Fyctia
CHAPITRE 15.2 : Phoebe.
— Je m’inquiète pour des raisons différentes, me confia-t-elle d’une voix prudente. Vous êtes dotée d’une force de caractère inouïe, mais vous semblez vous aventurer en terrain inconnu. Votre mission est de tuer Emrys Hartless, et libre à vous d’y parvenir par le biais d’un quelconque stratagème. Prenez seulement garde à ne pas mettre votre cœur en danger.
— Mon… mon cœur ? bégayai-je. Vittoria, ce que tu dis est absurde.
— Je n’insinue rien, Votre Altesse, riposta-t-elle avec un sourire indulgent. Mes paroles ne sont qu’une mise en garde. Le roi peut se montrer très charmant quand il a une idée derrière la tête.
— Rien ne pourrait me détourner de ma vengeance, protestai-je en serrant les poings. Emrys m’a déjà enlevé mes parents, il ne me prendra rien d’autre !
Mon alliée parut sur le point de reprendre la parole, puis se ravisa. Elle inclina le menton en signe de respect.
— Le moment est venu, repris-je en passant les mains sur ma robe. Les invités doivent s’impatienter, je m’en vais prendre ma place auprès des débutantes.
— Bien, murmura Vittoria. Nous nous reverrons dans la salle de bal. Je vous souhaite bonne chance.
***
Un silence nerveux régnait en maître dans le hall où étaient rassemblées les débutantes. Le cliquettement des talons contre le carrelage était le seul son qui m’emplissait les oreilles. Nous étions toutes vêtues de robes aux tons clairs, comme le dictait l’étiquette. Le blanc crème et le bleu ciel prédominaient. Seule Allison Niklaus avait opté pour un rose pâle qui lui allait à ravir. Les nerfs à fleur de peau, nous attendions toutes le coup d’envoi de l’évènement le plus fastueux de la saison. D’un instant à l’autre, nous ferions notre entrée à tour-de-rôle dans la salle de bal. Cet ordre était déterminé par la place que chacune de nous occupait dans la hiérarchie. La fille du duc de Logelis serait la première à être présentée, tandis que je passerais en dernier.
Le bois sculpté de l’imposante porte laissait filtrer le bourdonnement des conversations. Au bout de la file, je m’exhortais au calme. Mon cœur tambourinait tellement fort dans ma poitrine que les autres risquaient de l’entendre. Je me répétais que mon émoi était exagéré. J’étais une princesse royale de Cidia, je n’avais rien à prouver à ces gens-là. Callie Pyrrha était une entité conçue pour plonger Khilan dans le chaos. Je ne devais pas laisser ma véritable identité s’effacer face à la beauté de cette soirée. Je n’étais pas ici pour m’amuser.
Un son de trompette retentit alors, et la porte s’ouvrit au ralenti. Tandis qu’une vague d’excitation traversait la file de débutantes, je me mis à compter mes inspirations. J’étais trop loin pour avoir une vue imprenable sur la scène, mais j’entendis une voix de stentor annoncer :
— Lady Rochelle Logelis, fille de Leurs Grâces Pierce et Laurel Logelis.
Je me rapprochais de la salle de bal à mesure que les présentations se succédaient. Lorsqu’il ne resta plus qu’une poignée de jeunes filles dans la file, Sybille me lança un clin d’œil complice par-dessus son épaule.
— Prête à entrer dans la fosse aux lions ? chuchota-t-elle.
— C’est maintenant ou jamais, ripostai-je avec un sourire.
— Joli bracelet, me complimenta-t-elle en désignant mon poignet.
Je la remerciai à voix basse, et la débutante regarda de nouveau devant elle. Je n’avais entendu aucune de mes camarades parler de cadeaux. Apparemment, j’étais la seule à en avoir reçu. Cette pensée me noua l’estomac.
Sybille fut appelée quelques minutes plus tard, et je me retrouvai seule. Le sang battant mes tempes, je résistai à l’envie de tourner les talons avant le signal. Sur le pas de la porte, j’avais enfin tout le loisir de découvrir la salle de bal. Une multitude de chandeliers brillaient au plafond, agrémentés d’or et de cristaux. Le carrelage clair était si lustré que le haut plafond s’y reflétait. Des vitraux aux couleurs vives traversaient les murs. Je déglutis en voyant enfin la masse de silhouettes qui attendait mon arrivée. Je n’avais jamais été exposée à autant de regards en même temps. C’était Astoria qui avait grandi sous les yeux de la foule, pas moi.
Le son de trompette se fit entendre, et mon corps réagit de lui-même. Mes jambes me portèrent en avant.
— Mademoiselle Callie Pyrrha, descendante d’Achilles Pyrrha !
Je me composai une expression assurée et entrai dans la pièce d’un pas aérien. Je fis la sourde oreille aux commentaires qui fusaient autour de moi. La lumière dorée m’aveugla un instant, mais je continuai de marcher sans trahir mon incertitude. Je connaissais le protocole par cœur. Tout irait bien tant que je gardais des traits impassibles.
Entourée de suivantes, la reine Kassandre était installée sous un dais pourpre. Une tiare grandiose posée au sommet de son crâne, elle irradiait de beauté et d’énergie. Je m’inclinai face à elle tout en me demandant où était Emrys. Il aurait dû se trouver sur le trône voisin de celui de sa belle-mère. En me redressant, je ne pus m’empêcher de me sentir un peu perdue. Les débutantes devaient ouvrir le bal au bras d’un cavalier de leur choix. Celui-ci pouvait être un prétendant ou un homme de leur famille. Je promenai un regard sur l’assistance. Les couples se dirigeaient déjà vers l’immense piste de danse. On attendait de moi que je leur emboîte le pas.
Un goût amer se répandit dans ma gorge. Serait-il possible que le roi ait décidé de s’absenter ?
Deux solutions s’offraient à moi. Je pouvais faire l’impasse sur cette première danse. Cela me vaudrait la colère de Kassandre et le dédain de la cour, mais je survivrais. Ou alors, je pouvais rester les bras ballants en attendant qu’un jeune noble m’invite à danser. Cette seconde alternative était la plus pitoyable. De l’autre côté de la salle, les membres de l’orchestre accordaient leurs instruments. Une brusque colère me réchauffa les joues. Et si Emrys l’avait fait exprès pour m’humilier ?
Je sentis une présence dans mon dos au moment où résonnaient les premières notes de musique.
— Je suis heureux que vous ayez reçu mon bracelet à temps, me glissa une voix rauque à l’oreille. Il vous va à la perfection.
Je me retournai et mon cœur rata un battement. Emrys se tenait à quelques centimètres de moi, un sourire goguenard plaqué sur le visage. Dans son costume de fête immaculé, il était aussi beau qu’Adis. Une multitude de médailles étincelaient sur son torse athlétique. Pendant une fraction de seconde, je fus incapable de parler. Cela ne lui échappa pas, et la fossette sur sa joue se creusa un peu plus. Ma conscience me rappela aussitôt à l’ordre. Ce jeune homme était l’ennemi juré de Cidia, la menace que je devais éradiquer.
13 commentaires
Sue_Auteure
-
Il y a 3 ans
Nesrine Ammari
-
Il y a 3 ans
RosaRosis
-
Il y a 3 ans
Nesrine Ammari
-
Il y a 3 ans
Juste_Lucie
-
Il y a 3 ans
Nesrine Ammari
-
Il y a 3 ans
Mira Perry
-
Il y a 3 ans
Leana Jel
-
Il y a 3 ans
Leenargent
-
Il y a 3 ans
Nesrine Ammari
-
Il y a 3 ans