien que plus réservé. Elle devait se faire des alliés comme lui avait suggéré Dimitri, mais la solitude lui collait encore à la peau.

« Pour la chambre A03, continua Nigel, Liara Ashwyn… »

Céleste n’écoutait déjà plus et reposa l’artefact sur le meuble où elle l’avait trouvé.

« Tu t’es remise de ton malaise ? demanda Lyra, sortant Céleste de son ennui profond.

- Oui.

- Apparemment, la vue du sang te fait tourner de l’œil.

- Apparemment. »

Céleste avait conscience qu’elle allait devoir faire plus d’effort pour nouer des amitiés, mais cela lui semblait être une tâche assez difficile. Elle aurait aimé voir Lyra comme une potentielle amie. Mais comment ? Alors qu’elle faisait partie d’un système qui lui avait tout pris. Elle se força quand même à afficher un léger sourire, consciente que si elle avait besoin d’alliés, la siphonneuse de terre serait un argument de choix.

« Tu es affiliée à la terre, alors ? tenta Céleste, avec un enthousiasme feint.

- Oui, je m’en doutais un peu, c’est comme si cet élément m’avait appelé.

- La terre est un élément puissant. Tarmina était une vraie gu— »

Elle s’interrompit, pesant ses mots. Évoquer l’héritière du pouvoir de la terre comme une simple connaissance semblait risqué. Après le renversement du pouvoir, il n’y avait plus d’héritiers, plus de reines ou de rois. C’était Umbriel qui contrôlait presque tout.

« Guerrière ? compléta Lyra, son regard s’illuminant. Ne t’en fais pas, tu peux parler librement avec moi de l'ancienne monarchie, ça ne me dérange pas. J’ai lu tant de choses à son sujet, et j’aimerais beaucoup lui ressembler. C’est affreux ce qui lui est arrivé. »

Céleste perçut une mélancolie dans l’expression de Lyra, comme si elle était nostalgique de l’ancien monde, et soudain le coeur de Céleste se réchauffait un peu, ce sentiment de solitude commençant à s'effacer un peu.