Fyctia
Chapitre 7 — partie 5/5
— Madame Élodie Wang, l’administration pénitentiaire a le regret de vous annoncer que le parquet automatique de l’IA centrale de la République française considère que vos délits présumés, à savoir la destruction de biens privés et la consommation de substances illicites, nécessitent un procès auprès du tribunal automatique. Il réclame une peine d’amende supérieure à dix pour cent de votre salaire mensuel.
Le robot rapproche sa pince de la parenthèse qui lui sert de bouche.
— Si vous voulez mon avis, prendre un avocat humain ne fera que rallonger votre séjour dans notre établissement. Même s’il est noté 4,7 étoiles en moyenne, j’imagine sans peine que vous préféreriez rentrer à votre domicile.
Il affiche maintenant une émoticône neutre.
— L’administration pénitentiaire vous informe que vous pouvez décider d’avoir recours à un procès équitable, composé d’un jury humain pour les délits qui vous sont opposés. La saisine d’une telle cour de justice sera, bien entendu, à vos frais. La gratuité et la rapidité du procès automatique…
— Je vais choisir l’automatique, s’il vous plaît, coupe Élodie en pinçant sa langue.
— Bien, je reviens vers vous pour vous tenir au courant de l’issue du procès.
Une demi-seconde s’écoule avant que le robot ne reprenne la parole.
— Toutes nos excuses, madame Élodie Wang. L’attente a été plus longue que prévu. Un temps moyen de 372 ms est estimé pour ce type de procédure. Nous espérons que cela n’impactera pas la notation que vous accorderez à notre établissement.
— Oui, c’est bon. Quel est le verdict ?
— Une amende forfaitaire de 740 € pour la consommation de cannabis ou de l’un de ses dérivés. Ainsi qu’une dette auprès de la société, à hauteur de 1 534 €, pour la destruction d’un miroir connecté au sein de l’entreprise CelestAIl.
L’automate poursuit encore longtemps son explication. Comment seront réparties les sommes, quels sont les moyens de faire appel de la sentence. Pourtant, le cerveau d’Élodie semble s’être mis en veille lorsque la somme pour le miroir a été annoncée. Comment Chris a-t-il fait pour le prévoir ?
— Madame Élodie Wang ?
Elle ne réagit pas.
— Eh oh ! Madame Élodie Wang ? M’entendez-vous ?
Une émoticône d’un visage souriant avec une goutte de sueur s’affiche sur l’écran qui sert de tête à la machine.
— Madame Élodie Wang, vos fonctions cérébrales paraissent tout à fait normales dans votre situation. Si vous désirez du calme, je peux vous laisser quelques instants. Cependant, vous ne m’avez pas indiqué qui vous désirez joindre pour la sortie de l’établissement. Dois-je suivre votre dossier et contacter madame Zoé Wang, votre sœur cadette ?
Élodie hoche la tête.
— Bien que je comprenne votre peine, sans mauvais jeu de mots, je vous rappelle que votre peine ne prendra fin qu’une fois le virement effectué, articule l’IA de surveillance en affichant un D au bas de son visage. Votre compte est suffisamment pourvu pour que vous soyez en mesure de le faire de votre cellule sans passer par le Centre Communal d’Action Sociale automatisé.
Ses yeux deviennent un point-virgule.
— Si vous voulez mon avis, les taux d’intérêt du CCAS sont bien trop élevés, et vous devriez utiliser vos fonds propres.
Un gâteau vient remplacer le visage de l’automate.
— Oh ! J’allais oublier. L’administration pénitentiaire vous souhaite un très agréable et heureux anniversaire, madame Élodie Wang.
Élodie mime un sourire et s’assoit sur sa chaise — le modèle ZuoSeat de 2077 d’un blanc crème assorti aux murs de la cellule.
— Joyeux anniversaire, Élo ! hurle Jérôme.
— Monsieur « erreur information absente », il s’agissait de votre dernier rappel. Pour le respect et la tranquillité des « zéro autre occupant », votre cellule a basculé en mode insonorisé. Eu égard à la playlist « erreur information absente », de la musique a été lancée. Puisse-t-elle permettre de ne pas détériorer l’image que vous portez à notre établissement. Merci de votre compréhension.
Machinalement, Élodie sélectionne l’onglet « valider ». Son compte est désormais amputé de 2 274 €. Elle enfouit son visage dans ses mains jusqu’au déblocage de sa cellule, environ trente minutes plus tard. Elle écoute les félicitations de l’automate. Du moins, elle les entend. Ses pieds la mènent dehors. Enfin une bonne nouvelle.
Zoé est là, bien vivante. Élodie ne réfléchit pas, elle saute au cou de sa sœur et pleure toutes les larmes de son corps. Elle bafouille des « T’es vivante, j’ai eu trop peur », au moins une dizaine de fois. À chaque fois, Zoé la rassure en lui disant « T’as fait un bad trip. T’as dû trop fumer. » — et n’oublie pas de lui souhaiter un bon anniversaire.
Quand Élodie reprend ses esprits. Zoé lui montre qu’elle est accompagnée de Stéphane.
— Il s’inquiétait beaucoup pour toi, alors je lui ai proposé de m’accompagner te chercher. Allez ! T’en fais pas Élo, tu iras mieux demain. Repose-toi ce soir, dit Zoé en adressant un clin d’œil à sa sœur.
Stéphane contemple ses pieds comme la huitième Merveille du monde. Son sourire est crispé, ses joues rosies. Il fait un signe maladroit en direction d’Élodie. Elle lui lance des éclairs.
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