Fyctia
Chapitre 1
J’aimerais dire que la mort ne fait pas mal. Mais ça ne serait qu’un putain de mensonge. Parce que la vérité, c’est que j’ai horriblement mal. Et si ce n’était qu’à un seul endroit… Mais non, même pas. Tout mon corps me fait atrocement souffrir. Je n’ai mais cru en aucun dieu mais maintenant, l’idée d’un être supérieur qui nous observe n’est plus aussi ridicule qu’avant. Comment expliquer sinon que je meurs comme ça ? Ça ne peut être que l’œuvre d’un sadique qui, en plus de causer ma mort, a décidé que je souffrirai le martyr en attendant mon jugement.
Mais soudain, plus rien. La douleur s’efface et l’obscurité m’enveloppe. Je ne sens plus rien, je n’entends plus rien, je ne vois plus rien.
Rien. Nothing. Nada. Putain, je ne sais même pas le dire en d’autres langues. Je savais que j’aurais dû prendre italien ou allemand en plus lorsque j’étais au lycée. Au moins, je serais mort de façon dramatique mais j’aurais pu exprimer mes dernières volontés en italien et c’est déjà vachement plus sexy que le français. Enfin, c’est mon avis.
Mais ça ne sert à rien de le regretter maintenant. Italien ou pas, je suis en train de mourir. À cause d’un stupide accident de voiture en plus. Si c’est pas con ça. J’imagine déjà les grands titres demain : « Le célèbre sculpteur, Eden Davis, perd tragiquement la vie dans un accident de voiture » « Créativité en roue libre : Eden met fin à sa carrière sur l’autoroute. »
Tiens, il est pas mal ce dernier. Si je n’avais pas été artiste, j’aurais peut-être pu devenir journaliste.
Je me sens alors partir. Comme si mon esprit quittait mon corps. Mais, merde, je ne suis pas prêt à mourir ! Je n’ai que 28 ans, j’ai encore toute la vie devant moi !
***
Deux semaines plus tard
PDV Océane
Comme tous les matins, j’attends que mon réveil sonne pour me lever. Plus que quelques secondes et…
Bip Bip Bip-
Je désactive l’alarme et me redresse dans mon lit. Il n’est que cinq heures mais je n’arrive jamais à dormir très longtemps. Ce n’est pas que je n’en ai pas envie, bien au contraire, je suis crevée, mais mon cerveau refuse de le comprendre. À croire que ça l’amuse de me garder éveillée toute la nuit.
Par moment, je me demande vraiment si c’est ce même organe qui contrôle tout mon corps. Impossible que ce qui me maintient en vie tous les jours soit aussi la stupide chose qui refuse de me laisser dormir comme toute personne normalement constituée.
Chaque jour, je mets un réveil à 5h du matin et me force à rester dans mon lit jusqu’à ce qu’il sonne pour lutter contre ce que j’ai appelé la défaillance de mon cerveau. Résultat : en une nuit, je connaissais par cœur les cent premières décimales de Pi.
Mais ce n’est pas le sujet. Alors que la majorité de la France dort encore, moi, Océane François, suis bel et bien réveillée.
Je me sors de mon lit et sursaute presque aussitôt lorsqu’un glapissement se fait entendre.
_Oh, Argos, désolée, je ne t'avais pas vu !
Mon chien se relève et me lance un regard peiné avant de s'enfuir de ma chambre en direction du salon. Argos est un berger australien assez particulier. Je l'ai adopté à la SPA après qu'il ait été abandonné par sa précédente famille. Il n'avait qu’un an à l'époque. C'est peut-être pour ça qu'il est hypersensible. Par moment, on dirait même qu'il a plus d'expression humaine que moi !
Je vais dans la cuisine et me fais couler un café. Au vu de la journée qui m'attend, ce ne sera sans doute pas le seul… Je vide mon café d’un trait et consulte mon adresse mail pour voir ce que j'ai loupé.
À première vue, rien de très important. Sauf un mail avec comme objet « URGENT !!! » qui vient d’Amélie. Tout comme moi, Amélie est infirmière libérale. Nous nous sommes rencontrées à l'université et avons gardé contact depuis. Il m’est déjà arrivé de lui demander de me remplacer quelques heures auprès d'un patient et vice-versa lors d'un imprévu. Ça doit être pour la même raison qu'elle m'écrit.
« Coucou Océane,
Je viens de recevoir une proposition de contrat pour s'occuper d'un patient un peu particulier pendant environ un mois mais je ne suis pas dispo vu que je vais passer les fêtes de fin d'année avec ma famille. Je me disais que ça pourrait peut-être t'intéresser. Si c'est le cas dis-le moi pour que je te mette en contact avec la famille du patient.
Bisous,
Mélie. »
Je n'ai pas besoin de beaucoup réfléchir pour savoir que je vais accepter ce contrat. Décembre approche à grands pas et tous mes patients partent en vacances chez leur famille. Ce qui est génial pour eux, hein. Mais un peu moins pour moi car ça ne fait que souligner à quel point je suis seule. Toute distraction est donc la bienvenue.
J'envoie rapidement une réponse à Mélie pour lui dire que je suis d'accord. Il ne reste qu'à discuter des termes du contrat avec le patient et ça sera bon.
Je ferme mon ordinateur et décide d'aller me promener avec Argos. Même si nous sommes déjà fin novembre, il n'a pas encore neigé. Ça me déprime d'autant plus. Je n'ai jamais aimé les fêtes de fin d'année et tout ce qui s'y rapporte mais la neige est l'exception.
Mais bon, j’adore me promener avec Argos tôt le matin. Il n'y a presque jamais personne et voir la ville endormie est vraiment agréable, même si j’aurais préféré la voir recouverte d’un épais manteau blanc.
_Tu viens, Argos ?
Mon chien, qui me faisait jusque-là toujours la tête, me rejoint aussitôt et agite sa queue avec excitation.
Je m'habille chaudement (et oui, on a la température de l'hiver mais pas la neige qui va avec...) et nous voilà parti.
Argos connaît le chemin par cœur à force de faire cette promenade mais il ne s'en lasse pas. Comme moi d'ailleurs.
_Attends-moi ! Je lui lance en le voyant s’éloigner en courant.
Argos me jette un vague coup d’œil mais ne s’arrête pas pour autant.
On se demande qui est censé être le maître ici…
Je suis sûre que ça l’amuse de me faire courir derrière lui. Ou alors c’est sa manière à lui de me dire de faire plus de sport si je veux pouvoir rentrer dans mon maillot de bain l’été prochain…
Nous courrons comme ça pendant près d’une heure. Enfin, non. Argos court pendant près d’une heure tandis que je tente tant bien que mal de le suivre. Je suis obligée de m’arrêter à plusieurs reprises pour reprendre mon souffle. À chaque fois que c’est le cas, Argos revient vers moi et me donne un petit coup avec sa tête pour que je continue.
Lorsque nous rentrons enfin, je suis crevée par mon manque de sommeil mais surtout par cette balade. Mon chien m’adresse un air condescendant comme pour dire « tu dois vraiment faire plus de sport, tu sais ? ». En réponse, je lui tire la langue (pas très mature pour une adulte de vingt-cinq face à un chien, je sais) et file dans la salle de bain me doucher.
1 commentaire
natha_lit
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Il y a 16 jours