Anthony Dabsal Surprise Chapitre 12 — partie 3/5

Chapitre 12 — partie 3/5

Elle stoppe son poing à quelques millimètres du carrelage. Sans doute pour éviter de rouvrir les plaies aux jointures.


— Putain, putain, putain… qu’est-ce que j’vais faire, moi, maintenant ?

— Voulez-vous un conseil ? s’enquiert la montre d’une voix mielleuse.

— Je t’ai pas sonnée ! Et puis, je t’avais désactivée. Alors, mets-la en sourdine et me fais plus chier.

— Entendu, je bascule en mode silence. En espérant que mon conseil aura su vous être utile.

— Ouais, ouais… Allez, tais-toi !


« État émotionnel instable ».


— Je remarque que votre état émotionnel indique…

— Je t’ai dit que je ne t’ai pas sonnée, t’as compris.

— Passez une bonne journée.


Elle reste un instant immobile, le visage entre les mains. Son souffle chaud lui caresse les paumes et lui humidifie les pommettes. Puis elle éclate de rire en se mordant la lèvre.


— Chris, j’sais pas si tu m’écoutes, mais j’te promets, j’vais te fumer.


En parlant de fumer, Croupy n’est pas loin. Elle est donc allée le chercher, a planté ses griffes dans la mousse, a extirpé le sachet, a roulé un joint et s’est un peu étouffée. Enfin, elle s’est tiré un autre espresso. Le sixième de la matinée, à neuf heures passées.


En buvant une gorgée, elle se lance dans la désinstallation du programme de détection. Puis le mug chute. Un rebond. Deux rebonds. Au troisième, il ne contient plus de café, mais il est intact. La bouche d’Élodie s’est ouverte. Béante.


« Désinstallation réussie. Rendez-vous gare du Nord, midi, bagagerie, valise EW136, facture déjà réglée. Chris. »


Après avoir épongé — le LingHomeBot ayant boudé — et frappé quelques fois ses joues, elle retente de prendre contact avec ses proches. Mais les appels ne sont pas réactivés pour autant. Elle grommelle, râle, s’énerve et utilise le second code — dont l’expéditeur est bien Ethic Delivery.


L’appartement une nouvelle fois épluché, sans alerte rouge fraîchement détectée, elle démarre un manège quelque peu distinct. Les deux majeurs levés, elle les offre à tous les murs, tous les meubles et même aux différentes piles de vêtements sales.


— T’as p’tet piraté mon système, mais ça, c’est cadeau, récite-t-elle devant chaque cible.


Les doigts encore en l’air, elle retourne vers Croupy. Elle roule un second joint, le scelle du bout de la langue et l’allume dans la foulée. Une émanation aromatique épaisse et âcre s’en dégage. Les pantoufles d’Élodie briquent la poussière du carrelage et la mènent vers la fenêtre. Ses paumes actionnent la poignée, mais ne touchent pas aux stores. L’air extérieur les fait claquer et balaie la fumée.


Automatiquement, elle entreprend son geste obscène à l’encontre du canapé, puis de la table, jusqu’à l’horloge. Les aiguilles tremblent, la façade s’ouvre et une alouette surgit, à deux centimètres de sa figure blême. Le joint en tombe sur le carrelage. Un chant aigu retentit. Dix trilles se manifestent après le premier, tandis qu’elle ramasse sa drogue.


— Putain de connerie d’horloge ! J’ai eu la frousse…


Elle rallume son herbe.


— Et maintenant, j’vais être à la bourre à cette putain de gare… Fais chier !

— Pour vous rendre à la gare…

— Ta gueule, la montre !

— Entendu, je bascule en mode silencieux.


Trois quarts d’heure plus tard, elle trotte tête baissée, épaules rentrées. Ses lentilles sont vissées sur le trottoir comme si rien d’autre n’existait — ni le regard des gens, ni la météo menaçante, ni même l’effondrement lent de la société. Gare du Nord oblige, sa silhouette est drapée dans un bundle Pakasucia vaguement fluorescent : une veste asymétrique vert acide, zippée de travers, qui laisse apparaître des couches aux tons magenta et de jaune d’œuf. Son col remonte trop haut d’un côté — marque de fabrique des vêtements achetés en distributeur.


Son pantalon est nettement plus sobre, même si des clips cassés font cling cling quand elle bouge. À sa hanche pend son sac à main — du DIY à partir d’une capuche. Capuche d'une teinte jumelle à celle qui camoufle son visage face à la forteresse d’acier qui accueille encore des trains. Sa grimace ne laisse planer aucun doute : « Si seulement il n’y avait pas tous ces agents de sécurité ».


Évidemment, le premier garde l’observe d’un œil mauvais au premier contrôle d’identité. Une fois à l’intérieur, elle est agressée par tant d’écrans qu’à côté la façade de CelestAIl fait pâle figure. Des publicités, de nouvelles publicités et encore quelques publicités l’accompagnent jusqu’au prochain poste de surveillance. Cinq minutes pour confirmer qu’elle est bien une jeune femme trans — pas le plus court ni le plus long du trajet. À 12 h 10 elle rejoint la bagagerie, sans avoir été embêtée par les quatre dernières vérifications sur sa personne.


— ‘Tain, fallait que je tombe sur un autre AS comme bagagiste, grince-t-elle entre ses dents.


L’homme, le genre adipeux, immense et mal rasé, la scrute de pied en cap. Elle ne lève pas les yeux pour suivre les siens qui restent trop longtemps sur sa poitrine. Est-ce dû aux LED criardes ? Ou bien aux mirettes bleues du garde ?


— Contrôle d’identité, madame.

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17 commentaires

Mary Lev

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Il y a 2 jours

Quelque chose me dit que le contrôle va mal se passer

Anthony Dabsal

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Il y a un jour

ça va, c'est qu'un énième contrôle

Passions-Fictions-Laëti

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Il y a 5 jours

Merci pour tes likes, likes de soutien en retour avant la fin du concours 🙂

Anthony Dabsal

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Il y a 5 jours

Merci, c'est gentil :-)

NohGoa

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Il y a 5 jours

Like de fin de concours : merci pour tout !

Anthony Dabsal

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Il y a 5 jours

Merci beaucoup pour ton soutien tout du long :-D

NICOLAS

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Il y a 5 jours

🤩💕🫶

Anthony Dabsal

-

Il y a 5 jours

Merci beaucoup pour ton soutien tout du long :-D
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