Fyctia

Évidemment, ma sœur de cœur ne pouvait pas attendre la fin de journée pour son interrogatoire. Elle sait pertinemment ce qui m'effraie mais elle s'obstine à penser que l'amour vaut la peine de prendre des risques.

C'est une férue d'astrologie et elle croit dur comme fer à la comptabilité de certains signes, c'est pourquoi je ne suis pas étonnée par ce qu'elle m'annonce.

- Non mais tu t'imagines c'est un lion! Déclare- t-elle comme si ça expliquait tout. Vos signes sont compatibles à cent pour cent tu ne peux pas ignorer ça..

- Attends! comment tu sais qu'il est lion?

- Bah..hésite-t-elle, en fait j'ai peut-être un peu fouillé dans son dossier.

- Quoi? mais t'es pas bien, j'te jure, ça devient grave.

- Non mais tu crois quoi? Que j'allais te laisser sortir avec quelqu'un sur lequel je ne m'étais pas renseigné. Quelle meilleure amie ferais-je?

- Mais combien de fois je vais devoir te répéter qu'on ne sort pas ensemble on est juste ami.

- Les astres ne mentent pas, ma belle, insiste-t-elle en enroulant son doigt autour de ses boucles brunes.

- Ah oui? Et que prédisent-ils pour toi alors? De quel signe doit être ton amoureux? Je tente une diversion.

- Un taureau évidemment! Tu ne m'écoutes donc jamais, elle exagère avec sa main sur son cœur comme elle le fait souvent.

- Oh oui c’est vrai! Et Pédro est de quel signe?

Je savais qu’en la lançant sur ce sujet, elle m’oublierait un peu. Et ça ne manque pas. Elle passe les vingt minutes qui suivent à me décrire le comportement presque parfait de son amant. Attentionné, prévenant et doux, il semble en effet le mec idéal.

Et merde, voila dix minutes que j'essaie de faire démarrer ma voiture mais chaque tentative se solve par un échec. Un sifflement se fait entendre qui n'annonce rien de bon, suivi du moteur qui se coupe.

Je suis maudite!

Il fallait que ça tombe aujourd'hui. Alors que l'on m'attend pour un mariage et que je suis dans une longue robe rose, fendue de presque tout son long sur le devant de la jambe et affublée d'une paire d'escarpins aux talons vertigineux.

Le capot ouvert sur le parking du cimetière, les deux seules personnes qui auraient pu venir me prêter mains fortes ne sont pas disponibles. Judith est en Espagne avec son latino en train de passer un week-end caliente. Quant à mon père, il ne répond pas à mes appels.

Je ne sais pas quoi faire.

Je vais devoir prévenir mon cavalier du jour pour qu'il ne m'attende pas au point de rendez-vous que l'on s'était fixé.

• Je suis désolée tu vas devoir tenir compagnie aux petites mamies sans moi.

Il ne tarde pas pour m'appeler.

- Ana dis moi que c'est une blague !

- Crois moi, j'aurais aimé mais non. Ma voiture fait un bruit suspect et le moteur s'éteint quand j'essaie de le mettre en route. Je suis navrée mais je ne vais pas pouvoir venir. Tu m'excusera auprès de Paul s'il te plaît.

- T'es chez toi?

- Non je devais faire une course avant... avoué-je gênée de devoir faire appel à lui.

- D'accord dis moi où tu es, je viens te chercher.

- T'es sur? je ne voudrais pas te mettre en retard.

- Dis pas de connerie! Le mariage n'est que dans 45 min.

- D'accord je suis au cimetière communautaire. Tu peux pas me louper, une masse blonde et rose derrière une Audi, capot grand ouvert

- Humm… fais attention aux images que tu insinues dans mon esprit chérie, il rigole avant de raccrocher.

Le fait qu'il avoue ouvertement son attirance me réjouit mais me fait peur en même temps. Il ne tarde pas à arriver dans sa nouvelle voiture. D'un bleu nuit métallisé, je dois dire qu'elle en jette. Le bruit si caractéristique que le moteur émet me donnerait presque des frissons si l'allure assurée de Stan, sortant de sa voiture, ne prenait pas le dessus.

L'ensemble choisi la veille lui va à ravir. Ses cheveux sont savamment ordonnés et sa barbe, taillée court, laisse apparaître des petites fossettes qui se creusent lorsqu'il me sourit.

Je me détourne de son regard scrutateur pour qu'il ne devine pas mon trouble et me penche pour récupérer mes affaires sur le siège passager.

Je suis contente d'avoir pensé à prendre un bouquet et une carte en allant acheter une gerbe de fleurs pour couvrir la sépulture de mon frère ce matin. Je n'aurai pas aimé arriver au mariage les mains vides.

Mais cet imprévu met en péril notre accord d'avoir chacun son propre véhicule. C'était l'une de mes conditions au cas où j'aurais besoin d'un échappatoire.

Cette union tombe pile le jour anniversaire de la mort de mon frère et même si je fais mon maximum pour ne pas y penser, je n'y arrive pas. Cependant, j'ai remarqué que la présence de Stan me change tellement les idées que j'arrive à ne pas broyer du noir. Ce doit être cette attirance physique qui chamboule mes émotions. C'est uniquement pour cette raison que j'ai accepté son invitation. Il me servira de distraction.

Une distraction dangereuse pour ton petit cœur!

- Tu vas devoir aller te changer, me signale t-il l'air grave quand je réapparais de derrière ma portière.

Paniquée à l'idée d'avoir sali ma tenue en essayant de trouver la panne, je cherche vivement la raison de sa remarque en tournant sur moi-même.

- Hein quoi? Pourquoi ?

- Tu souhaites qu'on soit simplement amis, il marque une pause pour me reluquer de haut en bas, mais dans cette tenue ça va être compliqué!

- Pff t'es bête! Soufflée-je soulagée et flattée qu'il me complimente.

- Ah non je suis sérieux là c'est de la torture Ana, tu es magnifique.

- T'es pas mal non plus, me surpris-je à lui dire.

Non mais à quoi tu joues?

Ma conscience, ou mon cœur n'est pas d'accord pour que je rentre dans son jeu.

- Bon voyons quel est le problème de cette demoiselle, déclare-t-il en me contournant, une main glissant dans le creux de mes reins au passage, pour accéder au moteur.

- Laisse tomber, tenté-je de le dissuader, je pense que c'est le turbo, ne vas pas te salir.

Il dégage ses épaules de sa veste de costume et retrousse les manches de sa chemise immaculée.

À sa demande je tente de mettre le contact, le moteur démarre, siffle puis se coupe. Il ferme le capot, prend les lingettes que je lui tend et me fait signe de monter dans sa voiture tout en m'expliquant son premier diagnostic. Encore une fois, nous entamons un débat pour savoir qui de nous deux a raison.

L’odeur boisée de son parfum remplit l’habitacle et brouille mes pensées.

Je dois me concentrer pour ne pas permettre à mon esprit de divaguer.

Ce serait tellement facile de se laisser aller...