Fyctia
Chapitre 5 : Petit oubli
Et merde.
Ma valise est toujours dans le salon et devinez ce qu'il y a dedans ? Mes vêtements.
Je me maudis intérieurement pour mon erreur. Mes vêtements sales sont trempés et mon tee-shirt blanc est même devenu transparent avec l'eau. Clairement, je ne peux pas les remettre pour aller chercher ma valise. Et ce n'est pas comme si Argos pouvait s'en occuper... Il est intelligent mais pas à ce point-là quand même.
Je n'ai pas trop le choix... Je vérifie que ma serviette est solidement attachée et enroule mes cheveux dans une autre plus petite pour éviter qu'ils ne goûtent.
Je sors de la salle bain et passe la tête par la porte de ma chambre. Personne en vue, c'est le moment où jamais. Sur la pointe des pieds, je traverse le couloir. Arrivée devant la chambre de mon patient/coloc, je retiens ma respiration comme si ça allais me rendre invisible. Stupide je sais mais c'est le mieux que je puisse faire dans l'immédiat.
Heureusement, sa porte est fermée. Avec un peu de chance, il est en train de dormir comme Argos ou un truc dans ce style.
Je descends les escaliers qui grincent un peu sous mon poid. Je me fige aussitôt mais personne n'arrive en courant pour voir ce qu'il se passe donc je suppose que ça doit être bon.
Je continue mon chemin jusqu'à arriver au salon. Maintenant que la nuit est tombée, l'ambiance est un peu plus effrayante. J'ai l'impression d'être redevenue enfant et d'avoir peur des monstres cachés sous mon lit. Au moins, ils étaient fictifs ceux-là.
Dans le salon, je n'ose pas allumer la lumière - ce qui me serait pourtant utile- et cherche à l'aveuglette ma valise. Je me cogne contre le canapé et la table basse sans la trouver. Mais où est-elle passée ? Ce n'est pas comme si ce salon fait la taille d'un hangar !
Finalement, après plusieurs minutes d'intenses recherches et de cognage de petit orteil, je met enfin la main sur ce que je suppose être ma valise. C'est pas trop tôt !
Pile à ce moment-là, la lumière s'allume - me rendant aveugle au passage. Lorsque mes yeux finissent par s'adapter à la luminosité, je repère mon patient/coloc, debout dans l'encadrement de la porte. La scène pourrait presque être comique si ça ne me rappelais pas ma rencontre désastreuse avec lui quelques heures plus tôt et si je n'étais pas seulement vêtue d'une serviette.
_Mais qu'est-ce que vous faites là ? Me demande-t-il en me dévisageant, à la fois incrédule et exaspéré.
Je n'aime pas le ton qu'il prend, on dirait qu'il gronde une enfant de cinq ans. Sauf que j'en ai vingt de plus.
_Je viens récupérer ma valise.
D'un geste de la main, je la désigne à côté de moi. À ce que je sache, j'ai le droit d'aller où je veux dans cette maison alors pourquoi semble-t-il contrarié ? Moi aussi, je peux être contrariée de le voir !
Calme, Océane ! N'oublie pas que c'est ton patient !
Il hoche la tête et ajoute :
_Si vous avez faim, regardez dans le frigo, il doit y avoir de quoi manger.
Il se retourne, sans doute pour aller dans sa chambre. Sauf que si je veux que cette drôle de colocation se passe le mieux possible, il faut que je m'entende bien avec lui. Et ce n'est pas possible s'il est enfermé dans sa chambre. Vite, Océane, trouve un truc à dire, n'importe quoi ! Je lance le premier truc que me passe par la tête :
_Dites, votre chat, il s'appelle vraiment Donatello ?
Si je me souviens bien, c'est comme ça qu'il avait appelé son chat lorsque ce dernier courrait derrière mon pauvre Argos.
_Oui, acquiesce-t-il, méfiant. Pourquoi ?
_C'est original comme nom, je commente. Généralement, un chat s'appelle Félix, Caramel ou quelque chose dans ce genre là. Mais c'est très beau, hein, Donatello. C'est très-
Non mais qu'est-ce que je raconte ? Lorsque je ne sais pas quoi dire j'ai tendance à parler de tout et n'importe quoi. Surtout n'importe quoi...
Heureusement pour moi et surtout pour lui, il me coupe :
_C'est en référence au sculpteur.
_Le sculpteur ?
_Oui. Donato di Niccolò di Betto Bardi, un sculpteur italien du 15ème siècle.
Je hoche la tête même si ça ne me dit rien. En même temps, quelle idée d'appeler son chat en référence à un artiste du Moyen-Âge ?
Encore un truc d'artiste...
Lors de mon appel avec Mme Davis, elle m'a notamment expliqué que son fils est sculpteur professionnel. Et au vu de sa maison, ça a l'air de bien payer !
_Je ne veux pas paraître offensant, mais j'ai du travail à faire et vous devriez aller vous habiller, mademoiselle l'infirmière, intervient alors Eden.
Oh, c'est vrai. J'avais complètement oublié que j'étais à moitié nue.
_Euh, oui en effet, je répond, mortifiée.
Je file, ma valise en main, sans demander mon reste. Tant pis ! J'aurais d'autres occasions pour créer un lien avec lui.
***
PDV Eden
L'infirmière monte rapidement et si elle ne semblait pas indifférente à la situation, j'aurais pu croire que ma remarque l'a gênée.
Je ne sais pas si elle est aussi à l'aise avec tous ces patients mais, une chose est sûre, ce n'est pas mon cas ! Même si j'ai toujours préféré l'art aux femmes, en voir une juste devant mes yeux seulement vêtue d'une serviette ne me laisse pas indifférent. Surtout qu'il n'y a pas à dire, l'infirmière est incroyablement belle. J'ai rencontré toutes sortes de femmes au cours de ma vie (professionnelle et personnelle) mais je n'en ai jamais vue une comme elle. À savoir : belle et au fort caractère.
Je secoue la tête pour chasser ces pensées ridicules et je m'aperçois alors que je suis dans mon atelier.
C'est carrément devenu un réflexe d'y aller. Sauf que maintenant que je ne suis pas sûr de pouvoir un jour utiliser à nouveau ma main, ça ne sert plus à rien. Sauf à me rappeler mon handicap.
Je sors en claquant la porte, frustré.
Pourquoi de toutes les personnes sur Terre, cet accident a dû m'arriver à moi ? J'ai toujours été plutôt prudent sur la route et je ne prends pas le volant quand je bois.
Mais il a fallu qu'un crétin prenne le volant bourré à deux heures du matin. Et qu'il s'endorme en conduisant. Le pire dans tout ça, c'est qu'il n'a presque rien eu. Moi en revanche, c'est ma carrière qui en a pris un coup.
Ma main est mon outil de travail. Sans elle, je ne suis rien.
Comme pour me narguer, ma main fracturée m'envoie une petite décharge de douleur qui me fait grimacer.
Je remonte dans ma chambre avec la ferme intention d'hiberner pendant deux-trois mois, le temps pour mon corps de guérir et que Noël soit passée. Ah oui, parce que les blessures de mon corps ne suffisaient pas, il faut aussi que je passe Noël sans ma famille. Le travail de mon petit frère et l'état de santé de mon père ne leur permettent pas de venir en Europe et le médecin m'a ordonné de rester chez moi me reposer pour le mois qui suit. Résultat : je vais fêter ma fête préférée depuis que je suis gosse tout seul.
Et l'infirmière.
Mais ce n'est pas pareil. Qui voudrait passer Noël avec une parfaite inconnue au lieu de sa propre famille. Surtout qu'elle-même doit avoir une famille avec qui elle ne pourra pas fêter Noël.
1 commentaire
natha_lit
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Il y a 14 jours