Fyctia
Chapitre 9 — partie 2/3
— Tu… oses te foutre de ma poire ! Après m’avoir pourri la vie ?
— Ça va. Pourrir la vie. De suite, les grands mots ! C’était qu’un petit bug, la coupe-t-il. On est bientôt en passe de le corriger, si tu veux tout savoir. En plus, tu sais ce qu’on dit : cours toujours à celui qui sait attendre.
— Ferme-la ! Surtout, ferme bien ta putain de bouche ! Déjà, si tu ne connais pas les expressions, arrête de les balancer. Tu passes pour un con et tu fais pitié. Deuzio, je peux savoir pourquoi tu m’as bloquée ?
Après cette cymbale qui a cloué le bec de Nourredine, si un maître d’orchestre siégeait auprès d’elle, son poing se clorait.
— Mais tu vas me répondre ?! Oui, ou merde ?
— Ça va. Calme-toi, Élo. Je t’ai jamais bloquée. Et puis, j’sais même pas de quoi tu m’parles. Et pour les expressions…
— Mais on s’en fout de tes expressions de merde ! Tu pouvais pas… donner…
Si ses fesses ne reposaient par sur une chaise, elle s’écroulerait à genoux. Son front vient tout de même se plaquer contre le fatras de sa table.
— … de tes nouvelles… je…
La colère, c’est fini. Place à un timbre sourd, une voix lourde. Tremblante.
— … me suis… inquiétée…
— Oh… Déso’, Élo. Je vais bien. J’ai vu Zoé, elle va bien. Je…
Il marmonne.
— … non, laisse tomber. Tu devrais te reposer.
— Je veux pas me reposer…
« Nouveau message de Nourredine : »
— … je souffre, gémit-elle, avant de retomber en sanglots.
Elle balance le débardeur et frappe sur la pile de vêtements. L’interface la nargue : elle danse devant son regard larmoyant.
— Aussi, ricoche-t-il. Quelle idée de foutre des coups de poing partout…
Elle n’objecte pas, il poursuit :
— Je ne te demande pas ce que tu penses de mon cadeau d’anniversaire. Je sais qu’il est bugué. Je pensais qu’au moins tu l’aurais trouvé bien. Ou même juste intéressant, mais bon. Tant pis…
— Bien ? Mais c’est une horreur…
— Toujours dans l’exagération, Élo.
— Moi ? Dans l’exagération ?!
— Tu me fais trop marrer.
— C’est… c’est pas drôle…
— Tu sais quoi ?
— Non.
— J’arrive. Je vais passer prendre des tenders. Tu veux des croquettes de légumes, comme d’hab ?
— Non…
— Tu veux de la viande ? Toi ? la coupe-t-il, franchement étonné.
— Non, je… j’ai déjà… un… truc…
— Oh ? Oh !! T’as un rencard !? C’est vrai ? Mais c’est trop bien ! Je suis trop content pour toi, sœurette !
Il patiente, mais comme rien ne vient, il enchaîne :
— Au fait, il faudra vraiment que tu me passes ta montre quand j’aurai fini de corriger le NostalgIA. Car j’sais pas si tu sais, mais ton affichage est décalé de presque un demi-tour. Parce que là, en fait, j’ai un putain de gros plan sur une de tes petites culottes. Au moins, elle a l’air propre. Et te connaissant, c’est un sacré exploit, hé hé hé ! Ah ! Et il faudrait que tu fasses du ménage…
La chair de poule aux bras, des tremblements aux doigts, elle lève ses paumes vers le plafond, puis expulse un souffle sec, sonore.
— Bon, j’ai capté, je t’emmerde. Allez, j’vais te laisser avec ton keum. On se voit samedi. Des bisous, poulette !
Il a raccroché. L’interface a bel et bien changé : l’ordre et les coloris des icônes sont chamboulés. Seul un message s’avère encore droit et lisible : « Nourredine vous a placé·e dans la liste des contacts bloqués, impossible de le(la) joindre. »
Elle éteint sa lentille et se mord la lèvre. Suffisamment fort pour imprimer la marque de ses incisives. Trop faiblement pour entamer la chair. La douleur ? L’automatisme ? Sans doute un peu des deux. Juste de quoi la pousser à quitter sa chaise et à tituber jusqu’au plan de travail. Elle y soulève casserole, poêle cabossée, planche à découper et autres ustensiles de cuisine — bons à jeter. Et un verre — par ailleurs transparent.
— Putain… où est-ce que j’ai foutu ce sachet ? bougonne-t-elle.
Elle s’accroupit et laisse ses mains parcourir les monticules de déchets. Pourtant, paf ! Un coup de coude maladroit a fait basculer le verre en se baissant. L’objet tourne comme une toupie, fait l’équilibriste et finit par chuter. D’une impulsion vive, elle tend le bras et enserre l’arête froide entre majeur et index. Lorsqu’elle se relève, elle s’essuie le front et souffle un « ouf ». Mais son regard passe sur la fenêtre.
Elle sursaute.
Chris est ici.
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NICOLAS
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