Anthony Dabsal Surprise Chapitre 12 — partie 2/5

Chapitre 12 — partie 2/5

La Moka'Zahr s’illumine. Les couleurs, sur sa façade, dansent. Elle broie le grain. La mécanique vibre et chante un son métallique. Le bouquet se libère. Un nuage torréfié effleure les narines. L’eau traverse la poudre. Un filet sombre et aromatique ruisselle dans le mug. L’espresso fume et susurre presque sa promesse : chaleur, amertume, éveil.


Pourtant, il lui faut enchaîner trois cafés avant de pouvoir se sentir pleinement éveillée. Ou bien, l’oubli de son état léthargique est-il dû à la sonnette qui a retenti ?


Ding, dong !


Elle lève les yeux au ciel, frappe sa tasse à la surface du plan de travail, regarde à travers la caméra et remarque le drone s’envoler en direction du nord. Machinalement, ses mains s’emparent des clés — toujours à quelques centimètres à côté du vide-poche. La porte déverrouillée, son hallux cogne contre un carton Ethic Delivery — protégé par le système de reconnaissance USS/Ling infaillible.


Il est petit, carré, avec huit sommets. Son poids a quelque chose de frêle. Sa texture rêche évoque nombre de recyclages. Il sent des doigts fébriles qui défont son scotch. L’enthousiasme serait-il suspendu dans l’air ? Cette expiration prolongée serait-elle l’attente d’un objet, d’un trésor, d’un désir inavoué ?


Pourtant, lorsque ses flancs sont ouverts, c’est le néant. Pas même un peu de mousse pour faire illusion. Juste une feuille maigre, esseulée, un petit carré adhésif, pâle comme une fleur fanée — le code.


Un code… imprimé.


Où ?


Sur un timbre fiscal. Élodie le savait, mais elle ne peut s’empêcher de remuer la tête. Surtout face à cette boîte d’où ne sort qu’un login.


— Putain d’humanité de merde, murmure-t-elle. Pas capable de faire un téléchargement immédiat, pour la sé-cu-ri-té. Pff…


Elle rentre, verrouille la porte, se jette sur le canapé et ouvre son interface. Le code tapé, le logiciel se télécharge. Et pendant ce temps ? Elle boit un autre café.


Une fois ses lentilles équipées du détecteur de microphones et de caméras, elles balayent l’ensemble du séjour. S’affichent en rouge : réfrigérateur, montre, porte-manteau, Moka'Zahr, LingHomeBot, enfin… tout ce qui possède une connexion au réseau. Rien d’anormal dans la pièce.


Elle se dirige vers les toilettes. Le porte-rouleau s’active comme attendu — il faut bien alerter quand le paquet est bientôt vide.


Le constat est identique dans la salle de bain. Dans la chambre, les pieds d’Élodie ont bien frappé la couette à plusieurs reprises, mais cela n’a pas changé la donne. Une heure plus tard, elle sirote un cinquième espresso.


Ding, dong !


Elle secoue la tête et fait frotter ses ongles sur le tissu du canapé. Ses cheveux effleurent sa peau. Le corps entier d’Élodie en tressaute. Elle hoquette même.


Est-ce Zoé ? Nourredine ? Ou un sbire de ce Chris ?


Ses poumons peinent à suivre. Sa cage thoracique paraît sur le point d’éclater. Son rythme cardiaque ? Il a atteint son paroxysme. Son visage est transi, ses lèvres vibrent, son talon glisse vers sa pantoufle trouée. C’est le cou crispé qu’elle regagne l’interface caméra. Personne. Elle ouvre la porte. Derrière se trouve un colis Ethic Delivery identique au premier.


Il est tout aussi petit. Tout aussi carré. Le poids paraît équivalent. L’emballage tremble entre dix doigts. Un angle corné se plante dans un poignet. Les mâchoires de sa propriétaire se referment sur son ruban adhésif. Il cède.


L’effroi l’envahirait-elle ? Cette moiteur palmaire serait-elle la crainte d’un piège, d’un nouveau danger ?


La main émiette le carton, quelques fibres tombent sur le carrelage. L’air a cessé d’être ventilé. La femme ne semble plus respirer. C’est là qu’il chute, rebondit et rejoint les autres déchets. Alors, un timbre se dévoile, minuscule, moiré.


Le regard d’Élodie l’explore sous plusieurs angles, ses narines se dilatent. Ses yeux s’écarquillent lorsque le ticket est illuminé. Pourquoi ses bras s’agitent-ils ? C’est le même code. À un chiffre près.


— C’est quoi ce bordel ? lance-t-elle en s’écrasant sur la chaise que Stéphane n’a pas rangée.


La provenance du premier code défile sur son interface.


— Putain ! Le connard…


Elle fait craquer ses articulations.


— Si je te choppe Chris, je vais te crever.


« Zoé Wong » zigzague dans son champ de vision, à côté de la mention expéditeur.


Elle ouvre sa liste de contact et tâche de joindre Nourredine.


— Impossible ! s’exclame la montre.


Elle tente sa chance avec sa cadette.


— Impossible !

— Je vais t’en faire bouffer des impossibles, tu vas voir ! rugit Élodie en grinçant des dents.


Un dernier essai avec sa mère.


— Impossible !

— Va te faire mettre ! Aaaah !


Elle stoppe son poing à quelques millimètres du carrelage. Sans doute pour éviter de rouvrir les plaies aux jointures.


— Putain, putain, putain… qu’est-ce que j’vais faire, moi, maintenant ?

— Voulez-vous un conseil ? s’enquiert la montre d’une voix mielleuse.

— Je t’ai pas sonnée ! Et puis, je t’avais désactivée. Alors, mets-la en sourdine et me fais plus chier.

— Entendu, je bascule en mode silence. En espérant que mon conseil aura su vous être utile.

— Ouais, ouais… Allez, tais-toi !


« État émotionnel instable »

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17 commentaires

Alsid Kaluende

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Il y a 5 jours

Like de fin de concours 🙂

petites.plumes

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Il y a 7 jours

Petit like de soutien ❤️

Anthony Dabsal

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Il y a 7 jours

Merci :-)

Gottesmann Pascal

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Il y a 8 jours

Ça c'est sûr. Audrey perd vraiment son calme et...on ne peut que la comprendre la pauvre. Il y a de quoi être sur les nerfs

Anthony Dabsal

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Il y a 8 jours

Audrey ?

Gottesmann Pascal

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Il y a 7 jours

Élodie...pardon.

Anthony Dabsal

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Il y a 7 jours

C'est pas grave ^^

Mary Lev

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Il y a 8 jours

Le conseil de la montre aurait peut être pu être utile non ?

Anthony Dabsal

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Il y a 8 jours

Très certainement ^^

DOM75

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Il y a 8 jours

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