Fyctia
Chapitre 7 — partie 4/5
Élodie éclate de rire. Ses paupières clignent frénétiquement. Son souffle est haché. Elle secoue la tête et s’essuie les yeux.
— Tu m’as fait peur… j’ai vraiment cru que…
Elle ne termine pas sa phrase. Un ange passe. Accompagné rapidement par l’automate.
— Monsieur « erreur information absente », l’administration pénitentiaire vous a envoyé un formulaire de satisfaction. Or, vous n’avez pas donné suite à nos différentes sollicitations. Nous espérons que votre séjour se déroule dans les meilleures conditions. Prendre soin de la population carcérale fait partie de nos missions primordiales.
L’automate mime un raclement de gorge et penche son interface en forme d’émoticône.
— Si vous voulez mon avis, le décor parle de lui-même. Si, comme moi, vous pensez qu’une plante verte synthétique et recyclée augmenterait votre niveau de satisfaction, n’hésitez pas à répondre à votre formulaire. Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur « erreur information absente » ?
— Mais non ! T’inquiète, tout roule ! J’ai juste pas de montre. C’est pour ça que t’as bugué, mort de rire.
— L’administration pénitentiaire est heureuse de savoir que votre séjour se déroule dans les meilleures conditions. À votre sortie, n’oubliez pas de donner la note maximale lorsque vous remplirez votre formulaire de satisfaction.
— Ouais, ouais… j’ferai ça, p’tet.
L’émoticône « clin d’œil » laisse place à une main qui se secoue. L’automate reprend son chemin en direction du fond du couloir.
— T’es encore là parce qu’ils t’ont perdu dans leur dossier ? s’inquiète Élodie.
— C’est pas la première fois. J’ai l’habitude. En général, il leur faut une bonne semaine pour me retrouver.
— C’est horrible !
— Ça va ! T’as vu, le robot vient taper la causette et même si leur IA est conne comme une huître, ça fait passer le temps.
— Ouais, mais une semaine… quand même !
— Mouais… ça fait que sept jours. C’est pas la mer à boire. J’prends trois comprimés de THC en LP et j’vois pas le temps passer.
— Tant mieux si tu le prends bien. Mais, ça fait combien que t’es là ?
— Prr ! Deux ou six jours. Un truc du genre. Et toi ?
— Mais, t’as bien vu que ça fait que quelques minutes ?
— Ah ? P’tet… je te crois.
— Ne le prends pas mal, Jérôme, mais je croyais devenir folle. J’en suis loin, ça me rassure. T’es encore plus touché que moi.
— T’inquiète, j’le prends pas mal, lol. Les visionnaires, on a tous un grain, lance-t-il en tapotant son arcade sourcilière.
— Visionnaires ?
— Faut être visionnaire pour s’apercevoir de ce que font CelestAIl et l’État. Ils contrôlent nos pensées et même nos souvenirs.
— T’as une preuve ?
— Pas besoin de preuve. Les preuves, c’est pour les barges du gouvernement.
La conversation s’étire sur des plombes. Une boucle d’hypothèses absurdes et infécondes. Tantôt Élodie rit, tantôt elle ronge ses ongles. Pourtant, après une énième phrase sur la qualité de l’air qui modifierait la mémoire, elle se fige.
« Mode [erreur]. Il est 16 h 2X. Nouveau message de Zoé : Tu diras Zoé, sinon elle crève. Chris. »
Sa montre, ainsi que son interface visuelle, redémarre. Elle réduit l’affichage sur ses lentilles. Face à elle : un Jérôme ahuri.
— Waouh ! Putain ! Comment t’as fait ? Même quand je bossais pour Lings, j’arrivais pas à envoyer des messages en taule… T’es magicienne ?
— Mes amis me surnomment Hermione Granger, ironise-t-elle.
Pourtant, les plus grands des sarcasmes ne calmeraient pas ses tremblements. Elle inspire, expire. Est-ce son psy qui lui aurait conseillé ? Elle forme aussi un rond avec l’index et le pouce. En vain.
— Trop forte ! J’espère que tu te feras pas cramer par l’automate. Ils sont relous avec leur « règlement ».
— OK, mais ça me dit pas comment t’as su que j’avais reçu un message.
— Bah, j’ai pas d’affichage visuel. J’l’ai enlevé. Du coup, j’vois direct les mouvements de tes yeux, lol. C’est pas plus con que ça.
— Dernier rappel ! Interdiction de communiquer entre détenus. Lors de la prochaine infraction au règlement, votre sentence pourrait se voir aggravée. Pour le respect des « zéro autre occupant », veuillez ne pas les déranger pendant leur séjour.
Le silence règne. Du moins, jusqu’au retour de la machine à 16 h 30 précises.
— Madame Élodie Wang, l’administration pénitentiaire a le regret de vous annoncer que le parquet automatique de l’IA centrale de la République française considère que vos délits présumés, à savoir la destruction de biens privés et la consommation de substances illicites, nécessitent un procès auprès du tribunal automatique. Il réclame une peine d’amende supérieure à dix pour cent de votre salaire mensuel.
Le robot rapproche sa pince de la parenthèse qui lui sert de bouche.
— Si vous voulez mon avis, prendre un avocat humain ne fera que rallonger votre séjour dans notre établissement. Même s’il est noté 4,7 étoiles en moyenne, j’imagine sans peine que vous préféreriez rentrer à votre domicile.
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Vince Black
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Il y a 23 jours
Anthony Dabsal
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Il y a 23 jours
Gottesmann Pascal
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Mary Lev
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