Fyctia
Chapitre 11 — partie 2/3
« Crois-moi, moi qui te parle en connaissance de cause et te dis que rien n’est perdu pour tes proches. D’autres moyens que ceux qui t’ont contrainte peuvent te rendre un jour la liberté.
Car Élo, tu n’es pas seule ! Tu n’es pas seule ! Tu… n’es pas seule ! Tu as un simple deux-pièces pour tout territoire. Tu peux faire bloc avec Zoé, ou Nourredine, qui tiendraient la lutte. Ils peuvent, comme toi, utiliser leurs ressources et risquer la mort.
Notre conflit n’est pas limité aux proches de chacun. Ce conflit n’est pas tranché par l’erreur de laisser Stéphane partir. Ce conflit est un conflit personnel. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances n’empêcheront pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens pour parvenir à mes fins. Foudroyée aujourd’hui par la force informatique, tu pourras vaincre dans l’avenir par une force informatique supérieure. Spoiler : tu n’y parviendras pas. »
Chris modifie de nouveau l’affichage : des monticules de sable, de roches et de cadavres. Au centre, le général n’est plus. À la place, un amoncellement de pixels, pieds en haut et tête en bas, oscille frénétiquement. Et Élodie ? Elle pleure. De rage.
« Moi, Chris, actuellement à Paris, j’invite Élodie, et seulement Élodie, qui se trouve en transmission NostalgIA ou qui viendrait à s’en déconnecter, avec ses couilles ou sans ses couilles, j’invite les personnalités multiples d’Élodie qui logent dans son cerveau ou qui viendraient à s’y loger, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu’il arrive, la Flamme de la folie d’Élodie ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.
Demain, comme aujourd’hui, je lui parlerai via n’importe quel OS.
Et même si je crois fermement que cette tirade sur la Flamme et la folie était… bancale, tu m’en voudras pas. J’ai pas encore fini de jouer avec toi. »
Cela fait un petit moment déjà qu’Élodie a les paupières closes. Les flashs colorés, les spasmes dans les images et l’aspect étrange, digne d’un film de Gaspar Noé, ne se sont pas arrêtés pour autant. Le cadre brille tant par l’absurdité de sa pléthore de glitchs passés, que par sa sobriété actuelle : un fond infiniment blanc. Qu’elle ne voit pas — évidemment. Elle a senti un courant d’air chaud lui caresser les poignets ainsi qu’une odeur mentholée lui chatouiller les narines. Elle a donc quitté les USS et tourné la tête dans tous les sens. Fenêtres, porte. Tous fermés. Sûrement son imagination. Ou le stress. Ce n’est qu’une fois de retour dans le NostalgIA qu’elle est confrontée à ce vide immaculé et envoûtant. Elle tend les bras en avant, ils n’apparaissent pas. Non. Tout est blanc.
— Eh, Ducon ! Je sais pas à quoi tu t’amuses, mais tu pourrais au moins me faire face !
Le rire sadique d’Alex DeLarge dans A Clockwork Orange lui irrite les tympans.
— C’est ridicule… pfff…
La posture d’Élodie est à l’équerre. Ses jambes ? Décontractées. Et son souffle ? Retenu. Néanmoins, ses mains trahissent son anxiété. Elles tremblent comme la caméra dans The Blair Witch Project. Mais de toute façon, est-elle bien visible ? Son bras ne l’était pas tout à l’heure.
— Alors, comme ça, mon jeu te plaît pas ? Arrête ton char ! J’sais que t’adores ça, s’esclaffe sa propre voix en face d’elle.
Un flash l’aveugle. Si puissant que ses iris s’en consumeraient presque. Puis, graduellement, le blanc se résorbe — comme aspiré par un LingHomeBot de dernière génération. Il libère un désert lisse, homogène, où aucun grain de sable ne forme la moindre ondulation. Zéro dune, zéro faille, zéro aspérité. Au-dessus : un ciel azur, piqueté de rares nuages — légers, diaphanes. Et deux soleils disproportionnés qui trônent côte à côte. Leur clarté baigne l’horizon, mais la peau reste tiède, sans surchauffe. Ni moiteur, ni parfum d’ozone, ni brûlure.
En fond sonore : des cris. Un piaillement ? Un chant ? Difficile de trancher. Ça ressemble tantôt au frottement sec des criquets, tantôt à la plainte d’un oiseau blessé. Le Kakaze X d’Élodie diffuse sa chaleur. Le contact sur son épiderme lui rappelle qu’elle est bien chez elle, assise sur son canapé.
Et là, au milieu de cette étendue plane, une forme sombre se détache. Un bureau — de style néo-rétro, sans goût. Derrière : une ZuoSeat, tout aussi banale. Sur cette chaise : un homme, de dos. Le buste droit, les épaules androgynes, la nuque effleurée par un col de chemise d’un rose pastel. Aucune réaction à la présence. Ni geste ni tressaillement.
— Le plus difficile a été d’imaginer une version de toi plus âgée, sans la transition de genre. Que penses-tu du résultat ?
39 commentaires
Alsid Kaluende
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Il y a 5 jours
Gottesmann Pascal
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Il y a 14 jours
Anthony Dabsal
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Il y a 14 jours
Akiria.s
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Anthony Dabsal
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Akiria.s
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Anthony Dabsal
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Il y a 14 jours
NohGoa
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Anthony Dabsal
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Il y a 14 jours
Vince Black
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Il y a 15 jours