Fyctia
Chapitre 1.1
Les servantes gravitent autour de moi tel des papillons autour d’une lanterne. Elles glissent dans le plus parfait silence, condamnées a me rendre la plus parfaite possible.
L’une d’elles essaye de me coiffer, tandis qu’une autre me maquille, alors que la troisième s’occupe de couvrir mes marques, et que la quatrième supervise le tout d’un oeil critique. Elles tentent de sourire, comme si ce mariage promettait enfin paix et amour.
Même si c’est tout le contraire. Ces fiançailles ne sont qu’une manière de mettre un terme à la guerre sans fin à laquelle se livrent Lassair et Pyke, l’une des ruses de Mère pour me placer sur le trône.
Elle doit d’ailleurs être en train de jubiler.
Le grand jour est enfin arrivé.
Dès ce soir, je serai Sarai Torry, son espion. Qu’importe si pour cela, l’homme qui la répugne doit me prendre dans son lit et me faire sienne. Sa réussite compte plus que mon corps.
Un coup à la porte me fait sursauter. L’une des servantes s’empresse d’aller ouvrir. Quand elle revient, elle tient entre ses bras un bouquet de roses aussi noires que la nuit. Dans une courbette gracieuse, elle me le tend, murmurant à voix basse :
— Cadeau du roi.
Mon cœur s’emballe au fond de la poitrine. Dans le miroir, mon visage pali, mais je parviens à me reprendre avant qu’elles ne puissent capter mon angoisse. Les yeux rivés sur mon reflet flou, je me force à sourire et effleure l’une des pétales.
À y regarder de plus près, les roses ne sont pas aussi noirs que je le pensais mais plus rouge foncé. Leur texture veloutée me donne l’impression de caresser la plus douce des chairs. Le message est clair.
Le roi a hâte de savourer la mienne.
Gagnée par l’horreur, je resserre les doigts sur la pétale et frissonne lorsqu’elle s’effrite entre mes doigts. Mes doigts se teintent et je tente de déloger la bouche coincée dans ma gorge.
Tremblante, je désigne le lit du menton et elle laisse le bouquet s’y écraser dans un désordre étrangement parlant.
Même d’où elles se trouvent, l’odeur des fleurs m’apporte le parfum terrible de la cruauté, de la rage, de l’illusion.
Et ces idiotes continuent de sourire. Elles me demandent de me tourner, alors je me tourne.
De lever les bras, alors je lève les bras. De marcher avec cette affreuse paire de chaussures, alors je marche avec cette affreuse paire de chaussures.
Comme un automate, j’exécute. Je fais ce pour quoi je suis née et ce qu’on attend de moi.
— Vous êtes éblouissante, dame Sarai.
Je réponds à la servante fluette par un hochement de tête faussement reconnaissant.
Aurait ce été le contraire que ça m’aurait fait plaisir.
Je n’ai pas besoin d’être éblouissante, ni même consentante, je dois juste être là.
Je ferme les paupières pour retenir des larmes acides qui me brûlent et prends une grande inspiration. Je suis certaine que Mère aurait honte de ma faiblesse. Mais elle n’est pas là.
Je suis seule aux milieux de mes ennemies, abandonnée et terrifiée.
Reprends-toi, par Onyx !
Souviens-toi de qui tu es.
Et qui je suis, hein ? Sarai sopretis, la condamnée.
Le bout pointu d’une épingle égratigne mon épaule et me tire un sursaut.
— Toutes mes excuses ! Par Onyx, que je suis maladroite !
— Fais attention Mina ! Une seule égratignure sur sa future épouse et il te fera dépecer en commençant par les pieds !
La morsure de l’aiguille entame à peine cette paix intérieure que je me force à ressentir. Non, pas cette paix… Ce vide terrifiant dans lequel je m’enfonce. Si je veux survivre à ça, au mariage et a la nuit de noces, je dois me fabriquer un refuge intérieur.
Là où la folie n’aura pas sa place, là où même la sombre réalité ne parviendrait pas à m’atteindre.
Une sorte de cocon protecteur ou j’échapperai à ma destinée. Ou du moins, ou j’aurai l’impression d’y échapper. Je ne suis pas assez stupide pour croire qu’il existe une véritable porte de sortie.
— Dame Sarai ?
Vidée de toute émotion, je relève la tête et croise le regard de l’un de mes quatre bourreaux.
Elle est la copie conforme de ses trois autres collègues. Brune, longiligne, habillée de blanc. Elle porte une robe informe qui la couvre des épaules aux doigts de pieds. Les yeux pétillants de joie, la femme me présente trois longues chaînes d’or piquetées de diamants rouge sang.
L’éclat rubis des pierres luisantes me tire un frisson glacé.
Rouge tel le sang que je verserai ce soir, dans son lit.
À cette idée, un pic de panique me tord le ventre. Une panique que je répresse avec ardeur, mais ça n’empêche pas mon cœur de s’emballer.
Mon appréhension frôle des sommets. Bon sang ! Les fleurs broyées que Mère m’a données cette nuit ne semblent ne plus faire d’effet, a présent.
D’après elle, ce ne sont qu’un petit remontant qui m’empêchera de faire marcher arrière.
— Ne sont-elles pas magnifiques ?
Je hoche la tête, en ravalant la vérité qui me pique la langue.
Des chaînes teintées de pourpre pour la catin du roi. Encore une fois le message est clair, le sous-entendu implicite.
Je m’exécute quand la servante me fait signe de me lever de mon siège, reste immobile lorsqu’elle ouvre l’avant de mon peignoir et expose mes seins minuscules aux yeux de tous. Le froid à dressé les pointes. Sous le fond de teint couleur chair, mes marques n’existent plus.
La pudeur colore mes joues, mais je ne bronche pas. Non, ce serait indigne d’une reine.
Puis, je ne suis qu’un pantin. Une babiole de plus que le Roi de Lasair va posséder.
Je ne tressaille même pas lorsqu’elle fait passer l’un des colliers autour de mon cou ni quand il se glisse entre ma poitrine et descend jusqu’à mon bas-ventre.
Le diamant frôle mon sexe et la brune s’empresse de l’attraper entre ses doigts pour l’accrocher autour de mes hanches.
Avec minutie, elle attache la seconde entrave à la ligne qui me barre le torse, et l’entoure autour de mon sein. Elle sert, sans se soucier de ma grimace de douleur. Je ravale un geignement pathétique. Les chaînes s’enfoncent dans ma chair a la manière de pics glacés.
Puis, elle passe au second avant de reculer d’un pas pour observer le résultat pitoyable.
Chaque rubis scintille sur ma peau comme des gouttes de sang.
Déjà, je sens la nausée me reprendre et cette fois, elle est trop forte pour que je l’ignore.
On dirait l’une de ses femmes aux mœurs légères que j’ai vu s’exhiber aux portes du royaume, leurs cuisses blanchâtres dénudées et leurs bustes relevés par des paillettes dorées.
Que sont donc ces atrocités ? Un moyen de plus de m’humilier ? De me prouver que je ne suis rien d’autre qu’un ventre a ensemencer ?
Les lèvres pincées, Mina me dévisage, détaillant mes minuscules attributs féminins sans éprouver la moindre gêne.
Depuis le temps qu’on me reluque, je devrais avoir pris l’habitude, sauf que rien n’y fait : Mes bras me démangent toujours de me cacher. Pourtant, je reste immobile, subissant le poids de son regard sans émettre le moindre son. Comme depuis le début de cette mascarade, je prends sur moi. Je suis devenue maître dans ce domaine.
19 commentaires
Thalyssa Delaunay
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Il y a 3 ans
imagineyourreading_
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Il y a 3 ans
Rose Lb
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Il y a 3 ans
romycole_
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Il y a 3 ans
Hanaisuru
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Il y a 3 ans
Ma0rie
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romycole_
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Il y a 3 ans
Ma0rie
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Il y a 3 ans
Laureline Maumelat
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Il y a 3 ans
romycole_
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Il y a 3 ans