Anthony Dabsal Surprise Chapitre 11 — partie 3/3

Chapitre 11 — partie 3/3

Et là, au milieu de cette étendue plane, une forme sombre se détache. Un bureau — de style néo-rétro, sans goût. Derrière : une ZuoSeat, tout aussi banale. Sur cette chaise : un homme, de dos. Le buste droit, les épaules androgynes, la nuque effleurée par un col de chemise d’un rose pastel. Aucune réaction à la présence. Ni geste ni tressaillement.


— Le plus difficile a été d’imaginer une version de toi plus âgée, sans la transition de genre. Que penses-tu du résultat ?


L’individu se retourne. Il s’agit d’une copie masculine d’Élodie. Un carré plongeant — coupe unisexe tendance 2080. Des cheveux noirs, des yeux obscurs, une peau dorée. Et un sourire narquois. Chris…


— Va te faire foutre, crache-t-elle en le visant du menton.

— Charmant ! T’es égale à toi-même, à ce que je vois.

— Tu vas finir par me dire ce que tu me veux ?

— Et pourquoi ça ? T’as pas répondu à ma question, non ?

— Ta question, tu peux te la coller où je pense. Ton pastiche ne mérite même pas de porter ce nom. Et… et… va te faire enculer.

— C’est si joliment dit !

— Tss ! De tous les détraqués du bulbe, il fallait que je tombe sur un ado qui joue au caïd…

Chris se lève, place sa main droite sur son cœur et singe une grimace outrée.

— Un ado ? Moi ? Mort de rire !

— T’es pathétique. Au moins, maintenant j’sais que j’suis pas folle et que je risque rien.

— Je ne prendrais pas ce pari si j’étais toi. Ah, mais c’est vrai ! Je suis toi !


Autant la voix de Chris est identique à celle d’Élodie, autant son ricanement est carnassier. Cruel, même.


— Tu sais quoi ?

— Oh ! C’est qu’elle va essayer de me menacer. La pauvre petite Élodie, chouine-t-il en se frottant les yeux. Au fait, si jamais une idée stupide te traversait l’esprit, je sais où habitent Zoé, Nourredine, Stéphane et même tes parents. Ah, j’oubliais ! Le couscous de la grand-mère de l’autre débile était un pur délice. Tu as loupé quelque chose en refusant d’y aller. Tout ça pour faire quoi ? Bavasser comme deux oies avec ta sœur.


Élodie se lève d’un bond et se cogne à sa table basse. Elle ne retient pas le « Aïe ! ». À son grand désarroi.


— Ça doit faire tellement mal à ton pauvre petit tibia. Comme on dit, dix tibias de perdus, un de retrouvé. C’est pas le genre de connerie que t’aurait sorti ton pote ? Tu sais, ce grand dadais doux rêveur sans le sou, qui imaginait que l’astre et l’azur, d’un souffle, viendraient se lover à son cou. Lui qui, infatué de ses chimères, aspire à enchâsser la lune dans l’écrin de sa fièvre. Fièvre de grandeur, fièvre d’espoir, avec son invention déréglée, lui dictent à penser : « Je vais y arriver ». C’est bien cela ?

— Mais t’es qui, putain ?!

— Enfin ! Tu connais déjà la réponse et tu sais pertinemment tout ce que je souhaite. Si ce n’est pas le cas, alors je te l’affirme, tu es bien bête. Un peu comme cet animal, tu sais… l’alouette.

Il danse de manière très gracieuse en chantant le début de la comptine « Alouette, gentille alouette ».

— Mais ferme ta gueule ! J’ai bien compris, t’es rentré chez moi et tu as remis mon horloge à l’heure. Bravo ! ironise-t-elle en applaudissant.

— Pourquoi tu voudrais que je remette ta stupide horloge à l’heure ? Mort de rire !


Une fois jetée au fond du canapé, les orteils du pied droit d’Élodie se soulèvent de quelques millimètres. Le talon de son pied gauche reste en suspens, prêt à battre la mesure. Ses mollets se contractent. Va-t-elle finir par envoyer un coup de pied dans la table ?


Ses genoux vibrent déjà. Son bassin se raidit et lui tire le bas du dos en avant de l’assise. Son ventre se durcit. Rythme coupé. Respiration irrégulière. Et ses épaules ? Elles sont rigides, presque ankylosées. Une tension qui remonte aux trapèzes, comme un boxeur prêt à mettre un uppercut. Ses bras, ses coudes, ses mains suivent la même logique. Son corps hurle sa pensée : « Si je t’avais en face de moi, tu mangerais une beigne. »


Sa nuque se crispe. Ses mâchoires dessinent un relief net de chaque côté du visage. Ses lèvres se pincent — à en devenir blêmes. Elle le maudit, mais se tait. Elle patiente.


— J’te croyais plus causante, sœurette !

— Sœurette ! Tu te fous de ma gueule ? Je n’ai qu’une sœur et tu ne feras jamais partie de ma famille !

— Oh ! Je souffre, lance-t-il en reprenant son air théâtral surjoué. Une partie de moi, c’est quand même un peu la famille.

— Putain, ferme-la et dis-moi ce que tu veux de moi, au lieu de me torturer !

— La torture ? De suite, les grands mots ! On s’amuse bien pourtant, non ?

— Mais oui, t’as vu quel moment agréable je passe ! Bravo, c’est magnifique. Super…

— Je savais que ça te plairait.


Il s’approche d’elle, en faisant des petits entrechats. Il s’installe derrière elle et lui murmure :


— Regarde autour de toi.


À gauche, comme à droite, le désert a laissé place à de nouvelles images. L’une : Zoé et Nourredine. Battus. Torturés. Puis, sauvagement exécutés. L’autre, Stéphane brûlé vif dans une forêt, ou du moins, ce qui s’y apparente.


— Arrête ça ! hurle-t-elle, tandis que quelques larmes mouillent ses pommettes.

— Moi qui croyais que tu aimais les films d’horreur. Il va falloir obéir si tu veux éviter que les films deviennent la réalité.

— Arrête… le supplie-t-elle.

— C’est bon, je remets le désert… Tu joues bien la comédie en tout cas. Bref, comme tu veux plus jouer, je vais y aller direct. Il faut que tu dégottes une clé USB.


Il lève les yeux au ciel, puis hausse les épaules.


— Ouais… une de ces vieilleries, dit-il, le ton nettement moins amusé. Ensuite tu iras dans les locaux de CelestAIl. T’as capté, jusque là ?

— Oui… poursuis…

— La clé sera à la gare du Nord, mais t’inquiète pas, je te tiendrai informée. Tu iras dans le bureau de ton ami Nourredine Benamar, tu la plugueras dans le seul port USB disponible. Tu me suis ?

— Oui, je… j’imagine qu’il y a un virus… ou… un truc comme ça ?

— Rien de bien méchant, rassure-toi. Tu devras juste attendre cinq minutes le temps que tout se mette en place. C’est toujours bon ?


Elle inspire bruyamment et hoche la tête.


— Une fois le plan exécuté, je te recontacterai.

— Est-ce que… je peux demander quelque chose ?

— Je t’en prie.

— Comment es-tu sûr qu’il y aura un port USB dans le bureau de Nourredine ?

— T’es maligne en fait, mort de rire !


Il glousse avant de poursuivre :


— Comment crois-tu que ton ami a réussi à ne pas se faire espionner jusque là ?

— En utilisant… du papier ?

— Oui, c’est vrai. Mais aussi en exploitant ce type d’antiquité.

— Donc, si je comprends bien… tu… es un espion ?


Il grimace et effectue un bruit de bouche — sans doute irrité.


— On va plutôt dire que je prépare une grande surprise. Je le vois plus comme un jeu, vois-tu ?

— Et moi… dans tout ça ? Je ne suis qu’un mouchoir qu’on jette ?

— J’aurais plutôt dit « mouchard ».


La connexion se coupe net.

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31 commentaires

Alsid Kaluende

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Il y a 5 jours

Like de fin de concours 🙂

Louisa Manel

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Il y a 12 jours

Bon, si la machine est sensée montrer des éléments qui se sont déjà produits, est-ce que ce qu'on voit-là ne serait pas en fait un souvenir d'Elodie ? Ce chapitre laisse à penser que Nourredine et les autres ne seraient pas dans le coup et qu'une tierce personne voudrait hacker le système...mais où serait la surprise dans ce cas ??? Oh, punaise, tu vas m'empêcher de dormir avec ton histoire !

Anthony Dabsal

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Il y a 12 jours

T'as qu'à dire que c'est la faute au changement d'heure XD

Gottesmann Pascal

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Il y a 12 jours

Quelle horreur, quelle torture pour la pauvre Élodie. On se sent vraiment en empathie avec elle.

Anthony Dabsal

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Il y a 12 jours

Tant mieux <3

NohGoa

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Il y a 12 jours

Late Like !

Anthony Dabsal

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Il y a 12 jours

Merci :-)

Mary Lev

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Il y a 12 jours

On a donc la vraie surprise qui apparaît ! Et finalement elle sera plutôt pour Noureddine. Je me demande qui est ce Chris.

Anthony Dabsal

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Il y a 12 jours

Mais tu l'as sous les yeux depuis bien longtemps ^^

Mary Lev

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Il y a 12 jours

Scuse j’avais pas mes lunettes 🤓
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