Fyctia

Nous sortons du salon de beauté en n'ayant pas terminé notre séance qui s'annonçait pourtant vraiment sympathique dans un premier temps. Le PDG de Finance Company a un caractère réellement insupportable, je suis sûre qu'il en a conscience, pourtant, il n'essaie pas forcément de le cacher pour éviter de blesser les autres. Il est probablement un peu — beaucoup — égoïste. Il me prend la main, comme si nous étions en couple depuis un certain temps. Nous nous baladons ainsi dans la rue. J'ignore où nous allons, mais il semble concentrer. Il regarde tous les panneaux comme s'il cherchait un lieu en particulier.

Sa main est chaude et agréable. Cette sensation n'a rien avoir avec sa personnalité. Je me rends soudainement compte que je ne sais pas grand chose de lui. Lui non plus d'ailleurs, mais avec tout le temps que l'on passe ensemble, c'est assez surprenant. J'aimerai bien savoir ce qui le rend aussi irascible. Je suis certaine que son comportement n'est pas inné mais qu'il lui permet d'avoir en permanence une coquille, une armure sur laquelle il peut s'appuyer constamment. Je me perds dans mes pensées à cause de lui.

Je reçois une notification, sûrement un nouveau message sur Meetic. Je checke mon portable et remarque que c'est le gars de l'autre jour, il me demande si je suis prête à faire une activité avec lui mercredi prochain à 19h, apparemment, c'est un karaoké au Stars. C'est pratique de vivre en ville, les matchs n'habitent pas loin et des événements s'y passent de temps à autre. Je réponds de ma main libre.

• Oui ^^ Aucun problème, j'y serai.

Au même moment, je reçois un message, un SMS. Je le regarde, c'est Maxime.

• Salut ma belle ! Comment vas-tu ? Désolé de t'embêter mais je voulais savoir si tu étais libre dimanche de la semaine prochaine pour nous refaire une petite après-midi à deux !
• Oui ! Bien sûr !
• On fera ça chez moi si ça ne te dérange pas.
• Aucun problème pour moi ^^
• Super alors !

— Vous discutez avec quelqu'un ? me coupe Peter.

— Oui, avec, hmm... un ami.

— Oh, je vois. Et que vous voulait-il ?

— Trois fois rien, il me demandait simplement de mes nouvelles.

— Je vois.

Je rêve où il est en train de me faire une crise de jalousie ? Ne se rend-il pas compte de son comportement envers moi ? J'ignore pourquoi il agit de cette manière, mais il est clair qu'il va devoir faire des efforts s'il veut que je termine le pari avec lui. Il ne reste que quelques semaines avant Noël et même si j'attends que ce jour arrive à grand pas pour ne plus devoir me coltiner ce rat, une partie de moi apprécie sa présence. Mon corps parle bien avant ma raison. Malheureusement, c'est elle que je suis censée écouter en priorité. Je suis plutôt mal barrée.

Au bout d'une dizaine de minutes de marche, nous arrivons devant un marchand de glace. Il s'approche du stand et fait signe au marchand qu'il va commander. Il regarde la carte des parfums et me détaille lentement de la tête au pied. Il se retourne ensuite vers l'homme au cornet et demande deux glaces, l'une à la vanille, l'autre à la framboise. Il paie et revient ensuite vers moi en me tendant celle à la framboise.

— Je me suis douté que vous aimeriez ce parfum, mais s'il ne vous convient pas, je peux aller en racheter une autre.

— Non, c'est parfait. J'ignore comment vous avez fait pour trouver mon parfum préféré mais je vous tire mon chapeau.

— Je l'ai vu à votre apparence.

— Je ne porte rien de rouge.

— La framboise est plutôt rose.

— Alors comment avez-vous su ?

— Les magiciens ne révèlent jamais leurs plus grands secrets.

— J'ai toujours détesté cette phrase.

— Vous n'aimez pas grand chose provenant de ma personne, de toute façon. Vous me haïssez, c'est assez évident.

— Et logique.

— N'enfoncez pas le couteau dans la plaie.

— Je suis désolée, m'excusé-je faussement.

— Je sais que je n'ai pas été des plus tendres avec vous, ni que très gentil. Je n'ai pas été le brave gentleman que les femmes aiment tant et avec vous, je suis encore plus horrible qu'avec les autres femmes. Je devrais vous faire part de quelque chose, mais j'ignore, moi aussi, si c'est une bonne idée de vous le dire.

— Dites toujours.

— Je vous ai menti sur certains points, mais je suis sûr que vous m'en voudriez beaucoup trop pour que je vous dise tout dès aujourd'hui. En gardant le suspens, vous resterez près de moi afin de tout connaître dans les moindres détails.

— Pourquoi cherchez-vous autant à ce que je passe du temps à vos côtés. Je ne suis pas de très bonne compagnie, ni très obéissante.

— Au contraire, vous êtes parfaite en ce point. Et, vous n'êtes pas si désobéissante que vous le prétendez.

Je le regarde attentivement, cherchant un moyen de percer sa carapace d'or. Plus je passe du temps avec lui, plus j'ai envie d'en découvrir davantage sur lui. Il me fascine, certes, mais il obnibule mes pensées sans que je puisse faire quoi que ce soit pour éviter cela. Il a ce pouvoir magnétique dont je n'arrive pas à me défaire. C'est tout aussi frustrant que passionnant. S'il n'avait pas ce côté diabolique, méchant, malveillant et malsain, je suis sûre que j'aurais pu m'éprendre de lui. Il est beau garçon, je dois l'avouer, il est riche aussi, même si on s'en fiche. Il a tout pour plaire, sauf le plus important : le caractère. Il est aussi con qu'un cochon et encore, je suis désolée de les insulter, les pauvres.

Je déguste ma glace avec Peter à côté de moi. Nous continuons toujours de marcher, mais cette fois-ci, sans un seul but précis. Je l'observe lécher sa gourmandise, il ne fait pas son âge, il fait bien plus jeune. Je suis tellement plus vieille. Avec la trentaine qui approche, je sais que je dois me dépêcher de trouve l'homme de ma vie. Jessica a trouvé la femme de sa vie et je les trouve parfaitement radieuses entre elles, mais ce qui me fait peur, c'est que moi, je n'y arrive pas. Sans Meetic, je serais toujours au même point. À ce niveau, je ne peux que remercier ma meilleure amie pour son initiative géniale.

— Vous avez obtenu un rendez-vous à FC ? me demande-t-il sans une once de gêne.

— Bien sûr que oui, je vous ai déjà dit que j'étais déterminée pour mon projet.

— Je suis content pour vous. Mais vous savez, sans le prendre mal, je suis certain que les investisseurs voudront mettre leur argent dans un autre type de projet. Combien vous faut-il pour vos travaux ?

Un peu hésitante, je ne lui réponds pas dans un premier temps. Puis, je lui donne le montant estimé par Jess. Il semble surpris, mais il ne dit rien. Même si je trouve que c'est une personne qui manque de tact, quelques fois, j'aimerais qu'il soit un peu plus expressif. Comment comprendre une personne qui ne présente aucun signe apparent dans la vie de tous les jours dans son propre environnement ? N'empêche, quelque chose me dit que je ne le laisse pas indifférent. S'il s'avère que c'est vrai, je compte bien m'en servir à bon escient pour récupérer des avantages sur lui. Je n'ai pas d'expérience, mais j'apprends vite. Peter Brook, croyez-moi : ayez peur !