Fyctia
Prologue 1.2
Ombre sursaute : la machine lui souhaite la bienvenue, et sa voix robotique lui réclame sans attendre son identification. Ombre scanne aussitôt le QR code. Un voyant lumineux éclaire un digicode placé en contrebas, et le tarif s’affiche sur l’écran.
750 euros-dollars. Règlement via votre Pass énergétique ?
Ombre n’a jamais disposé d’une somme pareille. Mais à présent, tout a changé. Sans hésiter, il appuie sur l’icône verte, et la machine ronronne de satisfaction. La barrière s’ouvre avec une lenteur exaspérante, et Ombre passe de l’autre côté. Il se sent libre, et plus puissant que jamais. Il est donc si facile de s’affranchir des lois de ce monde ?
Il traverse de la même façon treize autres postes frontières sans rencontrer la moindre difficulté. Sa confiance en l’homme en noir se renforce. Il rit sous cape en songeant aux miliciens qui analyseront ses mouvements nocturnes aux premières lueurs de l’aube. Il imagine le visage abasourdi de l’agent, son café lyophilisé dans un gobelet en plastique recyclé qui se renverse sur le clavier en polymère, ses pas précipités vers le bureau de son supérieur, et les appels désespérés qui alertent le central. Il imagine sa voix emphysémateuse qui s'égosille dans le combiné. Un individu a traversé la moitié de Néo-Paris cette nuit, sans justification apparente, et a dépensé plusieurs milliers d’euro-dollars en quelques heures ! Il se représente les drones dépêchés à sa poursuite, la lenteur risible de la milice en vélo-trotteur électrique qui arrive des heures après la bataille. L’homme en noir lui a tout expliqué en boucle pour calmer sa peur : le système douanier nocturne, entièrement informatisé, ne peut détecter que les franchissements illégaux des postes frontières. Sauf en cas de défaut de paiement, ou de Pass énergétique non conforme, tout ira comme sur des roulettes.
La nuit est à lui.
Quelques heures plus tard, Ombre arrive devant le grand bâtiment en préfabriqué où il a passé l'année. La grille d’entrée est protégée par un code holographique. Sur la façade, il lit : Académie TerraNova. Juste en dessous, une pompeuse devise s’étale en lettres frappées d'or : Veritas lux est. La vérité est lumière. L’ironie grinçante qui s'en dégage nourrit sa colère, lui ronge le ventre comme de l’acide.
L’homme en noir a tout prévu, Ombre pénètre facilement dans l’établissement, déverrouille l'alarme. Il traverse les couloirs familiers, trouve facilement son chemin vers l’aile de littérature, passe devant l’internat où il a vécu, est surpris par la sensation étrange et fugace de rentrer chez lui, de retrouver son foyer. La nostalgie l’envahit, un profond regret l’assaille, en même temps que les souvenirs heureux le traversent tour à tour, avant de s’évanouir dans l’obscurité. Lorsqu’il arrive à destination, il ne reste plus rien en lui du passé, juste une âme essorée débordante de ressentiment. Un autre sentiment plus pur surgit, le désir profond et sauvage de venger les siens, ses frères. Pauvres Déviants, à l'existence maudite, tous trompés, et injustement condamnés.
Comportement non conforme. Pensées à risque.
Les lèvres serrées, Ombre pousse une porte, s'arc-boute, s’enfonce dans un placard, et s’accroupit jusqu’à former une boule informe. Dans son sac à dos, la bombe à retardement s’enclenche sans même qu’il s’en rende compte. Le compte à rebours a commencé.
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Marie Andree
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Carl K. Lawson
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Gottesmann Pascal
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Anderson Isaac
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