Nesrine Ammari Les Trônes Trahis CHAPITRE 15.1 : Phoebe.

CHAPITRE 15.1 : Phoebe.

— Comment vous sentez-vous, mademoiselle Pyrrha ? me demanda Vittoria par-dessus mon épaule.


Je ne répondis pas tout de suite, les mains crispées contre mon ventre. J’avais du mal à croire au reflet que me renvoyait le miroir. C’était la première fois que je me voyais en tenue de cérémonie. Malgré son tempérament irritable, Madame Clovia avait fait en sorte que ma robe de débutante me mette en valeur. La traine courte était ornée de plumes immaculées, assorties à la rangée de perles qui ornaient mon cou. Cette image sans défaut me donnait une illusion de normalité. Je ne ressemblais à rien d’autre qu’une jeune fille prête à entrer dans le monde. C’était sans doute l’impression que je donnais aux femmes de chambre. Supervisées par Vittoria, elles avaient passé des heures à embellir chaque parcelle de ma peau et de ma chevelure. À présent que j’étais prête, ces bonnes fées se répandaient en exclamations ravies.


— Callie ? insista mon amie. Quelque chose ne va pas ?


— Nerveuse, lâchai-je dans un souffle. Je me sens nerveuse.


— Je suis certaine que vous éblouirez tout le monde, intervint une domestique dans une tentative de me rassurer. Ne vous laissez pas abattre ! Ce soir, la cour n’aura que votre nom sur les lèvres.


— Espérons que ce ne soit pas pour les mauvaises raisons, répliquai-je.


Vittoria leva les yeux au ciel, et je lui adressai un sourire innocent. En vérité, j’étais résolue à ne pas commettre d’impairs. J’avais retenu la leçon depuis l’incident du voile. Je prévoyais de garder la tête froide du début à la fin. M’exposer au jugement de l’aristocratie Khilanienne était une étape incontournable. Si je voulais m’en sortir sans encombre, mieux valait éviter d’attirer plus d’attention que nécessaire.


Je haussai les sourcils en entendant quelqu’un frapper à la porte de ma chambre.


— Sommes-nous en retard ? m’inquiétai-je. Je croyais qu’il nous restait encore une quinzaine de minutes avant le signal.


— C’est juste, répondit Vittoria en consultant une montre à gousset.


Une femme de chambre s’empressa d’aller ouvrir. Pendant ce temps, je laissai ses collègues m’asperger de parfum. L’employée échangea quelques paroles avec le visiteur avant de revenir vers nous. Son hoquet surexcité me poussa à me retourner.


— Un valet a déposé ceci pour vous, m’annonça-t-elle en me tendant un écrin de velours.

J’esquissai un geste pour m’en emparer, mais Vittoria me devança. Son expression méfiante se changea en scepticisme lorsqu’elle ouvrit le boitier.


— Qu’est-ce que c’est ? lançai-je avec une curiosité grandissante.


— Cela m’a tout l’air d’être un présent, déclara mon alliée avec réticence.


Sans ajouter un mot, elle déposa un splendide bracelet au creux de ma paume. La lumière de la pièce se reflétait à la surface limpide des diamants. Hypnotisée, je soupesai le lourd bijou un instant.


— Savez-vous de qui il provient ? s’enquit la femme de chambre en ouvrant des yeux ronds.


— J’ai une petite idée, murmurai-je simplement.


— Il s’agit probablement d’une attention de la reine Kassandre, prétendit Vittoria avec un sourire forcé. Elle offre des cadeaux aux débutantes tous les ans.


— C’est bien vrai ! approuva la domestique. Sa Majesté a toujours été très généreuse avec ses protégées. Je vais vous aider à le mettre.


Elle glissa le bracelet à mon poignet, par-dessus mon gant de satin blanc. J’échangeai un regard entendu avec Vittoria, qui dissimulait sa réprobation derrière un sourire de façade. L’apparence inoffensive des joyaux ne suffisait pas à la duper. Je savais qu’elle était tentée de les examiner sous toutes les coutures à la recherche d’un élément menaçant.


— Ce sera tout, mesdames ! s’exclama la jeune fille en tapant dans ses mains. Merci de votre aide, vous pouvez disposer.


Les domestiques me gratifièrent d’une courbette avant de prendre congé. Vittoria vérifia que la porte était bien fermée avant de se tourner vers moi :


— Auriez-vous quelque chose à me dire, Votre Altesse ? m’interrogea-t-elle d’un ton détaché.


— J’ai accepté que le roi Emrys soit mon cavalier ce soir, avouai-je sans la regarder. Ma première danse lui est réservée.


Alors que je redoutais sa réaction, la Cidienne se contenta de baisser les yeux sur mon poignet. Elle ne paraissait pas surprise le moins du monde.


— Pensez-vous qu’il soit l’expéditeur de ce bracelet ?


— C’est une possibilité, répondis-je avec une lenteur précautionneuse. Ou alors, c’est bel et bien une marque d’attention de la reine. Il faudrait voir si les autres filles en ont reçu un.


— Cela dit, commenta Vittoria après une fraction d’hésitation, je comprends mieux pourquoi vous avez passé les derniers jours à mémoriser des pas de danse.


— Ce serait dommage de me ridiculiser sur la piste, lâchai-je. Être en décalage avec le reste des débutantes pourrait paraître suspect. D’autant qu’on ne danse pas dans le même style à Cidia. Je ne pourrai pas mettre en pratique ce que m’as appris.


Si je n’étais pas complètement ignorante des chorégraphies répandues à Sunscar, c’était grâce à Vittoria. Sensible à ma tristesse, elle avait fait en sorte que je puisse goûter de loin à l’euphorie des fêtes. Mon amie s’était improvisée maître-à-danser, puisque je ne pouvais pas bénéficier du même enseignement qu’Astoria et elle. Je gardais un merveilleux souvenir des heures passées à valser sur le sol de mes appartements.


— Nous danserons au couronnement de votre sœur, affirma-t-elle. Vous serez accueillie en héroïne à Cidia, une fois que tout ceci sera terminé. Il ne sera plus question pour vous de rester dans l’ombre. Vous mériterez que le palais donne un bal en votre honneur.


— Je ne sais pas quelle place j’aurai à la nouvelle cour d’Astoria, soupirai-je en m’éloignant du miroir. Je ne veux pas y penser, nous aviserons en temps voulu.


— Vous avez raison, Votre Altesse. Trop ressasser le futur ne sert à rien.


Sur ces mots, elle se dirigea d’un pas décidé vers l’autre côté de la chambre. D’un air absent, je la regardai choisir une arme parmi la panoplie dissimulée sous une latte de parquet. Elle entreprit de glisser une dague dans sa jarretière. J’étais étonnamment soulagée que l’adolescente n’ait pas cherché plus de détails concernant Emrys et moi. Il ne restait plus le moindre vestige de notre soirée ensemble. J’avais confié la veste de Paris à un laquais en prétendant l’avoir trouvée par hasard.


— Soyez prudente ce soir, Votre Altesse, me recommanda Vittoria en abaissant les pans de sa robe bleue. Ne prenez pas de risque inutile.


— Je ne vois pas ce qui pourrait mal se passer, répliquai-je avec plus de calme que je ressentais en réalité. Tu seras présente dans la salle. Je n’aurai qu’à te chercher du regard au premier souci.

Les bras fermement croisés, la jeune fille prit une profonde inspiration. Ses traits tendus trahissaient un dilemme à résoudre. Je fis un pas en avant pour l’inciter à m’en parler.



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6 commentaires

Anne-Estelle

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Il y a 2 ans

La fin du concours approche, mais ton histoire me plaît toujours autant :-)

Nesrine Ammari

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Il y a 2 ans

Merci ! J'espère pouvoir publier encore quelques chapitres <3

Nesrine Ammari

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Il y a 2 ans

Merci ! J'espère pouvoir publier encore quelques chapitres <3

La plume des rêves

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Il y a 3 ans

Petit coup de plume 🪶hésite pas à passer 🦋

Leenargent

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Il y a 3 ans

Coup de pouce ! J'ai hâte de voir comment va se passer le bal : )

Leana Jel

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Il y a 3 ans

Petit pouce !
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