Sarah Marty TEL EST PRIS... Chapitre 11 suite

Chapitre 11 suite

Diego voulait faire pétarader son magnum, c’était en ce moment de solitude un bien nécessaire, un besoin vital, un impératif absolu. Pas de gaspillage de munitions puisque la cible était déjà toute définie, et en y songeant, ça le réjouissait, alors que la douleur à sa main gauche lui rappelait vingt minutes plus tôt, il lui avait démonté la tête. Je ne veux pas buter pour buter, se dédouanait-il. Comme si le fait qu’il n’y aurait rien de gratuit, mais que du personnel, rendrait le geste plus excusable. Dans tous les cas de figures, cela n’entacherait pas le plaisir que tuer Javier procurerait…

En fin de compte, Martinez s’en foutait de savoir ce que son écart de conduite avait révélé de lui à ses collègues, s’ils allaient le craindre et raser les murs, le haïr et procéder à son lynchage, ou bien l’admirer et lui demander des autographes. Le lieutenant qu’il était devait prendre à bras le corps ce que l’homme écartait d’un revers de main, en assumant la paternité d’une violence illégitime. Se travestir pendant quelques jours, quelques semaines au pire, en flic super équilibré dans sa tête, c’était le prix à payer pour que Reyes lui flanque une paix conditionnelle, à défaut d’être royale… Un borborygme monstrueux s’échappa des profondeurs de son estomac, comme le grognement d’un « Alien » sur le point de naître. Bordel, j’ai faim. Si soulager sa conscience à travers une cascade de larmes constituait pour lui une action nauséeuse, soulager sa colère dans une castagne bien sentie lui ouvrait l’appétit. J’ai besoin de trois doubles cheeseburgers pour fêter ça ! Son ventre en gargouillait de plus belle, acclamant de toutes ses tripes de quoi lui éclater la panse. Les remous étaient si forts que Diego se demanda un instant s’ils ne gagnaient pas le haut de sa cuisse, jusqu’à ce qu’un petit air de salsa lui indiqua l’origine de ces vibrations.

Le numéro qu’affichait son téléphone portable n’évoquait rien de connu, c’est donc en soupirant qu’il daigna répondre.

- Diego ?

La voix féminine était à la fois embarrassée et charmeuse, la crainte de déranger se percevait avec, dans l’intonation un peu aiguë, une certaine gaieté. Mais, l’homme ne la partageait guère, cette gaieté, parce qu’une partie de jambes en l’air n’entrait pas du tout dans son programme de la soirée. Fait chier.

- C’est Dolorès, la vendeuse de la « Bébête qui monte ».

Martinez mit trois secondes avant de coller à la voix le visage de la plantureuse afro-cubaine du magasin de « N.A.C. ». Maintenant qu’il connaissait son identité, ça lui faisait une belle jambe.

- Ah oui, comment allez-vous depuis notre rencontre ? (vous et vos bestioles immondes de laideur répugnante)

- J’ai essayé de vous joindre il y a moins d’une heure, au sujet des « Dendrobates azureus ».

Comme une bonne paire de claques, ces derniers mots le ramenèrent brutalement à la réalité, balayant d’un coup ses crises de nerfs et de faim.

- Je sais où vous en trouverez... 


- Nous sommes fermés pour le week-end, monsieur. 

Quelle saloperie de poisse, il n’y avait même pas pensé ! La nouvelle le ficha dans un tel état de nervosité qu’après avoir raccroché le téléphone et s’être insulté de tous les synonymes d’« abruti », il dut se raisonner pendant une demi-heure pour ne pas aller dynamiter la porte de l’Université. Il y a des Dendrobates azureus à « l’Université nationale autonome du Mexique », lui avait susurré la délicieuse Dolorès, dont il était tombé aussitôt éperdument amoureux.

Malgré son insistance, tour à tour exprimée en supplication larmoyante et menace fanatique, Martinez n’était pas parvenu à forcer le gardien à l’accueillir dans l’établissement estudiantin. De toute manière, son enquête aurait difficilement évolué sans la présence d’un enseignant ou autre responsable de la section toxicologique, c’est du moins ce qu’il se persuadait de croire, pour ne pas défoncer les murs de son bureau avec ses pieds, comme un môme privé de bonbons. Mais, il pressentait, de son flair de flic averti, que dans l’un des multiples locaux d’études l’attendait une « Dendrobate », peut-être le narguait-elle en sautillant joyeusement dans son vivarium… Tu pètes un boulon, mon vieux. Il devenait notoire que cette affaire lui faisait non seulement oublier la notion du temps, mais aussi celle de la réalité.

À peine dix-sept heures passées et il restait encore soixante heures de délai avant la réouverture de cette foutue université. Peu importait, Diego sentait monter de l’excitation parce que ce temps, à compter de ce soir, il savait parfaitement comment le tuer.


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