Anthony Dabsal Surprise Chapitre 11 — partie 1/3

Chapitre 11 — partie 1/3

Élodie doit se sentir seule… oui, c’est ça, terriblement seule.


Une atmosphère altérée émane de Broadcast House. Sinistrée, serait plus juste. Geoffroy de Courcel ne se trouve plus devant la glace. Il s’est volatilisé. La vitre aussi. Elle a été remplacée par un amalgame de planches bigarrées : orange, vert, marron, bleu, rose. Mais surtout rouges : sang, écarlate, incarnat et vermeil. L’attention au minuscule ne fait que souligner la grandeur d’un tableau de maître : le reste s’affranchit de toute logique. Justement, le général Spears combine les deux. Il est devenu une version miniature de lui-même et sa tête s’est incrustée dans le mur. Mais son corps continue à courir. Et le président de la BBC ? Envolé. Littéralement. Ses chaussures émergent du plafond, immobiles. En temps normal, Élodie aurait pouffé. Maintenant, elle ne rit pas. Oh, non ! Elle flaire déjà la suite. L’enregistrement s’avérera profondément contrefait.


Quel euphémisme ! Digne du mensonge de Guido auprès du petit Giosuè dans le film La vita è bella ! Un classique pour Élodie. Ses pieds la trahissent et l’entraînent à travers la porte capitonnée, étonnamment intacte. De l’autre côté, tout semble pourtant à sa place. De Gaulle trône toujours au milieu de la pièce, dans cette même posture grotesque, fruit de l’intervention de Stéphane. Cela dit, le reste demeure normal. Inerte. Une table, une chaise, un micro. Alors, pourquoi la tête d’Élodie pivote-t-elle dans tous les sens sans jamais oser regarder derrière ?


Quand elle se retourne — contre son gré —, elle est bouche bée. Si ses jambes lui obéissaient encore, elles la lâcheraient. Car l’arrière-salle du studio s’est écroulée et a laissé place à un trou béant. Londres, en feu. Big Ben, éventré. Des passants courent. Ils brûlent vifs, paniquent, tombent par milliers. Non ! Par millions. Un champignon nucléaire dévore la mégapole sans le moindre tumulte. Ni même un souffle.


Soudain, un bruit de bottes agressif surgit dans le dos d’Élodie. Tchak ! Tchok ! Puis l’appel du 18 juin recommence, en version accélérée. D’abord grave, la voix du général monte jusqu’à un piaillement numérique, avant de virer au strident.


Biiiiip !


— Ah ! Ça suffit ! hurle-t-elle.


Aussitôt son buste pivote. Elle se retrouve nez à nez avec de Gaulle en plein salut romain — comme on le baptisait dans les années 2020.


« Élodie qui, depuis de nombreuses années, est à la tête d’un bordel sans nom, est bloquée par NostalgIA. Ce NostalgIA, alléguant un passé crédible, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour s’amuser de la belle.


Certes, elle a été, elle est submergée par les bugs de connexion, d’acoustique et d’affichage de la machine. »


La tête du Général entreprend un tour complet, puis ses yeux sont remplacés par des croix. Le mur derrière lui déverse une cascade d’hémoglobine. Par chance, le NostalgIA ne simule pas les odeurs.


« Infiniment plus que ses bugs, ce sont le personnel, les ordinateurs, la tactique de Chris qui l’ont fait se leurrer. Ce sont le personnel, les ordinateurs, la tactique de Chris qui l’ont surprise au point de l’amener là où elle en est aujourd’hui.


Mais le dernier mot est-il dit ? Son assurance doit-elle disparaître ? Sa folie est-elle définitive ? Non ! »


Après ce « Non ! » qui fait grésiller le microphone, un aquarium de sang engloutit le général et Élodie. Quelques poissons rouges viennent même nager autour d’eux. Malgré cette anomalie graphique, la vision de la jeune femme reste nette. Et son rictus ? Similaire à celui de Vinz, dans la scène du miroir de La Haine. Surtout face à l’aberration qu’est devenu Charles de Gaulle : une émoticône macabre en guise de visage, un buste en putréfaction tout droit sorti d’un film de Romero et des bottes étrangement impeccables.


« Crois-moi, moi qui te parle en connaissance de cause et te dis que rien n’est perdu pour tes proches. D’autres moyens que ceux qui t’ont contrainte peuvent te rendre un jour la liberté.


Car Élo, tu n’es pas seule ! Tu n’es pas seule ! Tu… n’es pas seule ! Tu as un simple deux-pièces pour tout territoire. Tu peux faire bloc avec Zoé, ou Nourredine, qui tiendraient la lutte. Ils peuvent, comme toi, utiliser leurs ressources et risquer la mort.


Notre conflit n’est pas limité aux proches de chacun. Ce conflit n’est pas tranché par l’erreur de laisser Stéphane partir. Ce conflit est un conflit personnel. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances n’empêcheront pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens pour parvenir à mes fins. Foudroyée aujourd’hui par la force informatique, tu pourras vaincre dans l’avenir par une force informatique supérieure. Spoiler : tu n’y parviendras pas. »

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24 commentaires

Vince Black

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Il y a 15 jours

Pourquoi lui montrer de telles horreurs sur une tournure que la guerre n’a pas suivie… D’habitude, le hic se limite à Chris, mais là, c’est toute la vision qui est cauchemardesque. J’ai été obligé de retenir mon souffle pendant certains moments de la lecture où cela fonctionne parfaitement. Les deux seuls points qui m’ont ramené en dehors de ma lecture sont : • c’est la référence aux 4 nuances de rouge, pourquoi ? • les poissons rouges qui nagent dans le sang, je n’ai pas pu les visualiser en me disant qu’ils ne se détachaient pas assez, et pourquoi ce détail si étonnant par rapport au reste ? N’ayant pas les réponses, cela m’a laissé perplexe… Je lis la 2ème partie pour voir où cela mène…

Anthony Dabsal

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Il y a 15 jours

Les poissons rouges, ça montre le côté crétin de celui qui a codé. Les 4 références de rouges ? Juste pour prévenir le lecteur : ça sera plus "violent" que le chapitre précédent.

Vince Black

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Il y a 15 jours

C'est le même polar ?! Oui bien sûr, c'est le temps que je me replonge dans l'histoire. Donc la voilà repartie pour une plongée historique, mais il va sans dire que c'est plutôt une plongée surnaturelle ! Je ne sais pas si c'est voulu, mais étant complètement dans l'ambiance en 1940, ce bruit de bottes m'a glacé. J’ai tout de suite pensé à un sbire de la Gestapo ou autre tortionnaire du régime nazi. Les descriptions sont nettes et pleines de références ( même si pour certaines, j’ai dû chercher…).

Anthony Dabsal

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Il y a 15 jours

Je vais des fois chercher tellement loin, que je me rappelle plus pourquoi j'ai écrit des phrases, des fois 😆

Vince Black

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Il y a 15 jours

😉👍🤣

Mary Lev

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Il y a 15 jours

Chris a mis les moyens dis donc pour faire passer son message via le discours du général. La sensation de paix n’aura été que de courte durée

Anthony Dabsal

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Il y a 15 jours

Il s'amuse bien 😀

Gottesmann Pascal

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Il y a 16 jours

Elle fait peur cette nouvelle version du discours. J'en tremble en me mettant à la place d'Élodie.

Anthony Dabsal

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Il y a 16 jours

Content que ça fonctionne :-D

NohGoa

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Il y a 16 jours

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