Fyctia
Chapitre 2 : Le contrat
Lorsque je sors enfin, je constate que j’ai un appel manqué inconnu. Je rappelle le numéro et dès la deuxième sonnerie, quelqu'un décroche.
_Bonjour, Océane François à l’appareil, je commence de ma voix la plus professionnelle. J’ai vu que vous aviez essayé de me joindre ?
_Oui, bonjour, me répond une voix féminine avec un léger accent (américain ?). Je vous appelle suite à la recommandation d’une autre infirmière libérale, Amélie Richard. Je suis Tessa Davis, la mère du patient.
_Oui, Amélie m’en a parlé, que puis-je faire pour vous, Mme Davis ?
J’attrape mon ordinateur et m’installe plus confortablement. Depuis que j’ai reçu le mail d’Amélie, il s’est passé quoi, une heure et demie ? Je ne pensais pas que j’aurais un appel de leur part aussi tôt.
_Mon fils a eu un accident de voiture il y a deux semaines et il va sortir de l’hôpital d’ici quelques jours. Comme ni moi ni un autre membre de la famille ne peut venir, il faudrait qu’une infirmière l’assiste pendant le mois qui suit et s’occupe de ses soins presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
_D’accord… Pouvez-vous m’en dire plus sur les blessures de votre fils et sur les soins nécessaires ?
_Il a deux côtes fêlées, quelques plaies suturées sur le torse et une entorse à la cheville. Il a aussi une fracture à sa main droite. Votre travail serait plutôt simple. Il consisterait à lui donner ses donner antalgiques, à veiller sur la guérison de ses blessures et s’assurer qu’il ne les aggrave pas.
Rien d’inhabituel jusque-là. Je note malgré tout soigneusement toutes les informations données pour être sûre de ne rien oublier.
_Et quelle serait la fréquence des visites ? Une fois par jour, tous les deux jours, par semaine ?
_En réalité, il ne s’agirait pas de visites à proprement parler…
_Comment ça ?
Je ne comprends pas où elle veut en venir… Mais, en y réfléchissant bien, c’est vrai qu’Amélie avait évoqué un client particulier dans son mail… Oh non. Pourvu qu’il ne s’agisse pas de lui faire sa toilette matin et soir comme je dois le faire à bon nombre de personnes âgées… Même si c’est assez fréquent dans mon métier, je déteste ça. En même temps, qui aimerait doucher et mettre des couches à des vieux ?
_En fait, il faudrait que vous emménagiez chez lui pour une durée d’environ un mois – soit la durée du contrat – afin de s’occuper de lui et de l’aider. Mon fils habite seul et je crains qu’il ne se blesse encore plus pendant sa convalescence. Je sais que le moment n’est pas idéal et que vous avez sans doute de meilleurs projets pour Noël mais le salaire sera adapté en conséquence.
Face à mon silence, elle poursuit :
_Voyez ça comme une sorte de colocation temporaire durant laquelle vous devrez lui prodiguer des soins. Bien sûr, vous n’aurez pas à l’assister tout le temps. C’est plus par mesure préventive qu’autre chose.
_Donc, récapitulé-je, il faudrait que j’emménage chez votre fils pendant à peu près un mois pour mieux l’aider et veiller à ce qu’il ne se fasse pas mal. Et, en dehors des soins dont je suis chargée, je fais plus ou moins ce que je veux. C’est bien ça ?
_Oui, tout à fait. Je sais que ma demande est un peu inhabituelle mais c’est le mieux que j’ai pu trouver dans l’immédiat…
C’est le moins qu’on puisse dire… Ce contrat me fait plus penser à du babysitting qu’à autre chose mais bon, ce n’est pas comme si j’avais autre chose de prévu. Et puis, l’expérience pourrait même se révéler amusante.
Durant l’heure qui suit, Mme Davis m’explique plus en détail mon rôle et m’envoie le contrat que nous lisons ensemble. À priori, tout semble correct, de la durée du contrat aux soins en passant par le salaire qui, comme promis, dépasse de loin toutes mes attentes. Nous convenons donc que je commencerais samedi prochain, soit le 26 novembre.
Autre bonne nouvelle, Argos fait aussi partie de l’aventure ! Mme Davis m’a simplement avertie qu’Eden (son fils) a un chat un peu agressif mais Argos est généralement calme alors ça devrait bien se passer.
***
C’est ici. Enfin, je crois. Je vérifie mon GPS mais ça a l’air d’être cette grande maison qui me fait face. C’est bizarre, elle est seule au milieu de nulle part, entouré de verdure, comme si elle était soudainement sortie de nulle part.
Depuis l'appel de Mme Davis il y a quelques jours, le temps est passé très vite. Du moins, c'est mon impression. Je me suis occupée une dernière fois de mes autres patiens avant qu'ils ne s'en aillent et j'ai préparé mes affaires. Et maintenant, me voici, devant la maison de mon patient/coloc.
Argos me jette un coup d’œil, me demandant silencieusement ce que j’attends pour sonner.
_Oui, c’est bon, je m’en occupe !
Je grimpe les quelques marches, mon chien sur les talons. Je ne réfléchis pas et appuie sur la sonnette, ma valise à la main.
Pas de réponse. Je patiente un petit peu, après tout il ne faut pas oublier que mon patient/coloc est blessé. Venir m’ouvrir doit lui prendre du temps. Oui, c’est sûrement ça. Au bout de cinq minutes sans réponse, je retente. Toujours rien.
_Peut-être qu’il n’est pas là ?
Comme pour me prouver le contraire, Argos pousse la porte qui s’ouvre sans difficulté.
« Tu vois ? » semble-t-il me dire ?
_Il y a quelqu’un ?
Une fois de plus, seul le silence me répond. Génial.
_Il faudrait peut-être aller vérifier qu’il aille bien, non ? Je demande à Argos. Des fois qu’il lui soit arrivé quelque chose.
Bien évidemment, il ne me répond pas. En même temps, c’est un chien, Océane. Tu t’attendais à quoi ?
Mais s’il avait été humain, j’en suis sûre, il m’aurait encouragée.
Il ne m’en faut pas plus pour rentrer. À première vue, la maison est vide. Mais comme elle semble immense, je ne peux pas en être sûre. Je passe devant un salon, une cuisine et une salle à manger mais le propriétaire ne se montre toujours pas.
Je sais que je devrais me concentrer sur la recherche de mon patient/coloc mais je ne peux m’empêcher d’admirer la décoration intérieure. La maison fait très moderne et propre, ce qui est assez étonnant au vu de son aspect ancien à l’extérieur et du fait qu’un homme seul y réside.
_Tu penses qu’il est là ? Je demande à Argos.
Sauf qu’Argos a lui aussi disparut. Et mince.
_Argos ! T’es où ?
Je retourne sur mes pas mais je ne le retrouve pas.
_Argos, ce n’est pas le moment de jouer à cache-cache ! Je te rappelle qu’on sait même pas où mon patient/coloc est !
J’entends alors un léger bruit derrière moi.
_Je peux savoir ce que vous faîtes dans mon salon ? Me demande une voix grave et masculine, bien différente des habituels aboiements d’Argos.
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