Fyctia
CHAPITRE 9.2 : Emrys.
D’humeur plus légère, je gravis les dernières marches qui menaient à mes appartements. Callie Pyrrha n’était pas la seule à avoir besoin d’une nuit de sommeil réparateur. Le pas traînant, je traversai le couloir en étouffant un bâillement à grand-peine. Je ne remarquai pas tout de suite qu’une ombre faisait les cent pas, quelques mètres plus loin. Une fois roi, mon premier réflexe avait été de congédier les gardes désireux de surveiller ma chambre à toute heure. En plus d’accorder une grande importance à mon intimité, j’avais foi en mes compétences. Aucune menace ne faisait le poids face à la dextérité avec laquelle je maniais une arme.
Tous mes sens se mirent en alerte lorsque j’approchai de la double-porte en bois massif. Une anxiété extrême transparaissait de la posture de Hero Avir. Les épaules crispées, il s’agitait en serrant et desserrant les poings.
— Votre Majesté ! s’exclama-t-il en m’apercevant. Je ne voulais pas vous importuner, mais une affaire urgente requiert votre attention.
Parfaitement réveillé, je haussai un sourcil pour lui intimer de poursuivre. Un sentiment d’horreur faisait trembler mes os. Je n’avais jamais vu le garde dans un tel état. En temps normal, il était aussi solide et inébranlable que la roche des falaises de Norwich. Son agitation ne me disait rien qui vaille, mais il en fallait plus pour me faire perdre mon sang-froid. J’étais déterminé à tout affronter avec la tête haute.
— Calmez-vous, Hero, exigeai-je. Vous êtes un membre estimé de la garde royale, pas une poule mouillée !
Ma réprimande le fit tressaillir, et une grimace penaude tordit ses traits. Dans la pénombre, sa cicatrice était réduite à une simple marque blanchâtre.
— Vous êtes attendu au donjon, sire, m’informa-t-il d’une voix mesurée. Nous avons intercepté un homme dangereux au sud du pays, suite au signalement des villageois. Nombre d’entre eux ont été témoins de… phénomènes inexpliqués.
— Voyez-vous cela, murmurai-je pour moi-même.
Je joignis le bout des doigts en comptant mes inspirations. Le regard gris de Hero fouillait prudemment mon visage. À la recherche d’instructions ou d’un futur déferlement de rage, cette dernière option étant la plus probable. Une fois certain de ne pas réagir au quart-de-tour, j’ajoutai :
— Qu’essayez-vous de me dire, au juste ?
— Il semblerait qu’un païen ait réussi à se mêler à la population Khilanienne pour un temps, révéla le jeune homme d’un ton lent. Par chance, il a été démasqué avant de causer des dommages.
Abandonnant mes bonnes résolutions, je l’empoignai par le col et le plaquai contre un mur. Le lendemain, un bel hématome ornerait sans doute l’arrière de son crâne. Hero ne chercha pas à se défendre, il se contenta d’émettre un sifflement de douleur. Ses bras puissants ne firent pas mine de bouger. J’avais vu juste à son sujet. Le garde Avir était habitué à subir des traitements désagréables.
Pendant une fraction de seconde, une pointe de culpabilité faillit prendre le pas sur ma colère. J’étais conscient de me montrer injuste envers lui. Hero n’était en aucun cas le maître du jeu, il ne faisait qu’obéir aux ordres. Je commettais une erreur de débutant en m’en prenant au messager. Malheureusement pour lui, c’était plus fort que moi. J’avais besoin de déverser ma frustration sur quelqu’un.
— Je croyais que la question des Cidiens à la frontière était en passe d’être réglée ! aboyai-je. La bouche en cœur, vous me l’avez assuré il y a à peine une semaine. Pour qui me prenez-vous ? Je suis votre roi, Avir. Quand je soulève un problème, je m’attends à ce qu’il soit résolu. Vous et les autres feriez mieux de ne pas l’oublier.
Il ne répondit pas, la nuque penchée en avant sous le poids de la honte. Je le lâchai en poussant un soupir exaspéré. Après avoir si bien commencé, ma soirée tournait au cauchemar. Un Cidien, sorcier de surcroît, avait réussi à se faire passer pour un paysan de mon royaume. Il était parvenu à duper les gardes à la frontière, en dépit de leur surveillance acérée, et à se mêler à l’existence saine de Khilan. Je me pris la tête entre les mains en poussant un juron sonore. Combien d’autres hérétiques se cachaient-ils juste sous notre nez ?
— La menace a été appréhendée, sire, insista Hero d’une voix hésitante. Le prisonnier recevra le châtiment que vous jugerez adéquat. J’ai pensé que vous aimeriez l’interroger d’abord.
Avec un rire acerbe, je pivotai sur mes talons. Je ne me retournai pas pour vérifier que le garde me suivait. S’il tenait à converser sa tête sur ses épaules, il ne tarderait pas à m'emboiter le pas. Tout en marchant d’un pas vif, j’extirpai Fury de son fourreau. Le son produit par l’acier m’évoqua la plus douce des mélodies.
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Camille Jobert
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